BENOÎT
XVI POURSUIT LA «RÉFORME DE LA RÉFORME» - par
Yves Chiron
Le
Motu proprio Summorum pontificum qui paraît ce jour, était
attendu depuis plus d’un an. Il en avait même été question dès le
lendemain de la rencontre entre Mgr Fellay, Supérieur général de la
FSSPX, et Benoît XVI, en août 2005.
Le
Motu proprio est bref et directif, composé de douze articles qui disent
en substance :
•
le Missel promulgué par Paul VI est « l’expression
ordinaire » du rite latin, tandis que le Missel promulgué par saint
Pie V (dans son édition de 1962) en est « l’expression
extraordinaire ».
•
tout prêtre peut célébrer selon le rite traditionnel, sans qu’il ait
« besoin d’aucune autorisation ».
•
tout « groupe stable de fidèles » attachés au rite
traditionnel [il n’est question d’aucun nombre minimum dans le
document] peut en faire la demande au curé de la paroisse.
• si
ce groupe de fidèles « n’obtient pas du curé ce qu’ils lui ont
demandé, ils en informeront l’Evêque diocésain », celui-ci
« est instamment prié d’exaucer leur désir »
[souligné par nous].
•
les autres sacrements (baptême, mariage, pénitence, onction des malades
pour les prêtres, et confirmation pour les évêques) peuvent être
célébrés aussi selon le rite traditionnel.
•
ces normes remplacent celles précédemment établies (indult de 1984 et
motu proprio de 1988) et devront être observées « à compter du 14
septembre de cette année, nonobstant toutes choses contraires ».
Dans
la phase préparatoire de ce Motu proprio, trois épiscopats
principalement – français, anglais et allemands –, par la voix de
représentants autorisés, ont dit leur crainte ou leur refus d’une
telle libéralisation de la messe traditionnelle. Dans quelle mesure leurs
réactions ont-elles infléchi le Motu proprio qui était en
préparation ? C’est, pour le moment, impossible à déterminer de
manière précise. En revanche, on peut considérer que ce sont ces
réactions qui ont incité Benoît XVI à rédiger une lettre aux
évêques pour accompagner, expliquer et justifier le Motu proprio.
Ces
réactions n’ont pas dû surprendre Benoît XVI, lui qui écrivait il y
a quatre ans à propos d’une autorisation inconditionnelle de la
messe traditionnelle : « Trop forte est encore chez beaucoup de
catholiques – endoctrinés depuis des années – l’aversion pour la
liturgie traditionnelle, qu’ils qualifient de manière méprisante de
“pré-conciliaire”, et aussi, d’un autre côté, beaucoup d’évêques
montreraient une opposition déterminée à une autorisation générale. »
La
Lette aux évêques qui accompagne le Motu proprio et le commente est d’un
ton très personnel. Benoît XVI rappelle que le Missel traditionnel
« n’a jamais été juridiquement abrogé » et qu’ « en
principe, il est toujours resté autorisé ». On remarquera le
« en principe » qui est un discret hommage à la vérité
historique.
Au
risque de me répéter, il faut rappeler que ce Motu proprio n’est qu’une
étape du grand œuvre de Benoît XVI en matière liturgique. Il y a plus
d’un an, j’écrivais ici : « Les traditionalistes qui
croient que Benoît XVI pourrait être le Pape qui restaurera, dans toute
l’Eglise, la messe traditionnelle, se trompent. Benoît XVI, sans
mépriser l’ancien rite, est déterminé, sans doute, à favoriser plus
largement son usage. Mais aussi, il estime, en historien et en
théologien, que l’évolution de la liturgie, multiséculaire, doit se
poursuivre, dans le sens d’une rectification du rite nouveau, et même
par l’intégration de l’ancien et du nouveau. »
Le
Motu proprio rendu public aujourd’hui ne dément pas cette analyse.
Dans
l’immédiat, l’Eglise admet deux formes du rite romain : le rite
romain sous sa « forme ordinaire » (celui issu de la réforme
liturgique post-conciliaire) et le rite romain sous « une forme
extraordinaire », le rite d’avant la réforme. À long terme,
Benoît XVI croit possible et souhaitable une unification des deux formes.
