Les
quatre refus de la FSSPX - par
Yves Chiron
Alors
que le motu proprio de Benoît XVI sur la messe est toujours en attente de
publication, la Fraternité Saint-Pie X, à travers ses instances
officielles, s’est exprimée ces dernières semaines dans une tonalité
de fermeté ou de refus qui est significative du non possumus que,
depuis 1988 au moins, elle maintient.
Les
quatre prises de position que je vais citer ont été publiques. On ne
peut accuser la FSSPX de tenir un double langage. En revanche, il n’est
pas sûr que les lecteurs d’Aletheia – qui, pour leur plus
grand nombre, ne sont pas familiers des moyens de communication de la
FSSPX ou des lieux où elle s’exprime – en aient eu connaissance.
Aussi, sans porter de jugement sur les prises de position exprimées, je
crois utile de les rapporter, le plus objectivement possible, dans leur
ordre de succession en ce mois de janvier 2007.
Benoît
XVI à la mosquée bleue : « un scandale »
L’abbé
Grégoire Celier, qui dirige encore pour quelques mois la principale revue
de la FSSPX (Fideliter) et sa maison d’éditions (Clovis),
intervient de plus en plus souvent au nom de la Fraternité Saint-Pie X
pour expliquer les positions de la Fraternité fondées Mgr Lefebvre. Ses
interventions laissent présager du rôle qui sera le sien, à l’avenir,
dans la politique de communication de la FSSPX.
Lors
du voyage qu’il a accompli en Turquie, Benoît XVI a visité, le 30
novembre dernier, la célèbre mosquée bleue d’Istanbul. Au cours de
cette visite, le Pape et le Grand Mufti qui l’accompagnait se sont arrêtés,
un moment : le Mufti priant en silence, le Pape se recueillant dans
une méditation silencieuse.
Cette
image a scandalisé certains catholiques, le site sédévacantiste Virgo
Maria y voyant même une « apostasie » de Benoît XVI.
L’abbé Celier, dans un article publié le 3 janvier 2007 sur le site
internet de la FSSPX en France (La Porte Latine), n’emploie pas
ce mot, mais il estime que c’est un « acte mauvais en soi »
et « un scandale, au sens réel et étymologique » car
« il induit les âmes au péché, dans ce qui est le plus grave, la
confession de la foi ». L’abbé Celier, pour mieux faire connaître
cette prise de position de la FSSPX, a réalisé, en urgence, une brochure qui
reprend le texte diffusé sur internet, accompagné de diverses
photographies.
Le
geste de Benoît XVI à Istanbul s’inscrirait dans la logique des réunions
inter-religieuses organisées par Jean-Paul II à Assise. S’il écarte,
avec bon sens, le « soupçon d’adhésion implicite à l’islam »,
l’abbé Celier estime que le Pape a posé un acte qui « encourage
l’opinion commune que les diverses traditions religieuses se valent plus
ou moins, qu’aucune religion ne détient la totalité de la vérité ».
Par ce « geste » de méditation silencieuse dans une mosquée
le Pape « participe à la diffusion du relativisme religieux ».
On
remarquera que les explications que Benoît XVI a fournies sur son geste
et sa « médiation » dans la mosquée d’Istanbul ne sont pas
citées une seule fois par l’abbé Celier, ni le commentaire qui a été
donné ensuite par le P. Lombardi, directeur de la Salle de Presse du
Vatican.
« Vatican
II a baptisé l’idéal maçonnique »
Le
7 janvier dernier, clôturant à Paris le VIIe Congrès théologique
organisé par la revue Si si No no, l’Institut Universitaire
Saint-Pie X et DICI, congrès consacré aux crises de l’Eglise,
le Supérieur général de la FSSPX, Mgr Fellay, a fait une longue
conférence pour montrer que dans la crise actuelle de l’Eglise, c’est
le sacerdoce lui-même qui a été atteint.
S’appuyant sur de nombreuses et longues citations de Mgr Lefebvre, Mgr
Fellay a montré que celui-ci avait d’abord voulu fonder une œuvre de
préservation et de transmission du sacerdoce « dans toute sa pureté
doctrinale, dans toute sa charité missionnaire ». Reprenant une
expression de Mgr Lefebvre, Mgr Fellay estime que la Fraternité
sacerdotale Saint-Pie X est « l’Œuvre à laquelle Dieu va confier
l’Arche d’Alliance du Nouveau Testament ».
