BENOIT
XVI ET MEDJUGORJE
1.
Une mise au point
Durant
le précédent pontificat, la rumeur courait que Jean-Paul II et le
cardinal Ratzinger étaient favorables aux supposées apparitions de la
Vierge à Medjugorje, apparitions qui ont commencé il y a exactement
vingt-cinq ans, en juin 1981, et qui se poursuivent encore à ce jour.
Le
26 mars 1984, Jean-Paul II aurait declaré:
–
Medjugorje, c’est la continuation de Fatima.
Le
1er août 1989, recevant plusieurs des voyants de Medjugorje, le Pape
aurait dit à l’une d’elles, Mirjana Dragicevic :
–
Si je n’étais pas le Pape, je serais déjà à Medjugorje[1].
Je
ne cite que deux des nombreuses paroles attribuées
à Jean-Paul II. Elles ont été répétées et diffusées par les
partisans de l’authenticité des apparitions de la Vierge à Medjugorje.
Ces supposées paroles du Pape leur servaient d’argument
pour dire que l’Eglise ne s’était pas prononcée de manière
definitive sur les faits de Medjugorje.
Quelle
valeur faut-il attribuer à ces supposées paroles de Jean-Paul II ? Celui qui était encore Préfet de la Congrégation pour la
Doctrine de la Foi, le cardinal Ratzinger, l’a écrit à un
correspondant allemand, dans une letter en date du 22 juillet 1998 :
Ich
kann dazu nur sagen, dass die dem Heiligen Vater und mir zugeschrieben
Äusseruungen über Medjugorje frei erfunden sind.
“Je
peux seulement dire que les déclarations sur Medjugorje attribuées au
Saint Père et à moi-même sont de pures inventions.[2]”
2.
Un démenti
Une
autre rumeur a couru dès le début du pontificat de Benoît XVI et elle
court encore : alors qu’il n’était encore que cardinal, Joseph
Ratzinger se serait rendu, incognito, à Medjugorje et devenu Pape
il aurait décidé de réouvrir le dossier des supposées apparitions
en vue de reconnaître Medjugorje comme sanctuaire marial et lieu de
pèlerinage.
Que
penser de cette rumeur ?
On
rapportera ici la récente declaration de Mgr Peric. En février dernier,
il s’est rendu à Rome, pour la traditionnelle visite Ad Limina.
Reçu en audience privée par Benoît XVI, entre autres dossiers, la
question de Medjugorje a été évoquée. Mgr Peric a interrogé le Pape
sur la rumeur citée ci-dessus. Voici ce que Benoît XVI lui a répondu, d’après
un entretien avec Mgr Peric publié dans le bulletin de son diocèse[3] :
Cnak:
Some newspapers have written that this Pope
visited Medjugorje incognito while he was a Cardinal and that he is
preparing to recognize Medjugorje as a shrine, etc. Did you touch upon
this topic?
We
did and I wrote to and spoke with the Holy Father on it. He only laughed
surprisingly. Regarding the events of Medjugorje our position is well
known: not a single proof exists that these events concern supernatural
apparitions and revelations. Therefore from the Church’s perspective
no pilgrimages are allowed which would attribute any authenticity to
these alleged apparitions. The Holy Father told me: we at the
Congregation always asked ourselves how can any believer accept as
authentic, apparitions that occur every day and for so many years? Are
they still occurring every day? I responded: Every day, Holy Father, to
one of them in Boston, to another near Milano and still another in
Krehin Gradac (Herzegovina), and everything is done under the protocol
of “apparitions of Medjugorje”. Up till now there have been about
35,000 “apparitions” and there is no end in sight!
The
Pope then continued: the previous Bishops’ Conference of the former
Yugoslavia issued a statement of “non constat de supernaturalitate”
(though the BCY did not use this specific formula, still the phrase “According
to investigations made thus far, it cannot be affirmed that these events
concern supernatural apparitions or revelations”, corresponds to the
traditional formula in these matters). Has the current Bishops’
Conference of Bosnia-Herzegovina or the Croatian Bishops’ Conference
reconfirmed the previous declaration?
I
replied: There has been no joint reconfirmation, but each individual
bishop when speaking on this issue refers to the Declaration. I added
that I was sent to Mostar in 1992 and that I have been following the
events from the beginning and that from the last declaration of the
Bishops in 1991 up till now, nothing significant has changed, nothing
new has happened, nor have any new elements occurred which would change
the meaning of the events. In my opinion, from the numerous local facts,
it is evident that these events can be defined not only by “non
constat de supernaturalitate” i.e. : it is not certain that these
events concern supernatural apparitions, but also by “constat de non
supernaturalitate” i.e. : it is certain that these events do not
concern supernatural apparitions. The numerous absurd messages,
insincerities, falsehoods and disobedience associated with the events
and “apparitions” of Medjugorje from the very outset, all disprove
any claims of authenticity. Much pressure through appeals has been made
to force the recognition of the authenticity of private revelations, yet
not through convincing arguments based upon the truth, but through the
self-praise of personal conversions and by statements such as one “feels
good”. How can this ever be taken as proof of the authenticity of
apparitions?
