Il
y a 50 ans Itinéraires - Il y a 25 ans Présent
2006
verra un double anniversaire : le 50e anniversaire de la fondation,
en mars 1956, de la revue mensuelle Itinéraires, qui parut jusqu’en
1997, et le 25e anniversaire de la parution du numéro 0 (22 novembre
1981) du quotidien Présent, qui paraît toujours. Ces deux
publications ont été fondées par Jean Madiran, non seul certes. On
pourrait ajouter que cette année 2006 verra aussi un 40e
anniversaire : celui de la condamnation, le 23 juin 1966, de la revue
Itinéraires par l’épiscopat français.
La
“ Mise en garde des cardinaux et du Conseil permanent de l’épiscopat
français ”[1] visait
nommément “ des magazines comme le Monde et la Vie, des
revues comme Itinéraires et Défense du foyer, des
bulletins comme Lumière ”.
Que
reprochait l’épiscopat français à ces publications :
Ils
affirment que l’enseignement religieux est en crise ; l’école
chrétienne en péril ; l’autorité personnelle de chaque évêque
minée par les organismes collectifs de l’épiscopat ; la primauté
du Saint-Siège compromise par la collégialité ; la doctrine
sociale de l’Eglise faussée par le progressisme ; la foi de
nombreux clercs pervertie par des erreurs doctrinales et morales graves.
Ils contestent l’application qui est faite de la Constitution
liturgique. Ils critiquent les mouvements apostoliques et leurs méthodes.
Ils appellent prêtres et fidèles à s’unir pour sauver l’Eglise de
la décadence à laquelle la conduiraient irrémédiablement les pasteurs.
À
quarante ans de distance, quel observateur de bonne foi ne conviendra pas
que l’épiscopat français, du moins en son “ Conseil
permanent ” de l’époque, a manqué de clairvoyance. Les cris d’alarme
que lançaient Itinéraires et d’autres publications de laïcs
dans ces années post-conciliaires n’étaient pas exagérés. La crise
de l’Eglise – qui avait commencé en France avant le concile Vatican
II – s’est amplifiée et aggravée après 1966.
En
1966 les cardinaux français et le “ Conseil permanent de l’épiscopat
français ” voyaient dans les inquiétudes et critiques des laïcs
– qu’on ne qualifiait pas encore de “ traditionalistes ”
– une “ campagne ”, une fronde anti-épiscopale. Quelle
erreur ! Ils ne voyaient pas l’amour de l’Eglise et la défense
de la foi qui les animaient.
En
2006, il n’y aura pas de “ repentance ” de l’épiscopat
français pour cette condamnation d’il y a 40 ans. On n’entendra pas
la plainte, le regret, que celui qui était encore le cardinal Ratzinger a
humblement prononcés à la IXe station du Chemin de croix du Vendredi
saint 2005 à Rome :
Que
de souillures dans l’Eglise, et particulièrement parmi ceux qui dans le
sacerdoce, devraient lui appartenir totalement ! Combien d’orgueil
et d’autosuffisance !
S’il
n’y a pas eu de repentance solennelle et publique de l’épiscopat
français pour son “ orgueil ” et son “ autosuffisance ”
depuis les années post-conciliaires, pour son refus de voir la crise de l’Eglise,
pour sa marginalisation de ceux qui osaient la dénoncer – avec des
maladresses et des excès sans doute –, il y a eu, depuis une décennie,
une certaine et limitée repentance de fait : des évêques
procèdent à des ordinations dans des abbayes attachées à la Tradition,
accueillent des fondations traditionnelles, etc.
Il
semblerait même que certains évêques prêtent enfin attention aux
écrits de celui qui, parmi les fidèles attachés à la Tradition, est la
plume la plus acérée, la plus constante et celle dont l’autorité est
la plus grande : Jean Madiran. En 2004, sa Trahison des
commissaires (éditions Consep, 2004) a précédé de peu le “ Communiqué ”
et la “ Note doctrinale ” de la Commission doctrinale de l’épiscopat
français sur les livres du Père Cerbelaud et de Jacques Duquesne.
Etait-ce vraiment un hasard ?
Les
50 ans de la fondation d’Itinéraires et les 25 ans de la
fondation de Présent ne verront certainement pas quelque message
épiscopal rendre hommage à Jean Madiran. Beaucoup d’évêques
français – tous les évêques français ? – croient encore, sur
la foi de ce qu’ils ont lu dans le Monde par exemple, que Présent
est un journal “ intégriste ” et “ extrémiste ”.
Ils ignorent les campagnes de désabonnement à Itinéraires
lancées par la Fraternité Saint-Pie X après les sacres de 1988 et qui
ont causé la mort de la revue. Ils ignorent les campagnes de boycott de Présent
lancées par le Front national et qui ont failli mettre à mort le
journal.
Les
évêques de France ont lu dans le Monde, il y a 25 ans (le 20
novembre 1981), que Présent serait un “ quotidien d’extrême
droite ”. Ils le croient encore. Ils n’ont pas lu les
récusations du qualificatif faites par Jean Madiran : Extrême
droite ? Ah non, assez ! (1991), “ mythe assassin qui
est au cœur de la calomnie officielle ”. Ils n’ont pas vu que la
vertu de piété est au cœur de l’œuvre, religieuse et politique, de
Jean Madiran. La piété comme reconnaissance et fidélité, dans l’Eglise
comme dans la société.
Pour
ceux des lecteurs de cette modeste Aletheia qui ne lisent pas Présent
– et ils sont nombreux, je crois, dans une catégorie bien
spécifique de lecteurs en France et hors de France –, j’offre cette récente
page de Jean Madiran, page de “ souvenirs et
considérations ”.
Bien
évidemment, une telle page, venant après d’autres, fait souhaiter que
Jean Madiran rédige le livre de Mémoires qu’on est en droit d’attendre
de lui. Il y répugne, je crois, pour différentes raisons qui, pour
certaines, sont très justes. Mais il doit ce livre, non tant à ses
lecteurs habituels, qui pourraient espérer de lui ce livre-là aussi, qu’à
l’histoire de l’Eglise de ce demi-siècle. Les biographies ou
autobiographies épiscopales, les souvenirs et mémoires des “ grands ”
intellectuels catholiques “ de gauche ” de ce demi-siècle
(G. Hourdin, H-I Marrou, A. Mandouze, etc.) ne suffiront pas à rendre
compte de manière juste et complète de cette histoire. Imagine-t-on de
comprendre l’autre tourmente qu’a connue l’Eglise de France – le
modernisme – , il y a cent ans, en lisant seulement les Mémoires
de Loisy ? |