Faisant
allusion, notamment, à la déclaration sur la liberté religieuse, à la
constitution pastorale sur l’Eglise dans le monde et au décret sur l’œcuménisme,
Mgr Fellay estime que « Vatican II a baptisé l’idéal maçonnique ».
Benoît
XVI : « un moderniste » et « un « hérétique »
Vatican
II : à mettre « tout entier à la poubelle »
Dans
les jours qui ont suivi ce Congrès théologique, Mgr Williamson, un des
quatre évêques ordonnés par Mgr Lefebvre en 1988, a donné une
interview à l’hebdomadaire Rivarol (numéro du 12 janvier 2007).
Dans
cet entretien, accordé au journaliste Jérôme Bourbon, Mgr Williamson
porte des jugements très sévères sur Benoît XVI, dans des termes que
je ne commenterai pas : « Si un moderniste est quelqu’un qui
veut adapter l’Eglise Catholique au monde moderne, certainement Benoît
XVI est un moderniste. Il croit toujours que l’Eglise doit se réapproprier
les valeurs de la Révolution française. Peut-être admire-t-il moins le
monde moderne que Paul VI, mais il l’admire encore beaucoup trop. Ses écrits
passés sont pleins d’erreurs modernistes. Or, le modernisme est la
synthèse de toutes les hérésies (Pascendi, saint Pie X). Donc,
comme hérétique, Ratzinger dépasse de loin les erreurs protestantes de
Luther comme l’a très bien dit Mgr Tissier de Mallerais. »
Mgr
Williamson estime encore que les actes du concile Vatican II « sont
beaucoup trop subtilement et profondément empoisonnés pour qu’il
faille les réinterpréter. Un gâteau en partie empoisonné va tout
entier à la poubelle ! ».
Dans
une vision providentialiste de l’histoire de l’Eglise, Mgr Williamson
estime « ou bien dans cinq, dix, vingt ans Dieu intervient avec un
châtiment exemplaire pour rétablir l’ordre, ou bien l’Eglise en sera
à gémir dans les catacombes, en attendant cette intervention. De toute
façon, la situation actuelle est irrécupérable par des efforts purement
humains. »
« Pas
d’accord à court terme avec Rome »
Avec
un Pape qui crée « scandale », qui est « moderniste »
et « hérétique », qui ne met pas « à la poubelle »
un concile « empoisonné », il n’y a pas d’accord
« à court terme » possible : voilà, en substance, la
position actuelle de la FSSPX.
Ce
résumé de la situation, à partir des textes cités ci-dessus, trahit-il
ou caricature-t-il la position actuelle de la FSSPX ?
Je
ne le pense pas. Et, tout en tenant compte que les analyses et prises de
position des uns n’équivalent peut-être pas celles des autres, et que
l’autorité des uns n’équivaut pas à celles des autres, on doit bien
considérer que la FSSPX reste dans une position de « Non
possumus ».
Même
si le Pape publie un indult accordant une plus grande liberté à la messe
traditionnelle et lève solennellement l’excommunication qui frappe les
quatre évêques sacrés par Mgr Lefebvre, « la Fraternité
Saint-Pie X n’envisage pas de signer un accord à court terme avec Rome ».
C’est
la position qu’expose l’abbé Grégoire Celier dans un ouvrage à paraître
Benoît XVI et les traditionalistes. Le livre doit être publié le
12 mars prochain aux éditions Entrelacs, une filiale du groupe Albin
Michel. C’est un livre d’entretiens entre l’abbé Celier et Olivier
Pichon, directeur du magazine Monde et Vie, ancien élu du Front
National et du M.N.R.
Il
est significatif que l’ouvrage soit annoncé à paraître le 12 mars.
Que d’ici là, le motu proprio « libérateur » de la messe
traditionnelle ait été publié ou pas, la position de la FSSPX n’en
sera pas changée. Car, en disant « la Fraternité Saint-Pie X
n’envisage pas de signer un accord à court terme avec Rome »,
l’abbé Celier n’exprime pas, bien sûr, une opinion personnelle, il
s’exprime, comme dans toutes ses initiatives et tous ses écrits
publics, avec l’accord de ses supérieurs. C’est donc bien la position
officielle de la FSSPX qu’il développe dans cet ouvrage à paraître. |