Le
Motu proprio du 7 juillet 2007 a suscité de l’« émerveillement »
(Jean Madiran), de la gratitude, mais aussi de l’ingratitude, de l’irritation,
voire de l’insolence. Ce texte libérateur, qui est aussi un acte de
justice, a suscité d’innombrables réactions et réflexions. On trouve
une très large revue de presse, française et étrangère – articles
reproduits intégralement et sans commentaire – sur le site internet QIEN.
Parce
qu’il n’est pas une page de combat, je reproduis ici un
manifeste sage qui lit, justement, le Motu proprio comme un appel à la
paix liturgique.
Y.C.
AVEC
LA MESSE EN LATIN ON PEUT APAISER L’ÉGLISE
par
Dom Antoine Forgeot, Dom Louis-Marie et Christophe Geffroy
Pourquoi
Benoît XVI a-t-il publié un Motu proprio libéralisant l'usage du
missel tridentin ? Il en donne lui-même la raison dans sa lettre aux
évêques : « Il s'agit de parvenir à une réconciliation
interne au sein de l'Église. » Ce faisant, il ne vise pas
prioritairement les prêtres et fidèles qui ont suivi Mgr Lefebvre
dans sa rupture avec le Siège romain en 1988. Il vise plus généralement
la paix liturgique et il incite aussi à célébrer fidèlement selon les
prescriptions le nouveau missel.
Il
serait en effet absurde de se voiler la face comme s'il n'y avait eu aucun
problème liturgique depuis la réforme de 1970, comme si les fidèles
attachés aux anciennes formes liturgiques n'étaient que de vieux
retardataires incapables de s'adapter à une liturgie plus moderne. Si tel
avait été le cas, il n'y aurait pas autant de jeunes attachés à cette
liturgie ancienne réputée incompréhensible, mais qui, transmettant ce
qui est avant tout un mystère, parle le langage de l'âme accessible
même à ceux qui ignorent le latin. Pour Benoît XVI, il n'y a ni « rupture »
ni « contradiction » entre les deux missels : « L'histoire
de la liturgie est faite de croissance et de progrès, jamais de
rupture », écrit-il dans sa lettre aux évêques.
C'est
contre l'esprit de la « table rase », contraire à la
notion même de tradition si chère à l'Église, que s'élève le Pape.
Et c'est précisément parce qu'il n'y a pas de rupture que Benoît XVI
peut affirmer en toute crédibilité que la permanence de l'ancien missel
ne signifie en aucune façon une quelconque remise en cause de l'autorité
du concile Vatican II et de la réforme liturgique du pape Paul VI. Nous
pouvons témoigner que l'immense majorité des prêtres et fidèles qui
sont attachés à l'ancien missel en pleine communion avec l'Église -
particulièrement chez les jeunes qui n'ont connu ni Vatican II ni la
réforme de 1970 -, reconnaissent sans l'ombre d'un doute cette autorité.
Dans
sa lettre aux évêques, le Saint-Père répond à une autre crainte
exprimée par les évêques consultés : « Qu'une plus large
possibilité d'utiliser le missel de 1962 puisse porter à des désordres,
voire à des fractures dans les communautés paroissiales. »
Benoît XVI ne juge pas cette crainte fondée. L'expérience montre
que dans tous les diocèses où le Motu proprio Ecclesia Dei de
1988 a été appliqué « généreusement » comme
Jean-Paul II le demandait, il n'y a eu ni désordres ni divisions. Et plus
l'accueil a été généreux, plus l'intégration dans la vie du diocèse
a été facile. Des cas de dissension se sont manifestés là où la
demande des fidèles a été ignorée.
Sans
doute ce nouveau Motu proprio - acte dont on mesurera l'importance
dans quelques années - occasionnera-t-il ici ou là d'inévitables
tensions. Il n'en demeure pas moins fondamentalement un appel pressant à
la paix, à la reconnaissance de l'autre dans ses différences légitimes.
Là
encore, le Pape nous y invite fortement : « Les deux formes
d'usage du rite romain peuvent s'enrichir réciproquement. »
Certes, le Motu proprio marque une reconnaissance bienvenue pour un
missel « jamais abrogé ». Les efforts attendus de
communion, néanmoins, ne peuvent être à sens unique. Si les catholiques
attachés aux anciennes formes liturgiques sont enfin reconnus comme des
membres de l'Église à part entière, ils doivent eux-mêmes chasser tout
esprit de chapelle et s'engager sans complexe dans la vie des diocèses.