Il
l’écrivait, il y a quatre ans, au Professeur Barth dans la lettre
déjà citée : « je crois que dans l’avenir l’Eglise
romaine devra avoir à nouveau un seul rite ; l’existence de deux rites
officiels est dans la pratique difficilement “gérable” pour les
évêques et les prêtres. Le rite romain de l’avenir devrait être un
seul rite, célébré en latin ou en langue populaire, mais entièrement
fondé dans la tradition du rite ancien; il pourrait intégrer quelques
nouveaux éléments, qui ont fait leurs preuves, comme de nouvelles
Fêtes, quelques nouvelles Préfaces dans la messe, un Lectionnaire
élargi – un plus grand choix qu’avant, mais pas trop - une Oratio
fidelium, c’est-à-dire une litanie de prières d’intercession
après l’Oremus de l’Offertoire, où jadis il avait sa place. »
Dans
la Lettre aux évêques qui accompagnent le Motu proprio, le propos est
moins direct mais l’intention reste la même :
•
« les deux Formes d’usage du Rite Romain peuvent s’enrichir
réciproquement : dans l’ancien Missel pourront être et devront
insérés les nouveaux saints, et quelques-unes des nouvelles
préfaces ».
•
« dans la célébration de la Messe selon le Missel de Paul VI,
pourra être manifestée de façon plus forte que cela ne l’a été
souvent fait jusqu’à présent, cette sacralité qui attire de
nombreuses personnes vers le rite ancien. »
•
aucun prêtre ne peut « par principe, exclure la célébration selon
les nouveaux livres. L’exclusion totale du nouveau rite ne serait pas
cohérente avec la reconnaissance de sa valeur et de sa sainteté. »
« SUBSISTIT
IN » - UNE RÉPONSE À LA FSSPX
De
sources bien informées (protestante puis épiscopale), on apprend que la
Congrégation pour la Doctrine de la Foi va publier, de façon imminente,
une Déclaration sur l’expression « subsistit in ».Rien
n’a transpiré dans la presse jusqu’ici, mais il nous a été dit que
cette Déclaration, qui devait être publiée ce samedi, en même temps
que le Motu proprio, a finalement été reportée au mardi 10 juillet. Ce
numéro d’Aletheia sera déjà parvenu à ses destinataires
lorsque le document sera rendu public. Si la Déclaration ne paraît pas
à la date indiquée, c’est que les sources indiquées étaient
imprécisément informées.
Sans
donc en connaître encore le contenu exact, on voit d’emblée son
importance. La querelle, ou l’interprétation si l’on veut, du
« subsistit in » est un des points majeurs de la
critique traditionaliste du concile Vatican II.
C’est
dans la constitution dogmatique sur l’Eglise, Lumen Gentium
(1964), que l’expression se rencontre : « Cette Eglise [« l’unique
Eglise du Christ”] comme société constituée et organisée en ce
monde, c’est dans l’Eglise catholique qu’elle se trouve [subsistit
in, dit le texte latin], gouvernée par le Successeur de Pierre et les
évêques qui sont en communion avec lui, bien que des éléments nombreux
de sanctification et de vérité subsistent hors de ses structures,
éléments qui, appartenant proprement par don de Dieu à l’Eglise du
Christ, appellent par eux-mêmes l’unité catholique » (LG,
n° 8).
Pour
la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X et les communautés qui sont
proches d’elle, cette proposition « entendue dans le sens que l’Eglise
du Christ sur terre n’est pas identique à l’Eglise catholique, mais
qu’elle s’étend en dehors d’elle, même de manière imparfaite, est
fausse, hérétique ou proche de l’hérésie. »
Inversement,
des théologiens progressistes se sont réjouis de cette expression
« subsistit in ».
Le
P. Gregory Baum y voyait l’affirmation qu’ « il n’y a
aucune identité absolue »
entre l’Eglise du Christ et l’Eglise catholique.
Le
P. Leonardo Boff, s’appuyant lui aussi sur l’expression subsistit
in, a estimé que l’Eglise catholique « ne peut prétendre
être la seule à s’identifier à l’Eglise du Christ, parce que
celle-ci peut exister également dans d’autres Eglises
chrétiennes ».
