Les
deux catéchismes de saint Pie X
• Alors
qu’il était encore curé de Salzano (1867-1875), le futur saint Pie X a
rédigé un premier catéchisme qui s’inspirait du catéchisme publié
par son évêque, Mgr Zinelli. Il s’agissait de l’adaptation
personnelle d’un texte public. Le catéchisme rédigé par don Sarto,
composé de 577 questions et réponses, est resté manuscrit jusqu’à sa
publication, il y a une vingtaine d’années.
•
Devenu pape, il fait publier, en 1905, un Abrégé de la doctrine
chrétienne prescrit par S.S. le pape Pie X pour les diocèses de la
province de Rome.
Ce
catéchisme est issu du Compendio della Dottrina Cristiana ad uso delle
diocesi del Piemonte, della Lombardia e della Liguria publié en 1896.
Ce Compendio lui-même s’inspirait largement d’un catéchisme
publié, en 1756, dans le diocèse de Mondovi par Mgr Casati (d’où son
nom de Catechismo del Casati).
C’est
cet Abrégé de la Doctrine chrétienne de 1905 qui a été
réédité en 1967 par Jean Madiran, dans Itinéraires, sous le
titre de Catéchisme de S. Pie X . En pleine crise des
catéchismes, dans « la pénurie et le désarroi » de ces
années d’après-concile, cette édition a nourri la foi d’innombrables
familles, écoles et communautés. Elle a connu, jusqu’à aujourd’hui,
plusieurs rééditions chez différents éditeurs.
•
Saint Pie X, pourtant, n’était pas entièrement satisfait de cet
Abrégé de 1905. Il le trouvait trop long (plus de 1500 questions et
réponses si l’on prend en compte ses diverses parties). Le Pape voulait
un catéchisme « beaucoup plus bref et plus adapté aux exigences
actuelles ».
Dès
1909, il créa une Commission chargée de préparer un nouveau
catéchisme. Cette Commission restreinte – elle ne comptait que trois
membres – fut présidée par le P. Pietro Benedetti, des Missionnaires
du Sacré-Cœur de Jésus ; Procureur général de sa congrégation,
le P. Benedetti était aussi consulteur de la Congrégation consistoriale
et consulteur de la Congrégation des Séminaires.
En
deux ans, cinq versions successives furent rédigées et examinées par le
Pape. En novembre 1911, un premier texte complet fut envoyé à une
cinquantaine de cardinaux, d’évêques et de prélats italiens.
Il
fut tenu compte des observations envoyées. Un nouveau texte fut mis au
point, plusieurs fois corrigé encore et finalement promulgué en octobre
1912 sous le titre de Catéchisme de la Doctrine
chrétienne publié par ordre de S.S. le Pape Pie X.
Plus
court (433 questions et réponses), il est aussi structuré différemment,
avec un plan plus simple (trois parties au lieu de cinq) et plus
cohérent :
Abrégé
de 1905:
1ère
partie : Le Symbole des Apôtres
2e partie : La prière
3e partie : Les commandements
4e partie : Les sacrements
5e partie : Les vertus et les péchés
Catéchisme
de 1912:
1ère
partie : Les principales vérités de la Foi
2e partie : La morale chrétienne (commandements
et vertus)
3e partie : Les moyens de la grâce (sacrements et
prière)
La
rédaction des réponses est, elle aussi, d’une édition à l’autre,
plus simple, plus claire. On y retrouve davantage, disent les prêtres qui
utilisent le Catéchisme de 1912, la limpidité de la terminologie
thomiste.
Un
seul exemple suffira : la réponse à la question « Qu’est-ce
que l’Eucharistie ? ».
Abrégé
de 1905: L’Eucharistie est
un sacrement qui, par l’admirable changement de toute la substance du
pain au Corps de Jésus-Christ et de celle du vin en son Sang précieux,
contient vraiment, réellement et substantiellement le Corps, le Sang, l’Âme
et la Divinité de Jésus-Christ Notre-Seigneur, sous les espèces du
pain et du vin, pour être notre nourriture spirituelle.