Finally
the Holy Father said: we at the Congregation felt that priests should be
of service to those faithful who seek Confession and Holy Communion, “leaving
out the question of the authenticity of the apparitions”.
At
the Congregation for the Doctrine of the Faith, they are particularly
concerned about the schism in our local Church. A local group of ex-Franciscans
are presenting themselves as true Franciscans, misleading the faithful,
instructing them in an un-ecclesiastical spirit, invalidly offering them
the sacraments, and destroying the unity of teaching, sacraments and
governance. And all of this serves towards a struggle for their own
rights against the generally acclaimed rights of the Church. It was
suggested at the Congregation that the local bishop follow the events in
Medjugorje and send in reports on occasion as has been done thus far.
From my encounter, I had the impression that these “private
apparitions” are considered a truly private matter and private
business to merit greater consideration on the part of the Holy See, as
desired by the persistent petitioners and sensational journalists.
Benoît
XVI a donc « ri » des rumeurs concernant sa prochaine
approbation de Medjugorje comme sanctuaire reconnu et lieu de pèlerinage.
Il a aussi fait part de ses interrogations sur le nombre infini des
supposées apparitions. On relèvera encore que Mgr Peric a renouvelé,
devant le Pape, sa position sur les faits : « Constat de non
supernaturalitate ».
3.
Quel est le jugement de l’Eglise ?
Quelques
jours après la parution de mon recueil documentaire sur Medjugorje[4],
l’évêque d’un diocèse français, bienveillant, s’est inquiété
auprès de moi de l’expression qui figure dans le titre : « Constat
de non supernaturalitate ». Ce n’est pas le jugement de l’Eglise,
m’a-t-il dit en substance, c’est l’opinion de l’évêque du
diocèse de Mostar. Il faudrait ne tenir pour jugement de l’Eglise que
la déclaration de la Conférence des Evêques de Yougoslavie qui a
exprimé, en 1991, un Non
constat de supernaturalitate.
La
distinction me semble, en l’occurrence, inopérante. Les deux formules
ne sont certes pas équivalentes, tout au contraire. Mais il me semble que
la position de Mgr Peric, exprimée publiquement à partir de 1997, a une
autorité dernière par rapport à la déclaration de la Conférence
épiscopale de 1991.
Après
le travail effectué par plusieurs commissions canoniques, la Conférence
des évêques de Yougoslavie avait publié le 10 avril 1991 une
« Déclaration » dans laquelle il est affirmé :
« Sur la base des études faites jusqu’à maintenant, on ne peut
affirmer que ces événements concernant des apparitions ou des
révélations surnaturelles ». Ce qui équivalait à la formule
canonique traditionnelle : Non constat de supernaturalitate.
Le
2 octobre 1997, alors que les présumées apparitions continuaient encore,
et fort de son « expérience épiscopale de cinq ans dans le
diocèse », Mgr Peric rendait publique une « Position »
plus catégorique : « Ma conviction et ma position n’est pas
seulement Non constat de supernaturalitate, mais bien Constat de
non supernaturalitate des apparitions ou révélations à Medjugorje. »
La
« Position » de l’évêque du diocèse où se déroulent les
supposées apparitions ne serait-elle pas un jugement de l’Eglise ?
Aurait-elle moins d’autorité qu’une « Déclaration »
collégiale antérieure de six années ?
En
matière d’apparitions, la Congrégation pour la Doctrine de la Foi peut
intervenir, soit à la demande de l’évêque du diocèse où se
déroulent les faits, soit à la demande d’ « un groupe
qualifié de fidèles »[5]. A ce jour, à ma connaissance, la Congrégation pour
la Doctrine de la Foi n’étudie pas les faits de Medjugorje et ne
prépare pas de déclaration sur le sujet. Les fidèles peuvent donc
raisonnablement considérer que le jugement de l’Eglise a bien été
exprimé par l’évêque du diocèse où se déroulent les faits.
Yves
CHIRON
Publication
d'un ouvrage inédit de soeur Lucie de Fatima
Soeur
Lucie de Jésus dos Santos a été avec François et Jacinthe Marto,
témoin des apparitions de la Vierge à Fatima à partir du 13 mai 1917.
Le Saint Siège a attendu 45 ans avant de révéler le contenu de ce que
l'on a appelé le « troisième secret de Fatima ».
