Une
levée d'excommunication - par Yves Chiron
Le
samedi 24 janvier a été publié un décret de la Congrégation des Évêques
levant l’excommunication portée contre les quatre évêques sacrés par Mgr
Lefebvre en 1988.
Voici
d’abord, dans leur intégralité, trois documents[1]:
-
le décret de la Congrégation, en date du 21 janvier ;
-
le communiqué de Mgr Fellay, Supérieur général de la FSSPX, en date du 24
janvier ;
-
la lettre aux fidèles du Supérieur général de la FSSPX, du même jour.
Décret
de la Congrégation pour les Évêques
Prot.
N. 126/2009
Par
la lettre du 15 décembre 2008 adressée à Son Éminence, le Cardinal Dario
Castrillón Hoyos, Président de la Commission Pontificale Ecclesia Dei,
Mgr Bernard Fellay, en son nom ainsi qu’au nom des trois autres Évêques
consacrés le 30 juin 1988, sollicitait de nouveau la levée de
l’excommunication latae sententiae formellement déclarée par Décret
du Préfet de cette même Congrégation pour les Évêques en date du 1er
juillet 1988. Dans la lettre ci-mentionnée, Mgr Fellay affirme, entre autre :
« Nous sommes aussi toujours bien ancrés dans la volonté de rester
catholiques et de mettre toutes nos forces au service de l’Eglise de
Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui est l’Eglise catholique romaine. Nous
acceptons son enseignement filialement. Nous croyons fermement à la Primauté
de Pierre et à ses prérogatives et c’est pourquoi la situation actuelle nous
fait d’autant plus souffrir ».
Sa
Sainteté Benoît XVI – paternellement sensible au malaise spirituel manifesté
par les intéressés à cause de la sanction d’excommunication et confiant
dans l’engagement exprimé par eux dans la lettre citée de n’épargner
aucun effort pour approfondir dans les nécessaires colloques avec les Autorités
du Saint-Siège les questions encore ouvertes, et de pouvoir ainsi parvenir
rapidement à une pleine et satisfaisante solution du problème posé à
l’origine – a décidé de reconsidérer la situation canonique des Évêques
Bernard Fellay, Bernard Tissier de Mallerais, Richard Williamson et Alfonso de
Galarreta relative à leur consécration épiscopale.
Cet
acte exprime le désir de consolider les relations réciproques de confiance,
d’intensifier et de rendre stables les rapports de la Fraternité Saint-Pie X
avec le Siège Apostolique. Ce don de paix, au terme des célébrations de Noël,
se veut aussi un signe pour promouvoir l’unité dans la charité de l’Église
universelle et, par là, enlever le scandale de la division.
En
souhaitant que ce pas soit suivi sans tarder de la pleine communion avec l’Église
de toute la Fraternité Saint-Pie X, en témoignage d’une vraie fidélité et
d’une vraie reconnaissance du Magistère et de l’autorité du Pape par la
preuve de l’unité visible.
Selon
les facultés qui m’ont été expressément concédées par le Saint Père
Benoît XVI, en vertu du présent Décret, je remets aux Évêques Bernard
Fellay, Bernard Tissier de Mallerais, Richard Williamson et Alfonso de Galarreta
la censure d’excommunication latae sententiae déclarée par cette
Congrégation le 1er juillet 1988, ainsi que je déclare privé d’effets
juridiques, à partir de la date d’aujourd’hui, le Décret publié à cette
époque.
Rome,
de la Congrégation pour les Évêques, le 21 janvier 2009.
Card.
Giovanni Battista Re
Préfet
de la Congrégation pour les Évêques
Communiqué
du Supérieur Général de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X
L’excommunication
des évêques sacrés par S. Exc. Mgr Marcel Lefebvre le 30 juin 1988, qui avait
été déclarée par la Congrégation pour les évêques par un décret du 1er
juillet 1988 et que nous avons toujours contestée, a été retirée par un
autre décret de la même Congrégation en date du 21 janvier 2009, sur mandat
du pape Benoît XVI.
Nous
exprimons notre gratitude filiale au Saint Père pour cet acte qui, au-delà de
la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X, sera un bienfait pour toute l’Eglise.
