Une
interview de Mgr Tissier de Mallerais
Mgr
Bernard Tissier de Mallerais a répondu aux questions de la revue américaine
The Angelus. Il est utile de faire connaître intégralement ses déclarations
aux lecteurs francophones. La traduction publiée ici est parue sur
internet. Je l’ai retouchée en quelques endroits d’après
l’original américain.
The
Angelus : Après 20 ans d'épiscopat, que pensez-vous de l'état de l'Eglise?
Mgr
Bernard Tissier de Mallerais : Jean-Paul II n'a rien fait pour
reconstruire la Foi. La grande apostasie s'est amplifiée, la jeunesse est
presque entièrement perdue dans l'impureté et dans les drogues. La
liberté religieuse et les droits de l'Homme ont complètement détruit la
royauté sociale du Christ. Nous vivons la grande apostasie dont parle
saint Paul aux Thessaloniciens : “venerit discessio primum”
(II Thess. 2,3).
The
Angelus : Quelque chose a-t-il changé dans la Fraternité ? Et si oui : quoi?
Mgr
Bernard Tissier de Mallerais : De quelle société parlez-vous ?
De la Fraternité Saint Pie X ? Bien sûr, la Fraternité a grandi, Dieu
merci, passant de 150 à 450 prêtres ; le nombre de frères a doublé.
Peu de nouveaux prieurés ; il vaut mieux consolider la vie en commun des
prêtres ! Mais beaucoup de nouvelles missions, partout. Pas beaucoup de
nouveaux pays, ce n'est pas nécessaire. Nous devons nous développer là
où nous avons débuté. C’est suffisant.
The
Angelus : Combien de pays avez-vous visités depuis votre sacre ?
Mgr
Bernard Tissier de Mallerais : À peu près tous les pays dans
lesquels nos prêtres travaillent, sauf le Japon et la Corée. Combien
cela fait-il ? Sans doute plus de 30 ou 40.
The
Angelus : Qu'est-ce qui vous a impressionné chez les fidèles, quand vous
voyagez pour confirmer ?
Mgr
Bernard Tissier de Mallerais : Le grand nombre de familles nombreuses,
bien sûr. Parfois plus de 10 enfants - c'est merveilleux ! C'est l'effet
de la Grâce du Saint Sacrifice de la messe. Et, cela va avec, les
nombreuses écoles de garçons ou de filles ouvertes, des écoles
primaires à proximité de nos prieurés dans beaucoup d'endroits. Une église,
un prieuré, une école : c'est maintenant l'unité normale.
The
Angelus : Qu'aurait-il pu se passer sans les sacres ?
Mgr
Bernard Tissier de Mallerais : Nous serions morts : des prêtres âgés,
seulement des prêtres âgés, des Frères âgés, des Sœurs âgées, des
séminaires vides et morts ; et pas de Fraternité Saint-Pierre ni tout le
reste. La tradition serait morte. Les sacres d'évêques ont été un
"acte sauveur" [en français dans le texte]. L'"opération
survie" a été un succès complet, grâce à Dieu et grâce à
l'acte héroïque de Mgr Lefebvre.
The
Angelus : La situation avec Rome est-elle plus encourageante vingt ans après
?
Mgr
Bernard Tissier de Mallerais : Non, rien n'a changé. À part le motu
proprio du 7 juillet 2007, qui est un miracle inattendu, et qui change
radicalement la pratique du Saint-Siège vis-à-vis de la messe
traditionnelle. Mais en pratique, peu de prêtres reviennent à la
Tradition. Seuls de jeunes prêtres, quelques-uns parmi eux, sont intéressés.
Mais pour ce qui est de la liberté religieuse, des droits de l'Homme, de
l'intérêt que Rome porte à notre travail : rien n'a changé - induratio
cordium ! Un endurcissement des cœurs, un aveuglement des esprits.
The
Angelus : Que voudriez-vous dire à ceux qui prédisaient, en 1988, que la
Fraternité Saint Pie X créait
une Eglise parallèle ? L'histoire ne leur a-t-elle pas donné tort?
Mgr
Bernard Tissier de Mallerais : Je vous réponds : où est l'Eglise,
mes chers ? Reconnaissez l'arbre à ses fruits. Là où sont les fruits, là
est l'Eglise. Je ne veux pas dire que l'Eglise se réduit à la Fraternité,
mais que son cœur est dans la Fraternité. La vraie Foi, l'enseignement
vrai, les sacrements non abâtardis (the non-bastard sacraments) :
tout cela est dans la Fraternité. Partout ailleurs, il y a un mélange
plein de compromis à cause du libéralisme et de la faiblesse d'esprit.