Catéchisme
de 1912: L’Eucharistie
est un sacrement qui, sous les apparences du pain et du vin, contient
réellement le Corps, le Sang, l’Âme et la Divinité de
Notre-Seigneur Jésus-Christ pour être la nourriture des âmes.
Le
Catéchisme de 1912 a été prescrit par s. Pie X, comme obligatoire, pour
le diocèse de Rome et pour les diocèses de la province ecclésiastique
de Rome. Il interdisait « que l’on y suive désormais un
autre texte dans l’enseignement catéchistique ».
Pour
les autres diocèses d’Italie, s. Pie X émettait le « vœu »
que le Catéchisme « y soit pareillement adopté ». Chaque
évêque d’Italie reçut un exemplaire de la part du Pape. En Italie, ce
Catéchisme de 1912 resta très largement utilisé jusqu’aux années
1960 (mais le Libreria Editrice Vaticana ne le réédita plus après
1959).
Ce
Catéchisme a connu deux traductions françaises en 1913 : à Paris,
par la Maison de la Bonne Presse, et à Annecy. Il a été réédité en
2003 par les Publications du « Courrier de Rome ».
Frère
Roger « grand-maître franc-maçon »
Une erreur de lecture d’Avrillé
La
dernière livraison de la revue trimestrielle des religieux installés à
Avrillé
reproduit la diatribe anti-Benoît XVI lancée il y a huit mois, déjà,
par deux revues américaines traditionalistes. Les religieux d’Avrillé
en concluent à « l’impossibilité, dans l’état actuel des
choses, d’un accord » entre Rome et la Fraternité sacerdotale
Saint-Pie X.
Cette
diatribe traditionaliste nord-américaine avait été traduite à la
demande d’un groupe sédévacantiste français et diffusée sur leur
site internet (Virgo-Maria.org), le
13 mars dernier, avant d’être reprise par le site tradi-œcuméniste qien.free.fr
.
Les
religieux d’Avrillé reproduisent cette traduction, avec quelques
modifications, et en ajoutant quelques notes infrapaginales.
La
note ajoutée la plus abondante (la note 10) est relative à frère Roger
Schutz et à la question de sa catholicité. Rapportant, au bout de trois
mois, l’information parue ici le 1er août, les religieux d’Avrillé
en contestant la réalité.
Les
religieux d’Avrillé apportent un argument tout à fait nouveau :
« …
ajoutons que le frère Roger Schutz était aussi “grand-maître
franc-maçon“ : l’information, cette fois, est publique, car
parue dans Le Monde du 13 janvier 1996
(article de Régis Debray ”la culture de l’imbroglio ”). »
L’information,
passée inaperçue, est considérable. Les religieux d’Avrillé, experts
en « conjuration anti-chrétienne », savent sans doute ce qu’est
un « grand-maître » dans la franc-maçonnerie : c’est
le « Président d’une Obédience maçonnique ».
Roger
Schutz n’aurait donc pas été seulement le fondateur de la Communauté
protestante de Taizé mais aussi le « grand-maître » d’une
obédience maçonnique qui resterait à déterminer.
Les
religieux d’Avrillé donnent une référence précise à la nouvelle qu’ils
répandent : un article paru dans le journal qui se prétend le
« quotidien de référence » français.
L’article
en question est paru le 13 janvier 1996. Depuis dix ans, cette
information, très importante, aurait donc échappé à tous ceux qui s’intéressent
à l’œcuménisme, à la franc-maçonnerie, à la crise de l’Eglise,
etc.
Or,
si l’on se reporte à l’article de Régis Debray cité en référence,
on lit tout autre chose que ce qu’ont cru comprendre les religieux d’Avrillé.
Régis
Debray, dans un long portrait de François Mitterrand, exposait avec quel
art l’ancien Président de la république savait entretenir des
relations très diverses et s’en servir.
