L’analyse
du cardinal Castrillon Hoyos - par
Yves Chiron
Le
mensuel italien Jesus, qui est loin d’être
favorable aux traditionalistes, publie un dossier spécial
intitulé Il vetus qui avanza
(« L’ ancien qui avance »).
L’ « ancien » dont il est question
ici est bien sûr l’ancien rite de la messe, ce que Benoît
XVI appelle le « rite extraordinaire du rite romain
».
L’essentiel
du dossier est constitué d’un important entretien avec
le cardinal Castrillon Hoyos, président de la Commission
pontificale Ecclesia Dei depuis 2000. Sur la liturgie, et ses
évolutions attendues ; sur les fidèles attachés
à ce rite et sur les rapports du Saint-Siège avec la
Fraternité Saint-Pie X, le cardinal Castrillon Hoyos apporte
des informations et des analyses qui méritent d’être
relevées et appréciées dans leur exacte portée.
Les
évolutions de la liturgie
« Avec
le Motu proprio [du 7.07.2007], le Pape a voulu donner à tous
une opportunité renouvelée de tirer profit de l’immense
richesse spirituelle, religieuse et culturelle présente dans
la liturgie de rite grégorien. Le Motu proprio est né
comme un trésor offert à tous, non en premier lieu pour
venir en aide aux plaintes et requêtes de quelques-uns ».
Si
l’on suit la pensée du cardinal Castrillon Hoyos, le
motu proprio du 7 juillet 2007 ne fut donc pas circonstanciel
(répondre à une attente de certains fidèles et
prêtres). Il ne doit pas être perçu comme une
première victoire de l’ancien rite, après tant de
défaites. Il s’inscrit plutôt dans un grand projet
liturgique, un projet non pas de réformes spectaculaires et
décidées en comité restreint (comme le fut, en
son temps, le novus ordo), mais un projet de dépassement
par le haut.
Benoît
XVI l’a dit dans son motu proprio, le cardinal Castrillon Hoyos
le répète dans cet entretien : le rite
traditionnel et le nouveau rite sont deux formes du même rite
romain et « les deux formes doivent s’enrichir
mutuellement ». Jusqu’à ne former qu’un
seul rite ? Le cardinal ne le dit pas ici, mais celui qui est
devenu Benoît XVI l’avait dit explicitement et on
commence à percevoir comment, progressivement, on pourra
arriver à ce résultat. Non dans un an ou dans deux ans,
mais en quelques décennies peut-être.
Comme
exemple d’ « enrichissement mutuel »,
le cardinal Castrillon Hoyos cite le cas des lectures liturgiques :
« Dans le novus ordo, avec les années,
pratiquement toute la Bible est lue, c’est une richesse qui ne
s’oppose pas mais qui va être intégrée au
rite extraordinaire. »
La
nouvelle prière du Vendredi Saint est un autre exemple, déjà
accompli celui-là, de réforme du rite extraordinaire.
Qui
sont les fidèles de la forme extraordinaire du rite
romain ?
Le
cardinal Castrillon Hoyos est, dans l’Eglise, l’homme le
mieux placé pour mesurer l’importance numérique
des fidèles attachés au rite traditionnel. Par ses
fonctions à la Commission pontificale il est en rapport avec
toutes les communautés Ecclesia Dei, avec les instances
dirigeantes de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X mais
aussi avec des fidèles ou des groupes de fidèles qui
n’ont pas de relations régulières avec les
communautés, fraternités ou associations
traditionnelles.
On
estime souvent que la FSSPX est le groupe traditionnel le plus
important par le nombre de ses prêtres, de ses écoles,
de ses prieurés et des fidèles qui les fréquentent
régulièrement. L’analyse est sans doute toujours
vraie pour la France, mais elle ne l’est pas pour tous les
continents et pour tous les pays. Aux Etats-Unis, depuis plusieurs
années déjà, le nombre des prêtres
attachés à l’ancien rite, et n’appartenant
pas à la FSSPX, est plus élevé que celui des
prêtres appartenant à la FSSPX.
Le
cardinal Castrillon Hoyos va plus loin encore puisqu’il
estime : « Parmi les fidèles [attachés
à la forme extraordinaire du rite romain] je distinguerais
trois groupes : ceux qui sont liés pour ainsi
organiquement à la Fraternité Saint Pie X ; ceux
de la Fraternité Saint Pierre [et autres communautés,
fraternités et instituts Ecclesia Dei, semble
sous-entendre le cardinal] et, enfin, le groupe le plus important et
le plus nombreux, formé des personnes attachées à
la culture religieuse, qui aujourd’hui découvrent
l’intensité spirituelle du rite antique et, parmi eux,
de nombreux jeunes. Ces derniers mois sont nées de nouvelles
associations de personnes appartenant à ce dernier groupe. »
Il
y aurait donc un nombre important de nouveaux convertis –
l’expression n’est pas du cardinal Castrillon Hoyos –
à la forme extraordinaire, qui viendraient donc des
paroisses où se célèbre la forme ordinaire
ou du monde des non-pratiquants. À moins, mais il ne s’agirait
plus de « convertis », qu’il ne s’agisse
de fidèles venus de la FSSPX ou de lieux de culte issus du
motu proprio de 1988 et qui cherchent à se rattacher à
une paroisse ordinaire, la leur. Cette réalité, peu
visible en France, est, dans d’autres pays et continents, un
phénomène nouveau et notable dit le président de
la Commission Ecclesia Dei.
Lettes,
rencontres et appels téléphoniques
Malgré
le non
possumus
de la FSSPX relatif à un « accord pratique »
à court terme avec le Saint-Siège, position confirmée
récemment par Mgr Fellay (cf. Aletheia,
n° 124), le cardinal Castrillon Hoyos affirme que le « dialogue
n’est pas interrompu » avec la FSSPX. Il évoque
un échange récent de lettres entre lui et Mgr Fellay,
il parle aussi de « rencontres » et d’échanges
téléphoniques. Il dit sa détermination et son
espérance de voir ces fidèles revenir « à
la pleine communion ».
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