Monseigneur
Lefebvre en attente de réhabilitation
- par Yves
Chiron
Lors
de l’annonce, en janvier dernier, de la levée de l’excommunication des
quatre évêques de la Fraternité Saint-Pie X, certains fidèles et certains
commentateurs se demandaient si la décision s’appliquait aussi aux deux évêques
qui les avaient sacrés, Mgr Lefebvre et Mgr de Castro Mayer. L’abbé Laguérie,
fondateur de l’Institut du Bon Pasteur, a écrit et répété en chaire que le
cardinal Thiandoum, venu à Écône saluer la dépouille mortelle de Mgr
Lefebvre en 1991, avait « levé l’excommunication, ” post mortem”,
du prestigieux prélat défunt ».
Si
elle avait été exacte, l’information, jusque-là inédite, aurait été
d’importance. Elle aurait révélé un acte de mansuétude dans les sévérités
du Saint-Siège.
M.
l’abbé Simoulin, directeur du séminaire d’Écône à l’époque du décès
du fondateur de la FSSPX, a démenti cette information : « Le
cardinal Thiandoum, âgé et malade, a fait savoir son regret de ne pouvoir
faire le voyage et a envoyé son secrétaire, l’abbé Hyacinthe Dione, pour le
représenter aux obsèques de monseigneur. Ce prêtre a béni le cercueil, comme
nous tous ! ».
L’abbé
Laguérie a néanmoins maintenu que l’excommunication de Mgr Lefebvre avait
bien été levée : « Je ne vois pas comment on pourrait sérieusement
contester ce fait universellement raconté dans la Frat. [FSSPX] à l’époque,
notamment aux obsèques de Mgr Lefebvre ».
Et il avançait un autre nom : Mgr Rovida, nonce à Berne, aurait
levé l’excommunication « en tant que tel, représentant du Saint-Siège ».
Pour
éclairer de manière définitive ce point d’histoire, j’ai interrogé Mgr
Edoardo Rovida, qui m’a répondu, en date du 26 février 2009 :
Effectivement
j’ai été à Écône le matin suivant de la mort de Mgr Lefebvre ; mais
seulement pour prier, bénir et rendre hommage à sa dépouille mortelle.
Quant
à une éventuelle levée d’excommunication, je vous assure qu’absolument
rien n’a été fait de ma part.
La
sentence d’excommunication de Mgr Lefebvre n’a donc pas été levée.
Mgr
Fellay, supérieur général de la FSSPX, dans sa lettre aux fidèles, le 24
janvier dernier, disait espérer « la prompte réhabilitation Mgr Lefebvre.
Mais
cinq jours plus tard, dans la lettre qu’ils ont écrite au Pape pour le
remercier de la levée des excommunications, les quatre évêques de la FSSPX
estimaient que le décret du 21 janvier « réhabilite de quelque façon le
vénéré fondateur de notre Fraternité sacerdotale ».
Cette
interprétation du décret du 21 janvier est biaisée. La levée des
excommunications du 21 janvier 2009 est une remise de peine qui ouvre la voie à
une réconciliation, ce n’est en aucun cas la reconnaissance a posteriori de
la licéité de l’acte posé par Mgr Lefebvre en 1988, acte qui lui a valu
l’excommunication.
S’il
est en quelque sorte une première étape de la réhabilitation de Mgr Lefebvre,
et des laïcs qui ont combattu pour le maintien de la messe traditionnelle (avec
Jean Madiran au premier rang), il faut la chercher dans le motu proprio du 7
juillet 2007 qui a rétabli, de droit, un rite qui avait été pour ainsi dire
interdit, au moins jusqu’en 1984.
Les
oppositions romaines au Pape
L’abbé
Claude Barthe, ordonné prêtre par Mgr Lefebvre en 1979, passé ensuite par le
sédévacantisme, co-fondateur de l’Institut du cardinal Pie (ICP) qui existe
toujours, a fondé, il y a quelques années, la très discrète Société des prêtres
auxiliaires, et il a obtenu, de la Commission Ecclesia Dei, un celebret.
En
2005, à la veille du conclave qui devait élire Benoît XVI, il voyait le collège
cardinalice partagé en trois tendances : « progressiste »,
« modérée-libérale » et « modérée-restaurationniste ».
Il pronostiquait : « les progressistes vont se rallier à un candidat
modéré-libéral, qui pourrait bien atteindre, à la longue, la majorité
requise. » (entretien accordé à Pacte,
n° 91). Le pronostic s’avéra erroné.
Aujourd’hui,
reprenant les mêmes catégories, plus politiques que religieuses (« centre-droit »,
« libéraux », etc.), il présente dans un petit livre ce qu’il
appelle les « oppositions romaines au pape ».
Il
décrit la Curie romaine comme le théâtre d’une continuelle lutte
d’influences qui passerait principalement par le biais des nominations à la tête
des différents dicastères. Il décrit aussi les tentatives et les manœuvres
« pour freiner, aménager, corriger le cours de la nouvelle politique
romaine ».
Certaines
analyses sont intéressantes, mais elles sont parfois trop rapides et pas
toujours convaincantes. On voit mal, par exemple, comment le cardinal indien
Dias, nommé préfet de la Congrégation pour l’Evangélisation des peuples,
peut être présenté comme trop tolérant à l’égard des « manifestations
les plus singulières du dialogue interreligieux ». Le cardinal Dias, au
contraire, est connu comme un des principaux rédacteurs de la déclaration Dominus
Iesus (2000) et il a été, en 2001, à l’origine de la Notification publiée
contre le livre du théologien Jacques Dupuis, Vers
une théologie chrétienne du pluralisme religieux.
Les
considérations sur les oppositions à Benoît XVI en matière liturgique
doivent, elles aussi, être corrigées par la récente nomination du très
« ratzingérien » cardinal Cañizares Llovera à la tête de la
Congrégation pour le Culte divin et la Discipline des sacrements.
Les
oppositions à Benoît XVI sont bien plus fortes dans certains pays qu’à
Rome. Et encore, faut-il nuancer. En France, par exemple, on ne peut opposer
indistinctement « les évêques » au pape. Même si, pour le moment,
les évêques français en syntonie complète avec la pensée et l’action de
Benoît XVI sont une minorité.
Yves
Chiron
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