Notre Fraternité souhaite pouvoir aider toujours plus le pape à porter remède
à la crise sans précédent qui secoue actuellement le monde catholique, et que
le pape Jean-Paul II avait désignée comme un état d’« apostasie
silencieuse ».
Outre
notre reconnaissance envers le Saint Père, et envers tous ceux qui l’ont aidé
à poser cet acte courageux, nous sommes heureux que le décret du 21 janvier
envisage comme nécessaires des “entretiens” avec le Saint-Siège,
entretiens qui permettront à la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X d’exposer
les raisons doctrinales de fond qu’elle estime être à l’origine des
difficultés actuelles de l’Eglise.
Dans
ce nouveau climat, nous avons la ferme espérance d’arriver bientôt à la
reconnaissance des droits de la Tradition catholique.
Menzingen,
le 24 janvier 2009
+
Bernard Fellay
Lettre
du Supérieur Général de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X
Bien
chers fidèles,
Comme
je l’annonce dans le communiqué ci-joint, « l’excommunication des évêques
sacrés par S. Exc. Mgr Marcel Lefebvre le 30 juin 1988, qui avait été déclarée
par la Congrégation pour les évêques par un décret du 1er juillet 1988 et
que nous avons toujours contestée, a été retirée par un autre décret de la
même Congrégation en date du 21 janvier 2009, sur mandat du pape Benoît XVI.».
C’était l’intention de prière que je vous avais confiée à Lourdes, le
jour de la fête du Christ-Roi 2008. Vous y avez répondu au-delà de nos espérances,
puisqu’un million sept cent trois mille chapelets ont été récités pour
obtenir de l’intercession de Notre Dame la fin de cet opprobre qui pesait, à
travers la personne des évêques de la Fraternité, sur tous ceux qui étaient
attachés de près ou de loin à la Tradition. Sachons remercier la Très Sainte
Vierge qui a inspiré au Saint Père cet acte unilatéral, bienveillant et
courageux. Assurons-le de notre prière fervente.
Grâce
à ce geste, les catholiques du monde entier attachés à la Tradition ne seront
plus injustement stigmatisés et condamnés pour avoir maintenu la foi de leurs
pères. La Tradition catholique n’est plus excommuniée. Bien qu’elle ne
l’ait jamais été en soi, elle l’a été bien souvent et cruellement
dans les faits. Tout comme la messe tridentine n’avait jamais été
abrogée en soi, ainsi que l’a heureusement rappelé le Saint Père par
le Motu Proprio Summorum pontificum du 7 juillet 2007.
Le
décret du 21 janvier cite la lettre du 15 décembre dernier au cardinal
Castrillon Hoyos dans laquelle j’exprimais notre attachement « à l’Eglise
de N.S. Jésus-Christ qui est l’Eglise catholique », y réaffirmant notre
acceptation de son enseignement bimillénaire et notre foi en la Primauté de
Pierre. Je rappelais combien nous souffrons de la situation actuelle de l’Eglise
où cet enseignement et cette primauté sont bafoués, et ajoutais : « Nous
sommes prêts à écrire avec notre sang le Credo, à signer le serment
anti-moderniste, la profession de foi de Pie IV, nous acceptons et faisons nôtres
tous les conciles jusqu’à Vatican II au sujet duquel nous émettons des réserves.
» En tout cela, nous avons la conviction de rester fidèles à la ligne de
conduite tracée par notre fondateur, Monseigneur Marcel Lefebvre, dont nous espérons
la prompte réhabilitation.
Aussi
souhaitons-nous aborder ces « entretiens » - que le décret reconnaît « nécessaires
» - sur les questions doctrinales qui s’opposent au magistère de toujours.
Nous ne pouvons que constater la crise sans précédent qui secoue l’Eglise
aujourd’hui : crise des vocations, crise de la pratique religieuse, du catéchisme
et de la fréquentation des sacrements…
Avant
nous, Paul VI parlait même d’une infiltration des « fumées de Satan » et
de « l’autodémolition » de l’Eglise. Jean-Paul II n’a pas hésité à
dire que le catholicisme en Europe était comme en état d’ « apostasie
silencieuse ». Peu de temps avant son élection au Souverain Pontificat, Benoît
XVI lui-même comparait l’Eglise à un « bateau qui prend l’eau de toute
part ». Aussi voulons-nous, dans ces entretiens avec les autorités romaines,
examiner les causes profondes de la situation présente et y en apportant le remède
adéquat, parvenir à une restauration solide de l’Eglise.
