Le
statut canonique de la Fraternité Saint-Pie X,
de
ses évêques et de ses prêtres
- par
Yves Chiron
La
note de la Secrétairerie d’État, en date du 4 février 2009, qui a suivi la
levée de l’excommunication des quatre évêques de la FSPX, précisait :
La
levée de l’excommunication a libéré les quatre évêques d’une peine
canonique gravissime, mais elle n’a pas changé la situation juridique de la
Fraternité Saint-Pie X, qui, au moment présent, ne jouit d’aucune
reconnaissance canonique dans l’Église catholique. Les quatre évêques, bien
que libérés de l’excommunication, n’ont pas de fonction canonique dans
l’Église et n’exercent pas de ministère licite en son sein.
Le
10 mars suivant, dans sa Lettre aux évêques de l’Église catholique sur la
levée de l’excommunication, Benoît XVI expliquait les raisons doctrinales de
la situation canonique actuelle de la FSSPX :
La
levée de l’excommunication était une mesure de la discipline ecclésiastique :
les personnes étaient libérées du poids de conscience que constitue la
punition ecclésiastique la plus grave. Il faut distinguer ce niveau
disciplinaire du domaine doctrinal. Le fait que la Fraternité Saint-Pie X
n’ait pas de position canonique dans l’Église, ne se base pas en fin de
compte sur des raisons disciplinaires mais doctrinales. Tant que la Fraternité
n’a pas une position canonique dans l’Église, ses ministres non plus
n'exercent pas de ministères légitimes dans l'Église [...]. tant que les
questions concernant la doctrine ne sont pas éclaircies, la Fraternité n’a
aucun statut canonique dans l’Église, et ses ministres – même s’ils ont
été libérés de la punition ecclésiastique – n'exercent de façon légitime
aucun ministère dans l'Église.
La
pleine communion de la FSSPX avec le Saint-Siège n’a pas encore été retrouvée.
La levée de l’excommunication a été, de la part de Benoît XVI, un geste de
miséricorde et le début d’un processus dont le but n’est pas encore
atteint : « inviter encore une
fois les quatre Évêques au retour » (Lettre du 12 mars 2009).
La
FSPX reste, aujourd’hui encore, dans une situation canonique anormale, ou
anomique si l’on veut. Cette position a été rappelée, à quelques jours des
ordinations prévues à Écône, par un communiqué du Saint-Siège, le 17 juin
dernier, qui concluait : Ces
ordinations doivent donc être considérées également comme illégitimes.
Un
article de L’Année
canonique
L’Année
canonique est la principale revue française de droit canonique. Elle est
publiée sous les auspices de la Société internationale de droit canonique et
de législations religieuses comparées et de la Faculté de droit canonique de
Paris. Son dernier numéro contient un article de Philippe Toxé, doyen
honoraire de cette Faculté, consacré à « La levée des excommunications
de quatre évêques de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X ».
Cet article de treize pages procède de manière méthodique : il analyse
d’abord le décret de remise de peine du 21 janvier, puis il en montre la portée.
On
ne reprendra pas toutes les analyses de l’auteur, qui s’en tient strictement
au plan canonique. Il rappelle que le décret du 21 janvier 2009 « ne
concerne que les fidèles pour qui il est porté, et que la peine mentionnée.
Il ne faut donc pas lui faire produire des effets juridiques au-delà ou lui
demander de résoudre d’autres questions ».
Les
évêques de la FSSPX, s’ils sont relevés de l’excommunication, ne sont pas
encore en communion complète avec le Saint-Siège : « ces quatre évêques
n’ont pas de mission canonique, n’ayant ni office ecclésiastique de nature
épiscopale, comme un office diocésain, ni titre in partibus. Ce n’est que dans la mesure où ils recevront un tel
titre ou office qui manifestera leur mission canonique en communion avec le siège
apostolique qu’ils seront membres du collège épiscopal de l’Église
catholique. »
Sans
même parler du statut canonique de la FSSPX en général, la situation
canonique des prêtres de la FSSPX reste, elle aussi, non résolue. Le décret
du 21 janvier n’a pas modifié leur statut personnel :
« Salvo meliori iudicio,
il semble raisonnable de penser que le plus grand nombre de ces clercs a encouru
deux censures : l’excommunication latae sententiae dès lors qu’ils ont adhéré au schisme et la
suspense a divinis ipso facto, dès
lors qu’ils ont été ordonnés sans dimissoriales d’un ordinaire légitime ».
Cette
suspense ne les empêche pas de recevoir les sacrements, « mais leur
interdit d’exercer le pouvoir d’ordre et de juridiction ». Leur statut
personnel reste à déterminer et
leur situation canonique est encore en attente de régularisation.
Ce
que ne dit pas l’article, ce sont les accommodements avec le droit canon qui
ont été trouvés, avant le décret du 21 janvier, et encore plus depuis le décret
du 21 janvier.
Tout
le monde se souvient du pèlerinage que la FSSPX, ses quatre évêques en tête,
a pu faire dans les basiliques majeures de Rome à l’occasion du Jubilé de
l’an 2000. L’abbé de La Rocque écrivait ensuite dans la Lettre à nos frères prêtres (n° 7, sept. 2000) : « Le
quinze août de l’an deux mille, en la fête de l’Assomption de la Très
sainte Vierge Marie, notre Supérieur Général, Son Excellence Monseigneur
Bernard Fellay, put célébrer une messe chantée en la Basilique
Sainte-Marie-Majeure ».
L’information
était fausse. Mgr Fellay n’avait pas obtenu de pouvoir célébrer la messe
dans la basilique. C’est en plein air, sur le Colle Oppio, qu’il a dû la célébrer.
En revanche, en cette année jubilaire, nombre de sanctuaires et d’églises se
sont ouverts, en France et ailleurs, aux prêtres de la FSSPX. Depuis, au cas
par cas, selon la générosité des curés, recteurs et évêques diocésains,
des permissions ont été accordées et sont accordées, en nombre toujours plus
grand, pour des messes de pèlerinage, ou des mariages ou d’autres cérémonies
religieuses. Avec, parfois, des restrictions ou des vexations.
Outre
les solutions institutionnelles et canoniques encore à trouver pour la FSSPX,
ses évêques et ses prêtres, il reste encore, bien souvent, une conversion des
cœurs, de part et d’autre, à opérer.
|