UN
« 4e SECRET DE FATIMA » ? - Le
démenti de Mgr Capovilla - par
Yves Chiron
En
Italie est paru un ouvrage d’Antonio Socci intitulé de manière
sensationnaliste : Il quarto segreto di Fatima [« Le
quatrième secret de Fatima »].
Après
avoir dirigé la revue catholique néo-conservatrice 30 Giorni,
Antonio Socci dirige aujourd’hui l’Ecole supérieure de journalisme
radio-télévisé de Pérouse. Son précédent livre, Mistero
Medjugorje (Piemme, 2005), était une apologie des fausses apparitions
de Medjugorje, ce qui aurait dû inquiéter ceux qui accordent foi à sa révélation
d’un prétendu « 4e secret » de Fatima.
En
France, des sites et des forums internet, sédévacantistes ou
traditionalistes, ont relayé l’information à grand bruit (sans avoir
lu le livre d’ailleurs !). Ils y ont vu la confirmation qu’en
2000 le Saint-Siège avait menti lors de la publication du « 3e
secret ».
Avant
le livre d’Antonio Socci, deux livres avaient déjà été publiés en
français qui prétendent démontrer l’un, que le « 3e
secret » révélé en 2000 était un faux (thèse de Laurent Morlier),
l’autre, qu’il existe deux manuscrits du « 3e secret »
et que le second reste « encore dans le coffre-fort du pape »
(thèse du P. Kramer).
Antonio
Socci reprend certains des arguments avancés par ces auteurs, même
s’il ne partage pas leurs positions sédévacantistes ou
traditionalistes. Sa thèse principale est que la troisième partie du
secret révélé par la Vierge aux trois voyants de Fatima le 13 juillet
1917 n’a pas encore été publiée complètement. Cette troisième
partie comporterait deux textes : des paroles de la Vierge, qui
traitent de la crise de l’Eglise, et la description d’une vision
dramatique.
Jean-Paul
II aurait lu le premier texte dès 1978, tandis qu’il n’aurait eu
connaissance du texte décrivant la vision qu’en juillet 1981 (après
l’attentat dont il a été victime le 13 mai de cette année-là). En
2000, il n’aurait rendu public que le second, occultant le premier avec
la complicité du cardinal Sodano, Secrétaire d’Etat, du cardinal
Ratzinger, Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi et de
Mgr Bertone, Secrétaire de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi.
Relevons
les deux principaux arguments avancés par Antonio Socci :
-
Le
« Quatrième mémoire » écrit par Sœur Lucie, en 1941,
comporte une phrase inachevée : « Au Portugal se
conservera toujours le dogme de la foi etc. ». Cet etc. a
toujours troublé les analystes et les commentateurs. Beaucoup y ont
vu le début du « 3e secret » qui restait à révéler.
Or,
en juin 2000, lors de la publication du « 3e secret »,
cette phrase n’est citée qu’incidemment, en note de bas de
page,
après la publication de la 1ère et de la 2e
parties du secret et elle ne fait pas l’objet d’un commentaire.
Interrogé
lors d’une conférence de presse sur le problème que posait cette
phrase inachevée, Mgr Bertone, alors Secrétaire de la Congrégation
pour la Doctrine de la Foi, a répondu : « Il est difficile
de dire si elle se réfère à la 2e ou à la 3e
partie… il me semble qu’elle appartient à la seconde » .
Selon
Antonio Socci, cette phrase inachevée correspondrait au début de
paroles de la Vierge qui restent, à ce jour, cachées par le Saint-Siège.
-
Antonio
Socci fait référence, par ailleurs, à un document de Mgr Capovilla.
Mgr Capovilla fut le secrétaire particulier de Jean XXIII. Le
pape avait lu « le secret » et lui en avait parlé, ainsi
qu’à des responsables de la Curie.
Dans
une note dont a eu connaissance Antonio Socci, Mgr Capovilla indique que
le pape suivant, Paul VI, a lu la troisième partie du secret de Fatima le
jeudi 27 juin 1963.
Or,
dans la « Présentation » du texte publié en 2000, Mgr
Bertone indique : « Paul VI lut le contenu avec le Substitut
Mgr Angelo Dell’Acqua, le 27 mars 1965, puis renvoya l’enveloppe aux
Archives secrètes du Saint-Office, décidant de ne pas publier le texte. »
Comment
expliquer une telle divergence de dates ? Pour Antonio Socci, il
n’y a qu’une seule explication possible : en 1963, Paul VI a pris
connaissance du texte qui contiendrait les paroles de la Vierge (texte
conservé alors dans les appartements pontificaux) et en 1965 il a lu le
texte qui contiendrait la description de la vision (texte conservé au
Saint-Office).
Antonio
Socci estime qu’en faisant connaître sa note relative à 1963, Mgr
Capovilla « dit explicitement qu’il existe deux textes différents
du troisième secret » (p. 142).
Cette
information serait, en effet, très importante. Mgr Capovilla a
l’autorité d’un témoin direct, au plus proche de Jean XXIII.