L'Eglise parallèle, c'est la néo-Eglise de Vatican II : son esprit, sa
nouvelle religion ou non-religion (her new-religion or no-religion).
The
Angelus : Quel est le développement le plus important des vingt dernières
années ? La mort de Monseigneur [Mgr Lefebvre] ? L'élection de
Benoît XVI ? Le Motu Proprio ?
Mgr
Bernard Tissier de Mallerais : La réponse, c'est notre persévérance,
notre existence. La continuation miraculeuse de la Tradition. Les sacres
d'évêques étaient un simple moyen pour tendre à ce but. Non, la mort
de Mgr Lefebvre, l'élection de Benoît XVI, et ce genre de choses, ne
sont pas des événements d’importance. Vraiment, il ne s'est rien passé
d'important depuis vingt ans, à part le miracle de la survie de la
Tradition.
The
Angelus : Beaucoup de catholiques qui s'étaient d'abord battus aux côtés
de Monseigneur, il y a des années, sont maintenant enclins à unir leurs
forces avec Rome qui semble plus conservatrice, en s'alliant à des
instituts dont le statut canonique est plus "régulier" au sein
de l'Eglise.
Mgr
Bernard Tissier de Mallerais : Oui, il y a eu beaucoup de pertes. À
cause du manque de principes, de l'infidélité au combat de la Fraternité,
de la recherche de compromis, de l’aspiration à la paix, du désir
d'une victoire avant le temps que Dieu à prévu. Ces pauvres gens (des prêtres,
des religieux, des laïcs) sont des libéraux et des pragmatiques. Ils
sont séduits par les sourires des gens du Vatican, je veux dire des prélats
de la Curie. Ce sont des gens qui étaient fatigués du long, long combat
pour la Foi : "Quarante ans, c'est assez !". Mais ce combat
durera encore trente ans. Donc : ne cessez pas, ne cherchez pas de "réconciliation,",
mais combattez !
The
Angelus : Quel est votre souvenir le plus marquant de Monseigneur ?
Mgr
Bernard Tissier de Mallerais : Le 13 octobre 1969, quand il nous a
accueilli au 106, route de Marly, à Fribourg, en Suisse, il était seul
et recevait 9 séminaristes dans deux appartements qu'il louait aux Salésiens.
Seul et âgé 63 ans, et commençant tout à zéro avec nous, pauvres
jeunes gens ! C'était émouvant de voir comment il prenait soin de
nous, nous donnant des conférences spirituelles, très simples, théologiques,
à l'aide de saint Thomas d'Aquin et de son expérience de missionnaire.
Un archevêque, ancien supérieur général [d’une congrégation] de
3.000 membres, ancien délégué Apostolique, et maintenant seul avec neuf
jeunes gens à commencer quelque chose pour le bien du sacerdoce, quelque
chose dont il ignorait le futur. Réalisez sa Foi !
The
Angelus : Quel est le moment le plus marquant de votre séminaire ?
Mgr
Bernard Tissier de Mallerais : Fabuleux ! Mon premier contact avec la
Somme de saint Thomas d'Aquin, durant les merveilleux cours du Père
Thomas Mehrle, O.P., qui chaque semaine venait de Fribourg à Ecône pour
nous enseigner le Christ et Dieu. Quel délice c'était d'entendre le Père
Mehrle commenter la Somme, et nous étions là, à lire la Somme en latin,
le merveilleux latin de saint Thomas. Combien d'heures de délices, chaque
matin, de 8 heures et quart à 9 heures, à ma table dans ma chambre, avec
la Somme à méditer et à apprendre ! Et maintenant encore je continue,
je fais exactement la même chose !
The
Angelus : Direz-vous que le combat pour la messe a complètement changé
depuis les sacres ?
Mgr
Bernard Tissier de Mallerais : Absolument pas. Rien n'a changé ! La
persécution contre les jeunes prêtres d'aujourd'hui qui retournent à la
vieille messe est la même que la persécution contre les bons prêtres,
des prêtres qui, il y a 40 ans, restaient fidèles à la messe de leur
ordination. À quelques très rares exceptions, les évêques détestent
la messe traditionnelle. Leur nouvelle religion s'oppose à la vraie
messe, et la vraie messe détruit leur fausse religion, une religion sans
sacrifice, sans expiation, sans satisfaction, sans justice divine, sans pénitence,
sans renonciation à soi-même, sans ascétisme ; la religion du
soi-disant "amour, amour, amour" qui n'est que des mots.