Citons
le texte :
« Quand
une vie a pris en nœud tant de fils électriques, chaque faux pas vous
met à la merci d’un court-circuit. Il faut à la fois relier et isoler
– isoler au départ pour pouvoir recombiner les fils, à la sortie. La
devise d’un pareil méli-mélo, c’est ”diviser pour survivre” ;
complaire vient après ; régner, ce sera cadeau. Si Badinter
rencontre Bousquet à déjeuner, Omar Bongo Mère Teresa au salon, ou le
grand-maître franc-maçon Frère Roger de Taizé dans le vestibule, c’est
le pataquès. Le patron doit avoir tous ces fers au feu, car chacun a sa
compétence et aura, ou aura eu, sa circonstance. Pour que tous aient part
au jeu, chaque pion doit pouvoir se convaincre qu’il est le chouchou du
joueur d’échecs, le seul à détenir la vraie pensée du
règne. »
On
voit, par le texte, que les religieux d’Avrillé commettent un
contre-sens énorme en prenant « grand-maître franc-maçon »
pour un qualificatif de « Frère Roger de Taizé »,
alors qu’il ne s’agit que de ce qu’on appelle en rhétorique une
figure de pensée, une hypotypose.
On
comprend l’image : quel « pataquès » si dans l’antichambre
du bureau présidentiel le grand-maître d’une obédience maçonnique
avait croisé Frère Roger de Taizé ou si, dans le salon, Omar Bongo, le
président gabonais converti à l’islam, avait croisé Mère Teresa, la
« sainte » de Calcutta.
Régis
Debray ne dit aucunement que Frère Roger était « grand-maître
franc-maçon » , ou franc-maçon tout court. Les religieux d’Avrillé
rectifieront-ils dans le prochain numéro de leur revue ?
On
peut porter un regard critique sur l’itinéraire de frère Roger. Un
catholique doit regretter l’ambiguïté qui a mené celui-ci à la
communion catholique. Mais il n’est pas besoin d’affabuler sur
son cas par une erreur de lecture.
La
messe de saint Pie V
À
l’heure où un motu proprio romain est attendu qui libèrerait
davantage, sinon complètement, l’usage du missel traditionnel, et même
si à long terme (d’ici quelques décennies), une union des deux rites
– traditionnel et montinien – se fera (c’est la pensée véritable
de Benoît XVI), on tirera grand profit à lire l’ouvrage posthume du P.
de Chivré (1902-1984).
En
1994, au 10e anniversaire de sa mort, Eric Bertinat et l’abbé
Michel Simoulin consacraient au P. de Chivré un grand album de
témoignages, de photos et de textes spirituels.
Aujourd’hui, l’abbé Simoulin publie le texte de 16 conférences sur
la messe que le P. de Chivré avait données à Versailles et à Paris
dans les années 1968-1970.
On
ne résumera pas ces belles conférences du P. de Chivré. D’un style
non classique et d’une grande originalité de pensée, ses exposés
étaient autant des méditations destinées à entraîner les âmes vers
le mystère que des exposés théologiques. On ne citera qu’un extrait
de la première conférence (« La Messe est une activité »)
pour donner envie d’aller lire la suite :
Le
Christ est avant tout Action Créatrice. Dans ses miracles, Il restaure ce
que la création première avait perdu, en y remettant ce à quoi elle a
droit : la santé, la vie, la joie, la quantité nécessaire…, etc.
On
peut dire de la Messe qu’elle fut Son suprême miracle, c’est-à-dire
le miracle logique par rapport à tous les autres :
-
D’abord, logique de plénitude : il ne s’agit pas de Sa
propre personne.
-
Ensuite, logique de réussite : il ne s’agit pas d’un
résultat passager.
-
Ensuite, logique de puissance : il est universel dans ses
effets.
Cette
logique termine une série inouïe d’affirmations sur la matière, jusqu’à
passer de la transformation des apparences à la transformation de la
substance matérielle en substance divine.
Yves
Chiron |