Pour
qu'une paix soit profonde, il faut que chacun fasse, sans
arrière-pensées, un pas vers l'autre. La paix liturgique retrouvée, les
catholiques pourront mieux unir leurs efforts pour ce qui est la priorité
première de l'Église aujourd'hui : la nouvelle évangélisation.
Toucher
les cœurs de ces foules immenses qui ignorent combien Dieu les aime - et
l'expérience montre que la liturgie traditionnelle a une dimension
missionnaire auprès de certaines âmes.
Dans
cette tâche immense, les deux formes liturgiques du rite romain ont
chacune un rôle conformément à la parole du Christ : « Il
y a des demeures nombreuses dans la maison de mon Père » (Jean,
14, 2).
Le
13 juillet 2007
T.R.P.
Dom Antoine Forgeot, Abbaye Notre-Dame, Fontgombault
T.R.P. Dom Louis-Marie, Abbaye Sainte-Madeleine, Le Barroux
Christophe Geffroy, Directeur du mensuel La Nef.
Les
Confessions didactiques de Jean Madiran
Chaque
nouveau livre de Jean Madiran est un événement. La grande presse
continue à ignorer Madiran, et ce, non par inadvertance. La presse
catholique, à de rares exceptions près, croirait déroger à quelque
oukase non écrit en publiant une recension de ses ouvrages. Les évêques
– mais point tous – le méprisent sans le lire et commettent ainsi une
injustice.
C’est
un des mystères du monde chrétien d’aujourd’hui que de voir un de
ses plus authentiques écrivains vivants être quasiment ignoré du plus
grand nombre, et même ignoré de ceux qui lisent la presse catholique et
de ceux qui fréquentent les librairies catholiques, sans parler des
universités catholiques, séminaires et noviciats.
Qu’est-ce
qu’un écrivain chrétien ? Vaste question. Dans son dernier livre,
Jean Madiran, donne une réponse indirecte : écrire « à la
lumière de la pensée et de la prière de l’Eglise ». De manière
plus spécifique, Madiran a œuvré à « une interprétation
catholique de la pensée maurrassienne ». Les deux
qualificatifs sont-ils contradictoires ? Il faut n’avoir rien lu de
Maurras pour le croire. Ceux qui considèrent Maurras comme un extrémiste
et un antisémite ne l’ont pas lu ou pas compris. Ceux qui considèrent
Madiran comme un « maurrassien » tout court, ne l’ont pas lu
ou ne l’ont pas compris ; en outre, ils oublient l’autre maître
revendiqué par Madiran : Henri Charlier.
En
mars dernier, à Villepreux, pour le 25e anniversaire du
quotidien Présent qu’il a fondé, Jean Madiran a prononcé un
« Discours » qui est publié ici dans sa version écrite.
Après avoir évoqué longuement son enracinement – dans l’ordre
chronologique de sa vie : Maurras, saint Thomas d’Aquin, Henri et
André Charlier –, Madiran conclut : « C’est lui qui fait
de nous des réfractaires refusant toute allégeance aux idéologies, aux
institutions et aux pratiques qui viennent quotidiennement dénaturer
la vie des familles, la vie des métiers, la vie intellectuelle, la vie
religieuse. C’est là le combat de chaque jour. »
Ce
combat contre la « dénaturation » passe par une bienveillance
que l’on peut ignorer si l’on n’est pas un lecteur habituel de
Madiran.
La
deuxième partie du livre est constituée par une interview, parue en
2005, reprise ici dans un texte revu et complété. Hormis des pages, qui
ne sont pas anecdotiques, sur ses goûts, les années de son enfance, sa
formation, les années 40, Madiran rappelle que « la bataille
intellectuelle » qu’il a menée et qu’il mène encore –
quarante ans d’Itinéraires (mars 1956-juin 1996) et vingt-cinq
ans de Présent, jusqu’à aujourd’hui – est aussi et d’abord
un « combat spirituel » contre l’apostasie. Cette apostasie,
que les historiens et les sociologues préfèrent appeler la
« déchristianisation » et les politiciens
« laïcisation », a conduit « au nihilisme officiel
et à la déstructuration générale ».
La
troisième partie du livre, la plus courte, est constituée de « la
parabole du pommier » (dans sa version définitive). Aux lecteurs
qui ne la connaîtraient pas, on la résumera, rapidement et
imparfaitement, en en citant un extrait : « Là où nous
sommes, à la mesure de nos moyens et selon les circonstances, nous avons
à produire des œuvres. La foi sans les œuvres ne suffit pas au salut. »
Yves
CHIRON
Les
vingt-cinq ans de “Présent“. Confessions didactiques,
éditions Via Romana, juin 2007, XLVII pages.
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vingt-cinq ans de “Présent”. Confessions didactiques, au prix
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