LE
MAGISTERE - par Yves Chiron
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Une action du Magistère
Le
P. Peter C. Phan, d’origine vietnamienne, prêtre du diocèse de Dallas
et président de la Catholic Theological Society of America, fait l’objet
de deux procédures ecclésiastiques à propos d’un de ses livres, Being
religious interreligiously (« Etre religieux de manière
interreligieuse »), livre paru en 2004.
En
juillet 2005, la Congrégation pour la Doctrine de la foi lui a adressé
une lettre contenant dix-neuf observations sur son livre. La Congrégation
estime que ce livre du P. Phan est « ouvertement en désaccord avec
presque tous les enseignements de la déclaration Dominus Iesus »
qui avait réaffirmé que le Christ est l’unique sauveur de tous les
hommes et que l’Eglise est nécessaire pour le salut. La Congrégation a
demandé au théologien de corriger ses erreurs dans un article et de ne
plus réimprimer son livre.
Les
réponses jugées dilatoires de l’intéressé ont amené, en mai 2007,
la Commission doctrinale des évêques des Etats-Unis à intervenir (sur
la demande du Saint-Siège). Une liste d’objections, qui tient en trois
pages, lui a été transmise et on lui a demandé d’y répondre avant le
1er septembre.
Le
P. Phan est le quatrième théologien mis en cause pour ses écrits en
contradiction avec la déclaration Dominus Iesus, parue en 2000.
Avant lui, trois théologiens jésuites ont fait successivement l’objet
d’une notification de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi
sur le même sujet : Jacques Dupuis, en 2001, Roger Haight en 2004 et Jon
Sobrino en 2006.
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Documenta de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi.
La
Congrégation pour la Doctrine de la Foi, qui a succédé en décembre
1965 à la Congrégation du Saint-Office, a pour fonction « de
promouvoir et de garantir la doctrine de la foi et des mœurs dans le
monde catholique tout entier ».
Depuis
sa création, quatre Préfets seulement se sont succédé à sa
tête :
-
le cardinal Alfredo Ottaviani jusqu’en 1968,
-
le cardinal Franjo Seper, de 1968 à 1981,
-
le cardinal Joseph Ratzinger, de 1981 à 2005,
-
le cardinal William Levada depuis le 13 mai 2005.
La
Congrégation pour la Doctrine de la Foi exerce sa mission de service de
la foi en publiant des Instructions, des Notifications, des Décrets, des
Déclarations, des Réponses, des Lettres et des Normes.
Un
recueil exhaustif de tous les documents publiés par la
Congrégation depuis sa création a été publié.
Le volume, de 665 pages, rassemble, dans leur texte original (latin,
italien, français, anglais ou allemand) et dans l’ordre chronologique,
les 105 documents promulgués entre le 18 mars 1966 (« Instruction
sur les mariages mixtes ») et le 11 février 2005 (« Note sur
le ministre du sacrement de l’onction des malades »).
Un
index des noms cités et surtout un très riche index analytique
permettent de se reporter utilement aux interventions de la Congrégation
pour la Doctrine de la Foi. Ainsi, pour nous en tenir à quelques
exemples, la doctrine de l’Eucharistie a été traitée dans une
trentaine de documents ; les associations maçonniques ont
fait, à deux reprises (1981 et 1983), l’objet d’une
« Déclaration » ; l’admission des femmes au sacerdoce
ministériel a fait l’objet d’une « Déclaration » (en
1976) et d’une « Réponse » (en 1995).
Il
serait souhaitable que ce recueil, commode et exhaustif, soit traduit en
français.
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Trois livres sur le Magistère.
« La
fonction du Magistère n’est pas quelque chose d’extrinsèque à la
vérité chrétienne et à la foi, mais elle est un élément constitutif
de la mission prophétique de l’Eglise » dit le cardinal Levada, actuel
Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi. L’Eglise est Mater
et Magistra, selon le titre de l’encyclique de Jean XXIII,
« Mère et Maîtresse de vérité ».
Sur
la nature du Magistère et sur son mode d’exercice, les opinions les
plus diverses non seulement ont cours, mais sont enseignées avec une
autorité (toute privée) par des théologiens et des clercs. Depuis les
années 1970, on est arrivé à ce paradoxe que les théologiens qui
revendiquent la plus grande indépendance et la plus grande liberté dans
l’Eglise ont été rejoints dans leur conception minimaliste et
réductrice du Magistère par des clercs et théologiens sédévacantistes
ou « guérardiens » qui limitent l’assistance divine aux
seuls jugements solennels et infaillibles du Magistère.
Trois
livres permettent d’éclairer la question. Sans prétendre en proposer
une analyse critique, je me contente de les signaler :
-
abbé Bernard Lucien, Les degrés d’autorité
du Magistère.
-
sous la direction de l’abbé Bruno Le Pivain, L’Eglise,
servante de la vérité. Regards sur le Magistère.
-
Mgr Gherardini, Contemplando la Chiesa.
Mgr
Gherardini fut longtemps professeur d’ecclésiologie à l’Université
pontificale du Latran. Il est membre émérite de l’Académie
pontificale Saint Thomas d’Aquin et directeur de la revue Divinitas.
Son essai est un traité sur l’Eglise en cinq approches :
Connaître l’Eglise, Ecouter l’Eglise, Prier avec l’Eglise, Aimer l’Eglise,
Confesser l’Eglise (« Je crois à l’Eglise » et non
« Je crois l’Eglise », souligne l’auteur).
Il
aborde la doctrine du Magistère dans la partie « Ecouter l’Eglise »,
une écoute qui doit être « attentive » et
« religieuse » (au sens que donne saint Thomas d’Aquin à ce
mot lorsqu’il parle de la vertu de religion comme acte qui réalise sa
propre définition).
L’autorité
du Magistère, explique aussi Mgr Gherardini, n’est pas une autorité
née de l’Eglise, mais « dans l’Eglise » (« nella
Chiesa » et non « dalla Chiesa »), par la
puissance du Saint-Esprit. Une participation à l’infaillibilité du
Christ qui est la Vérité. L’assentiment de la foi n’est pas dû à
toutes les paroles et écrits des Souverains Pontifes, mais dans leur
Magistère ordinaire il peut y avoir, hormis l’enseignement « ex
cathedra « un enseignement « qui oblige ». |