Réformes
et restaurations, pas à pas - par Yves Chiron
Au
regard de ses écrits et de ses actes antérieurs au pontificat, il était
clair, dès le début, qu’en matière liturgique, Benoît XVI serait à
la fois un réformateur et un restaurateur (cf. Aletheia, n° 74,
20 avril 2005).
Non
pas seulement un réformateur du nouveau rite (la fameuse
« réforme de la réforme ») et un restaurateur de l’ancien
rite (le non moins fameux « droit de cité »), mais aussi un
réformateur de l’ancien rite. Avec, au terme de ce double mouvement de
réforme et de restauration, la fusion des deux rites.
Celui
qui était le cardinal Ratzinger l’avait affirmé dans une lettre à son
ami le professeur Barth : « le rite romain de l’avenir devra
être un seul rite, célébré en latin ou en langue populaire, mais
entièrement fondé dans la tradition du rite ancien » (lettre
reproduite dans Aletheia, n° 89). Que cette perspective de l’unique
rite soit à long terme, à très long terme même, celui qui est devenu
Benoît XVI en a bien conscience lui qui sait aussi que le temps de l’Eglise
ne s’apprécie pas avec la même mesure que le temps des affaires et des
projets uniquement humains.
Quatre
actes récents montrent ce double mouvement de réforme et de
restauration :
•
les éditions du Vatican ont créé une nouvelle collection
« Monumenta Liturgica Piana » qui propose l’édition
anastasique des livres liturgiques selon la dernière editio typica de
1962. Le Missale Romanum vient de paraître, suivra la
réimpression du Rituale Romanum dans l’editio typica de
1952, du Pontificale Romanum dans l’editio typica de
1961-1962 et du Breviarium Romanum dans l’editio typica de
1962.
Le
Missale Romanum qui vient d’être réédité n’est pas destiné
aux fidèles. Par son format, c’est un missel d’autel, relié, avec
notations musicales. Il est destiné aux prêtres, comme un prolongement
naturel du motu proprio de juillet 2007.
•
le 13 janvier 2008 dernier, dans la Chapelle Sixtine, Benoît XVI a
célébré la messe (en italien), sur l’autel ancien, sous la fresque du
Jugement dernier de Michel-Ange, « tourné vers le Seigneur »
et non pas face au peuple comme l’usage s’en est répandu avec le
nouveau rite.
Sans
en faire une norme pour tous les prêtres, Benoît XVI a voulu mettre en
acte, en tant que Souverain Pontife, une conviction spirituelle et
théologique. Cette conviction, il l’avait exprimée, notamment, il y a
plus de quinze ans, en préfaçant la traduction française de l’ouvrage
de Mgr Klaus Gamber, Tournés vers le Seigneur (Editions
Sainte-Madeleine, 84330 Le Barroux) : « L’orientation de la
prière commune aux prêtres et aux fidèles – dont la forme symbolique
était généralement en direction de l’est, c’est-à-dire du soleil
levant – était conçue comme un regard tourné vers le Seigneur, vers
le soleil véritable. Il y a dans la liturgie une anticipation de son
retour ; prêtre et fidèles vont à sa rencontre. Cette orientation
de la prière exprime le caractère théocentrique de la liturgie ;
elle obéit à la monition : Tournons-nous vers le Seigneur ! ».
•
Mgr Athanasius Schneider a publié, le 18 janvier, aux éditions du
Vatican, un ouvrage consacré à la communion.
Mgr Albert Malcolm Ranjith, secrétaire de la Congrégation pour le Culte
Divin, a accordé une préface à ce livre. Mgr Ranjith regrette que la
pratique de distribuer la communion dans la main ait été
« introduite abusivement et à toute vitesse dans certains milieux
de l’Eglise tout de suite après le Concile. »
Cette
pratique a banalisé l’acte de la communion, mais aussi a généralisé
une attitude désinvolte ou irrespectueuse face à l’hostie consacrée
elle-même. Mgr Ranjith estime nécessaire de « revoir » et
« si nécessaire abandonner » la pratique de la communion dans
la main.
Dès
1969, Jean Madiran avait analysé la « tromperie » du Processus
de la communion dans la main ;
un processus qui a commencé avec l’instruction Memoriale Domini
de la Congrégation pour le Culte divin, en date du 29 mai 1969. L’instruction
procédait en trois temps. Elle faisait référence à une consultation
des évêques du monde : ils s’étaient montrés très
largement hostiles à la communion dans la main : 567 Placet
contre 1.233 Non placet. Elle indiquait la position de Paul
VI : « le Souverain Pontife n’a pas pensé devoir changer la
façon traditionnelle de distribuer la sainte communion aux
fidèles ». Mais, elle laissait aux Conférences épiscopales le
soin d’autoriser « un usage différent », dans certaines
conditions.
Cette
autorisation exceptionnelle et conditionnelle de mai 1969 est devenue la
norme universelle, sans éviter les risques redoutés par l’instruction
elle-même : « manque de respect ou d’opinions fausses qui
pourraient s’insinuer dans les esprits au sujet de la Très Sainte
Eucharistie. »
L’alarme
lancée par Jean Madiran en 1969 a trouvé, près de quarante ans plus
tard (!), une première réponse dans la préface du secrétaire de la
Congrégation pour le Culte Divin.
•
La prière « pour la conversion des Juifs », qui figure parmi
les oraisons du Vendredi saint, avait été modifiée dans l’editio
typica du Missel de 1962 (les mots perfidis — incrédules –
et perfidia – incrédulité – avaient été supprimés). Après
le motu proprio de juillet dernier, des organisations juives avaient
demandé que cette prière pro Iudaeis soit supprimée. Par un
décret du 4 février, Benoît XVI ne supprime pas cette prière, mais il
en rend obligatoire une nouvelle version : si les expressions auferat
velamen de cordibus eorum et a suis tenebris eruantur sont
supprimées, la conversion des Juifs est toujours demandée à Dieu :
Ut Deus et Dominus noster illuminat corda eorum, ut agnoscant Iesum
Christum salvatorem omnium hominum.
Précisions
•
À propos du n° 118 : outre le P. Philippe Verdin, dominicain, il
faut compter aussi au nombre des inspirateurs du « Discours du
Latran », son amie, Emmanuelle Mignon, directrice de cabinet de
Nicolas Sarkozy. Elle a tenu à le faire savoir au Figaro (16
janvier 2008).
•
À propos du n° 119 : un lecteur, jésuite, a fait remarquer que
les Jésuites ne sont plus 22.000 dans le monde mais « seulement
19.500 ». Il précise aussi que le noviciat français jésuite n’est
pas « mixte » mais qu’ « il y a un
internoviciat ignatien qui se réunit de temps à autre ». En d’autres
termes, jeunes novices masculins jésuites et jeunes novices féminines
de la famille ignatienne se retrouvent de temps en temps, pour quelques
jours de « partage », de réflexion et de prière.
•
Après le Discours du Latran (20 décembre 2007) à destination des
catholiques et après le Discours de Riyad (le 14 janvier 2008) à
destination des musulmans, il y aura le « Discours au Grand Orient
de France » à destination des francs-maçons et des tenants de la
laïcité. La date n’est pas arrêtée, mais Nicolas Sarkozy a
accepté de venir s’exprimer lors d’une « tenue blanche
fermée » devant le Grand Orient de France. Ce sera une première
sous la Ve République de voir le Chef de l’Etat s’exprimer dans une
loge maçonnique.
Y.C. |