The
Angelus : D'un autre côté, ne diriez-vous pas qu'aujourd'hui le combat
pour la doctrine est devenu plus important ?
Mgr
Bernard Tissier de Mallerais : C'est le même combat : ratio cultus,
ratio fides. La loi de la Foi est la loi de la liturgie, et la loi de
la liturgie est la loi de la Foi : lex orandi, lex credendi ; lex
credendi, lex orandi. La devise est vraie dans les deux sens. La messe
traditionnelle est l'expression la plus magnifique de la royauté du
Christ alors que regnavit a ligno Deus – Dieu a régné par le
bois de la Croix. Le mystère de la Rédemption, comme expiation parfaite
et surabondante des péchés, s’exprime dans la Messe traditionnelle. Au
contraire, ce mystère est obscurci et estompé par la Nouvelle Messe.
En conséquence, le combat contre la liberté religieuse ne peut
pas être séparé du combat pour la Messe. C'est vrai aussi du combat
contre l'œcuménisme, parce que si le Christ est Dieu, Il est capable par
Sa passion d'apporter expiation et satisfaction, pour tous les péchés;
de même, Lui seul a le droit de conformer les lois civiles à l'Evangile.
Je ne vois pas de séparation entre le combat pour la messe, le combat
pour l'esprit chrétien du sacrifice, et le combat pour la royauté
sociale du Christ. Les modernistes ne voient pas de différence entre leur
nouvelle messe, leur refus du mystère de la Rédemption, et leur dénégation de la royauté sociale de Jésus-Christ.
Tout se tient.
The
Angelus : À part Mgr Rifan, Rome n'a pas donné d'évêque traditionnel
aux communautés "Ecclesia Dei". Que cela signifie-t-il ?
Cela ne justifie-t-il pas la décision de Monseigneur ?
Mgr
Bernard Tissier de Mallerais : Oui, bien sûr. À Rome (à
quelques exceptions près), ils ne veulent pas d’évêques traditionnels !
Ils n’en veulent toujours pas. La Rome occupée ne peut pas se permettre
d’avoir des évêques traditionnels dans l’Eglise. Ce serait la
destruction de leur destruction ! Mgr Rifan a eu le cerveau bien lavé,
avant d’être « réconcilié ». Il garde la sainte messe
traditionnelle, mais ne se bat plus contre la nouvelle messe, la liberté
religieuse, et ainsi de suite. Il a dû arrêter le combat.
Les communautés « Ecclesia Dei » ont dû accepter de
ne jamais critiquer le Concile de Vatican II ni la nouvelle messe. Ils ont
été réduits au silence et ont accepté de se taire. Tel a été le prix
de leur « réconciliation ».
Mgr Lefebvre avait donc entièrement raison quand il disait que
seuls des évêques entièrement catholiques et entièrement libres,
libres de l’influence libérale de Rome, pouvaient travailler pour le
bien de l’Eglise en attendant la conversion du Pape.
The
Angelus : Quels sont, selon vous, les plus grands défis auxquels la
Fraternité et les fidèles devront faire face dans les années à venir ?
Mgr
Bernard Tissier de Mallerais : D’abord, notre persévérance à
refuser les erreurs du concile de Vatican II. Deuxièmement, la force de
notre refus de toute « réconciliation » avec la Rome occupée.
Troisièmement, le développement de nos écoles, nos collèges pour
soutenir une éducation catholique et aider les familles. Quatrièmement,
la résistance face à la persécution par les autorités civiles, et
proclamer que le christianisme est l’unique source de la
civilisation.
The
Angelus : Quel regard pensez-vous que Monseigneur porterait sur la
crise, vu l’état des choses en 2008 ?
Mgr
Bernard Tissier de Mallerais : Il dénoncerait non seulement le
libéralisme – comme c’était le cas avec Paul VI – mais le
modernisme, comme c’est le cas avec Benoît XVI : un vrai
moderniste, avec la théorie complète du modernisme mis à jour !
C’est si grave que je ne peux pas exprimer mon horreur. Je me tais. Mgr
Lefebvre, donc, crierait : « Hérétiques, vous pervertissez la
Foi ! ».