Mais,
contrairement à ce qu’écrit Antonio Socci, l’ancien secrétaire
particulier de Jean XXIII, ne croit pas en l’existence de deux textes.
Le
démenti de Mgr Capovilla
En
2000, en donnant « un commentaire théologique » du secret de
Fatima, celui qui n’était encore que le cardinal Ratzinger avait affirmé
que le secret révélé aux petits voyants le 13 juillet 1917 était
« publié pour la première fois dans son intégralité ».
Donc,
Laurent Morlier, en publiant un livre pour affirmer que « le troisième
secret publié par le Vatican le 26 juin 2000 est un faux », le P.
Paul Kramer et Antonio Socci en publiant des livres qui affirment qu’il
y a deux textes du « 3e secret », et que l’un
reste encore inconnu, portent atteinte à l’autorité et à l’honnêteté
du Saint-Siège.
Ces
auteurs mettent également en doute les affirmations de Sœur Lucie elle-même
qui a déclaré, à plusieurs reprises, qu’il n’y avait pas d’autre
« secret » qui resterait à révéler.
Elle
le disait, par exemple, un peu vertement, à la Mère Prieur de son Carmel
qui l’interrogeait sur le sujet :
–
Sœur Lucie, certains prétendent qu’il y a un autre secret !
–
Alors, s’ils le connaissent, qu’ils le disent ! Moi, je ne
sais rien de plus !... Il y a des gens qui ne sont jamais contents !
Que l’on cesse d’en tenir compte !
Mgr
Capovilla lui-même conteste formellement la pseudo-démonstration
d’Antonio Socci.
En
réponse à des questions précises que je lui ai posées par écrit le 10
avril 2007, Mgr Capovilla a répondu par un pro-memoria en cinq
points, en date du 13 avril 2007.
Il
y affirme notamment :
-
«
Je ne peux avoir affirmé – dans le cas où je me serais exprimé de
manière inexacte, je le fais maintenant – savoir quelque chose sur
” deux versions du 3e secret”. Je n’ai aucun pli
réservé, mais seulement quelques notes personnelles tirées de
diverses publications.
-
Je
ne sais rien à propos de l’assertion : ”Au Portugal se
conservera toujours le dogme de la foi”.
-
…
je ne pense pas que le « Secret » contienne des révélations
sur la crise de la foi.
-
Ma
pensée ferme et plusieurs fois affirmée est celle-ci : je crois
que Dieu peut se révéler de différentes manières. Je crois que
l’interprétation des signes appartient au Magistère de l’Eglise,
et jamais à une seule personne ou à une association. »
Ces
précisions apportées par Mgr Capovilla amènent à considérer qu’il
est malhonnête, intellectuellement, d’affirmer qu’il soutient la thèse
de « deux versions » ou de « deux parties » du 3e
secret.
La
publication, en 2000, de la troisième partie du secret révélé à
Fatima a déconcerté une partie des « fatimistes ». Les plus
extrémistes parlent de texte inventé de toutes pièces par le Saint-Siège
et d’une « fausse sœur Lucie » mise au devant de la scène
pour accréditer les forgeries du Vatican. D’autres, apparemment moins
extrémistes, parlent d’un texte caché qui resterait volontairement
occulté par le Saint-Siège.
La
critique historique peut certes encore s’exercer sur Fatima, les
apparitions, sa réception et son interprétation par l’Eglise :
-
Il y a peut-être des précisions chronologiques à apporter sur la
connaissance du « 3e secret » par les papes
successifs.
-
Il y a sans doute une interrogation qui reste sur la phrase inachevée
« Au Portugal… ».
-
On peut souhaiter encore que soient publiés intégralement les travaux
considérables sur Fatima du P. Alonso, religieux clarétin espagnol mort
en 1981, travaux qui restent très largement inédits.
Mais
quelle prétention de contester Sœur Lucie, Jean-Paul II et l’actuel
Benoît XVI quand ils affirment que le « secret de Fatima » a
été révélé en son entier !
Le
« secret des secrets »
Comme
le disait frère Michel de la Sainte Trinité, grand historien de
Fatima – il s’est tu sur le sujet depuis plus de vingt ans,
depuis qu’il s’est retiré à la Grande Chartreuse – :
« il
y a plus important encore que le troisième Secret : c’est le ”secret
des secrets” qui est, pour ainsi dire, l’âme des révélations
de Fatima, leur foyer incandescent propre à éclairer de sa flamme
ardente nos temps enténébrés. […] C’est l’admirable Secret de la
médiation de Grâce et de Miséricorde du Cœur Immaculé de notre Mère
du Ciel. »
Sœur
Lucie elle-même l’avait demandé, avant que le « secret »
ne soit complètement révélé en 2000 :
« Si
seulement on vivait le plus important, qui est déjà connu !... Mais
on ne s’occupe que de ce qui reste à dire, au lieu d’accomplir ce qui
a été demandé, la prière et la pénitence ! ». |