Durant
le pontificat de Jean-Paul II, la Congrégation pour la Doctrine de la
Foi, sous l’autorité du cardinal Ratzinger, a réfuté, à deux
reprises déjà, ces fausses interprétations du subsistit in :
•
Le 11 mars 1985, dans une Notification contre le livre du P. Leonardo
Boff, Eglise : charisme et pouvoir, la Congrégation a estimé
que celui-ci soutient « une thèse exactement contraire à la
signification authentique du texte conciliaire ».
La
Notification a précisé alors le sens à donner à l’expression :
« Le Concile avait, à l’inverse, choisi le mot ”subsistit”
précisément pour mettre en lumière qu’il existe une seule ”subsistance”
de la véritable Eglise, alors qu’en dehors de son ensemble visible
existent seulement des ”elementa Ecclesiæ” qui – étant des
éléments de la même Eglise – tendent et conduisent vers l’Eglise
catholique (LG 8).
•
Une deuxième fois, dans la Déclaration Dominus Iesus, en date du
6 août 2000, la Congrégation pour la Doctrine de la Foi a réaffirmé
que « l’Eglise du Christ continue à exister en plénitude dans la
seule Eglise catholique », en précisant : « Contraire à
la signification authentique du texte conciliaire est donc l’interprétation
qui tire de la formule subsistit in la thèse que l’unique Eglise
du Christ pourrait aussi subsister dans des Eglises et Communautés
ecclésiales non catholiques. »
En
consacrant une Déclaration spécifique à cette expression controversée,
la Congrégation pour la Doctrine de la Foi va donc, pour la troisième
fois, apporter des éclaircissements et des rectifications à propos d’une
expression qui a donné lieu à des interprétations fausses.
Une
Déclaration de la Congrégation pour la Doctrine de la foi sur la
liberté religieuse, autre expression controversée, serait en
préparation.
Benoît
XVI continue donc à œuvrer pour une juste compréhension des textes
conciliaires.Son herméneutique de la continuité ne s’adresse pas
exclusivement aux traditionalistes, mais dans le contexte du Motu proprio
cette Déclaration attendue sur le subsistit in serait
incontestablement un signe adressé à la FSSPX.
Thomas
Grimaux - Les Communautés traditionnelles en France
Le
cardinal Castrillon Hoyos, qui préface ce livre, le présente
ainsi : « Il veut faire connaître à nos contemporains qui
sont ces communautés catholiques qui vivent selon des règles de vie
précises, suivent des pratiques religieuses qui ont fait leur preuve
durant des siècles, et célèbrent l’ancienne liturgie romaine comme
elle était en vigueur partout jusqu’il y a quarante ans. »
Sont
présentées ainsi, par des notices développées et de très nombreuses
et magnifiques photographies, les 17 communautés traditionnelles
françaises qui sont en communion ave le Saint-Siège : cinq
communautés féminines (les Victimes du Sacré-Cœur à Marseille, les
Dominicaines de Pontcalec, les Bénédictines de Jouques et du Barroux,
les Chanoinesses de la Mère de Dieu), cinq communautés masculines
contemplatives (les Bénédictins de Fontgombault, de Randol, de Triors,
de Gaussan et du Barroux), trois communautés religieuses apostoliques
(Sainte-Croix de Riaumont, les Chanoines réguliers de la Mère de Dieu et
la Fraternité Saint-Vincent-Ferrier) et quatre communautés de prêtres
séculiers (la Fraternité Saint-Pierre, l’Institut du Christ Roi, et
les tout jeunes Société des Missionnaires de Toulon et Institut du Bon
Pasteur).
Même
en se limitant aux communautés en communion avec le Saint-Siège, ne
manque-t-il pas la très discrète Société des Prêtres Auxiliaires de l’abbé
Barthe ?
En
tout cas, un beau livre, utile, qui montre la diversité des charismes
chez les catholiques de Tradition.
Un
album de 168 pages, avec 200 photos, à commander à La Nef (2 cour des
Coulons, 78810 Feucherolles), 39 euros franco de port. |