The
Angelus : Quel conseil donneriez-vous aux parents qui élèvent leurs
enfants dans le monde d’aujourd’hui ?
Mgr
Bernard Tissier de Mallerais : Ne vous contentez pas d’avoir
des enfants, beaucoup d’enfants, mais élevez-les, éduquez-les !
Ne vous contentez- pas de les nourrir, de leur donner à manger ! Et
envoyez-les dans des écoles vraiment catholiques, où ils seront non
seulement protégés de la corruption du monde, mais seront formés pour
être des chrétiens.
The
Angelus : Quel conseil donneriez-vous à des jeunes gens et des
jeunes filles qui envisagent la vie religieuse ?
Mgr
Bernard Tissier de Mallerais : Ne l’ « envisagez »
pas, ne l’essayez pas non plus, mais entrez-y avec détermination et
persévérance ! Mon Dieu, combien de volontés faibles !
The
Angelus : Quels sont les livres les plus essentiels, selon vous, pour
les fidèles aujourd’hui ?
Mgr
Bernard Tissier de Mallerais : Pour tous, leur missel (le livre
de messe) et leur catéchisme. Pour les jeunes gens, des livres sur la
royauté sociale du Christ. Pour les jeunes filles, des livres de cuisine,
de couture, et pour aménager la maison.
The
Angelus : Que voyez-vous dans les 20 ans qui viennent ?
Mgr
Bernard Tissier de Mallerais : En Europe, des républiques
islamiques en France, en Grande-Bretagne, en Allemagne, en Belgique et aux
Pays-Bas. Aux Etats-Unis, la banqueroute et la guerre civile. À Rome,
l’apostasie organisée avec la religion juive. En nous, de l’héroïsme,
de l’héroïsme chrétien. Dans la Fraternité, le sacre de nouveaux évêques,
si ça s’avère nécessaire. Je me fais vieux. À Rome, un nouveau pape ?
Vraiment, s’il doit être pis encore, il n’y en a pas besoin. S’il
doit être un Petrus Romanus, alors là, oui. C’est mon espérance.
Quelques
remarques
Un
tel document est révélateur d’une situation — celle de la FSSPX à
l’été 2008, vingt ans après les sacres accomplis par Mgr Lefebvre et
Mgr de Castro Mayer — et elle témoigne de l’état d’esprit de celui
qui a répondu aux questions de la revue américaine.
Mgr
Tissier de Mallerais fut un des quatre évêques sacrés par Mgr Lefebvre
en juin 1988. Il avait été, en mai précédent, un de ceux qui pensaient
que le fondateur de la FSSPX devait accepter l’accord proposé par Rome.
Pourtant il se rangea à l’avis, finalement, contraire de Mgr Lefebvre
et consentit, le mois suivant, à recevoir de ses mains la consécration
épiscopale.
On
comprend les motivations qui ont conduit Mgr Lefebvre à choisir l’abbé
Tissier de Mallerais pour être un des quatre prêtres appelés à lui
succéder. Outre ses éminentes qualités spirituelles — qui
apparaissent à quiconque entre en relations avec lui —, l’abbé
Tissier de Mallerais avait été, en 1984 et 1985, le principal
collaborateur de Mgr Lefebvre dans la rédaction des « Dubia »
sur la liberté religieuse qui furent présentés à la Congrégation
pour la Doctrine de la Foi en octobre 1985.
Depuis
sa consécration, il parcourt le monde pour exercer une « juridiction
extraordinaire » ou « de suppléance » : confirmations,
ordinations, confessions. Plus discrètement,
et toujours dans l’esprit de la juridiction de suppléance qu’il a théorisée, Mgr Tissier de Mallerais
rend des sentences qui ont « valeur obligatoire ». Il le fait
dans le cadre de la Commission canonique Saint Charles Borromée,
créée en 1991 et qu’il préside : les sentences rendues
concernent des dispenses d’empêchement de mariage, des annulations de
mariage ou des absolutions de censures.
On
ajoutera que Mgr Tissier de Mallerais est l’auteur de la première
biographie historique de Mgr Lefebvre, publiée en 2002, aux éditions
Clovis, et saluée comme telle, y compris par les revues historiques
scientifiques.