Chers
fidèles, l’Eglise est entre les mains de sa Mère, la Très Sainte Vierge
Marie. En elle, nous nous confions. Nous lui avons demandé la liberté de la
messe de toujours, partout et pour tous. Nous lui avons demandé le retrait du décret
des excommunications. Nous lui demandons dans nos prières, à elle qui est le
Siège de la Sagesse, ces nécessaires éclaircissements doctrinaux dont les âmes
troublées ont tant besoin.
Menzingen,
le 24 janvier 2009
+
Bernard Fellay
Quelques
remarques
•
La Fraternité Saint-Pie X avait demandé, à plusieurs reprises, « le retrait
du décret d’excommunication » de 1988. Elle a obtenu la levée de ce
décret (rimozione dans le texte original italien du cardinal Re). Ce
n’est pas la même chose. Un « retrait » aurait signifié que
l’excommunication était injustifiée. La « levée » d’excommunication
signifie que la situation canonique des quatre évêques concernés est changée.
Cette décision est prise, dit le texte du décret, pour deux raisons : à cause
du « malaise spirituel » (disagio spirituale dit, plus fortement, le
texte original) créé par l’excommunication et à cause de « l’engagement
» pris par les intéressés.
Si
le décret d’excommunication avait été retiré, autant dire annulé, il
aurait concerné non seulement les quatre évêques consacrés en 1988 mais
aussi les deux évêques consécrateurs (Mgr Lefebvre et Mgr de Castro Mayer).
Or, ce n’est pas le cas. Mgr Fellay, dans sa lettre aux fidèles, y fait
allusion quand il espère « la prompte réhabilitation » de Mgr Lefebvre.
•
Il serait intéressant de connaître le texte intégral la lettre du 15 décembre
2008 dans laquelle a été sollicitée « de nouveau la levée
d’excommunication ». Pour le moment, on en connaît un extrait cité dans le
décret du cardinal Re et un autre cité par Mgr Fellay dans sa lettre aux fidèles.
Il
est remarquable que l’acceptation de tous les enseignements du concile Vatican
II n’a pas été une condition posée par Rome à la levée de
l’excommunication. Dans la lettre du 15 décembre, Mgr Fellay, en son nom et
au nom des trois autres évêques, a déclaré « nous acceptons et faisons nôtres
tous les conciles jusqu’à Vatican II au sujet duquel nous émettons des réserves
».
Le
décret de levée d’excommunication ne cite pas ce passage de la lettre de Mgr
Fellay mais y fait allusion en parlant, de façon plus minimaliste, de «
questions encore ouvertes » à propos desquelles des « entretiens » (colloqui)
avec les autorités du Saint-Siège » seront nécessaires.
•
Le Saint-Siège considère que « la pleine communion avec l’Eglise de toute
la Fraternité Saint-Pie X » n’est pas encore atteinte, même avec ce décret.
Le
7 décembre 1965, par le bref Ambulate in dilectione, Paul VI voulut «
effacer du souvenir de l’Eglise la sentence d’excommunication » portée en
1054 contre le patriarche de Constantinople. Il espérait que cette décision
(non unilatérale) favoriserait le rétablissement de « la parfaite unité »
entre catholiques et orthodoxes et permettrait de « supprimer les obstacles et
les entraves ». Quarante ans plus tard, cette « parfaite unité » n’est pas
encore atteinte – même si Benoît XVI y consacre beaucoup d’efforts.
Du
côté de la FSSPX, on estime qu’un « nouveau climat » est créé par cette
levée des excommunications. Mais ce n’est pas une pleine communion. La FSSPX
continuera-t-elle, par exemple, à ordonner à nouveau les prêtres, ordonnés
selon le nouveau rite, qui la rejoignent ? Continuera-t-elle à conseiller à
ses fidèles de ne pas aller à la messe le dimanche plutôt que d’assister à
une messe selon le rite de Paul VI ?
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