Sans
m’autoriser à faire un commentaire exhaustif de telles déclarations épiscopales,
je me permettrai quelques remarques immédiates :
•
le ton général de cet entretien est plus que pessimiste. Il témoigne,
chez son auteur, d’une radicalisation qui n’est pas nouvelle mais qui
s’amplifie. Est-ce là la position personnelle d’un des quatre évêques
de la FSSPX, position qui n’engagerait
que lui ? Ce serait oublier que, pour le commun des fidèles
de la FSSPX, les positions exprimées par « leurs » évêques
ne se hiérarchisent pas. Preuve s’il en est besoin, ce sont les quatre
évêques de la FSSPX qui ont été interrogés par la revue. Trois ont répondu
(Mgr Fellay, Mgr Williamson et Mgr Tissier de Mallerais) et The Angelus
n’est pas une revue quelconque mais un des organes officiels de la FSSPX
aux Etats-Unis.
•
les analyses et positions exprimées par Mgr Tissier de Mallerais sont à
lire comme une réponse à ce qu’a demandé le cardinal Castrillon Hoyos
le 4 juin dernier (cf. Aletheia, 25.6.2008). Le président de la
Commission Ecclesia Dei posait comme deuxième des cinq conditions pour
aboutir à un accord entre Rome et la FSSPX : « L’engagement
d’éviter toute intervention publique qui ne respecte pas la personne du
Saint-Père et qui serait négative pour la charité ecclésiale ».
En disant de Benoît XVI qu’il est « un vrai moderniste, avec la
théorie complète du modernisme mis à jour », Mgr Tissier de
Mallerais refuse de se plier aux demandes de Rome. Ces demandes, Mgr
Fellay les avait déjà qualifiées d’ « ultimatum » (« shut
up » avait aussi traduit Mgr Fellay pour le public américain).
L’accusation
de modernisme portée contre le Pape actuel est l’accusation la plus
grave que puisse porter la FSSPX contre un membre du clergé. Elle n’est
pas nouvelle. Mgr Tissier de Mallerais avait déjà prétendu faire la démonstration
du modernisme de Benoît XVI dans une conférence qui, à ce jour, n’a
pas été publiée.
•
Il ne peut y avoir d’entente avec un pape « moderniste ».
C’est ce que dit expressément Mgr Tissier de Mallerais : « Refus
de toute “réconciliation“ avec la Rome occupée ». Mgr Fellay
avait déjà exprimé un même Non possumus, même si c’était en
des termes différents.
•
Le ton de Mgr Tissier de Mallerais est plus que pessimiste, il a une
tonalité apocalyptique (au sens commun du terme). Il prévoit que des
« républiques islamiques » existeront dans cinq pays d’Europe
d’ici vingt ans. La chose lui apparaît inéluctable. Il prône un repli
communautariste réduit au minimum : les chapelles traditionalistes,
les prieurés, les écoles.
Quand
on l’interroge sur les conseils de lecture « pour les fidèles »,
là aussi il énumère une sorte de minimum vital. Il semble réduire le rôle
de la jeune fille et de la femme chrétienne à la cuisine, à la couture
et à l’aménagement de la maison. Cela rappelle les trois K de l’Allemagne
bismarckienne (Kinder, Küche, Kirche : les enfants, la
cuisine, l’église). Sans évoquer la légitimité ou la nécessité du
travail des femmes, même dans une vision vraiment traditionnelle de la
place et du rôle des femmes dans l’Eglise militante, il est clair que
les siècles passés et la situation actuelle ne cantonnent pas les femmes
chrétiennes aux travaux domestiques. On ne citera pas Jeanne d’Arc ou
ces pieuses laïques qui furent à l’origine des principales et considérables
œuvres d’aide aux missions au XIXe siècle. Pour nous en tenir à notre
XXe siècle si troublé, la militance féminine chrétienne a été
bellement illustrée par un nombre considérable de femmes « engagées ».
Travailler au Règne social de Jésus-Christ n’est certainement pas
l’apanage des seuls hommes chrétiens : que l’on songe à
Cristina Campo ou à Katharina Tangari, femmes d’énergie et
d’initiatives, qui furent si proches de la FSSPX, ou à Gianna Beretta
Molla, médecin, militante d’Action catholique, morte en 1962 dans un si
beau sacrifice, béatifiée en 1994.
•
Mgr Tissier de Mallerais déplore « l’endurcissement des cœurs,
l’aveuglement des esprits » qui règneraient à Rome. Le jugement
est sévère et risque d’être renvoyé à celui qui le prononce.
Yves
Chiron
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