L'ouvrage
intitulé « Il messaggio di Fatima » (Le message de Fatima) sortira en
italien le 10 juin, et en français (aux Editions Parole et Silence), dans
les semaines à venir. Il est édité avec l’imprimatur de Mgr Serafim
de Sousa Ferriera e Silva, évêque émérite de Leira-Fatima.
Cet
ouvrage inédit présente le message de Fatima en relation avec le temps
qui s'est écoulé et les événements qui se sont produits. Dans
l'introduction, le père Geremia Carlo Vechina, confesseur de soeur Lucie,
raconte que la voyante avait déjà travaillé à la rédaction d'un texte
à la demande du Père général de l'époque, qui deviendra le cardinal
Anastasio Alberto Ballestrero, à l'occasion de son passage à Coimbra au
cours de l'année 1955.
Cette
oeuvre fut envoyée à Rome, à la demande du pape Paul VI, mais - écrit
le Père Vechina - « fut oubliée dans les Archives vaticanes ». Dans
l'ouvrage, soeur Lucie raconte que le 15 mai 1982 elle reçut de la part
du Père Geremia Carlo Vechina, alors provincial de l'ordre des Carmes
déchaux, l'invitation de « transcrire tout les détails concernant le
Message de Fatima, depuis le début ». La voyante affirma être restée
un peu sceptique, craignant de ne pas avoir l'autorisation du Saint-Siège
d'écrire sur ce sujet.Ses doutes s'évanouirent lorsqu’elle eut
l'occasion de parler avec le cardinal Eduardo Pironio, en visite à la
communauté, le 9 septembre 1983.
Dans
la première partie du livre soeur Lucie s'interroge sur la raison pour
laquelle le Seigneur a choisi « des
enfants aussi pauvres et ignorants » pour la réalisation de ses projets.
Et elle explique que le Seigneur « veut des coeurs purs pour agir en eux
selon son bon plaisir » comme il est écrit dans l'Evangile «
Bienheureux les coeurs purs car ils verront Dieu ». Sœur Lucie aborde
par conséquent tous les passages de la rencontre avec la Vierge, les
demandes de prier le chapelet, le respect des commandements, les mystères
de la Très Sainte Trinité, la pratique de l’Eucharistie et surtout le
sens chrétien de la souffrance. « La Dame » (c’est ainsi que sœur
Lucie appelle la Vierge) demanda aux pastoureaux d’offrir leurs
personnes à Dieu et « de supporter toutes les souffrances qu’Il voudra
vous envoyer, comme acte de réparation pour les péchés qui l’offensent,
et de supplication pour la conversion des pécheurs ». Sœur Lucie
raconte que les pastoureaux, « sans se préoccuper des souffrances que le
Seigneur leur aurait envoyées, s’abandonnèrent totalement à la
volonté de Dieu et, sans le savoir, car ils ne connaissaient pas les
Ecritures, ils répondirent en suivant le Christ lorsqu’il dit ‘Me
voici O Père, pour faire ta volonté’ ». Selon sœur Lucie, c’est
dans ce passage que l’on comprend l’Eucharistie.
Sœur
Lucie raconte également des événements inédits, comme lorsque la
Vierge, en référence à la guerre 1914-1918 aurait dit : « La guerre
est sur le point de se terminer, mais si l’on ne cesse pas d’offenser
Dieu sous le pontificat de Pie XI, une autre, pire encore, commencera ».
La voyante explique que l’histoire a vu « l’éclatement d’une
guerre athée, contre la foi, contre Dieu, contre le peuple de Dieu. Une
guerre qui voulait exterminer le judaïsme d’où provenait
Jésus-Christ, la Vierge et les Apôtres qui nous ont transmis la parole
de Dieu et le don de la foi, de l’espérance et de la charité, peuple
élu de Dieu, choisi depuis le commencement : ‘le salut vient des Juifs’
».
Sœur
Lucie évoque ensuite la Russie communiste et les guerres provoquées dans
le monde. Elle rappelle que la Vierge a demandé la « consécration de la
Russie à son Cœur immaculé ». « S’ils écoutent mes demandes –
aurait dit la Vierge à sœur Lucie – la Russie se convertira et la paix
règnera. Sinon, elle diffusera ses erreurs dans le monde, suscitant des
guerres et des persécutions contre l’Eglise. Les bons seront
martyrisés, le Saint-Père devra souffrir beaucoup, diverses nations
seront détruites ». Après tout cela, cependant, la Vierge aurait
confié aux pastoureaux : « Le Saint-Père me consacrera la Russie qui se
convertira et un temps de paix sera accordé au monde. Mon Cœur Immaculé
triomphera enfin ». Sœur Lucie explique cette partie du message de la
Vierge par la consécration de la Russie au Cœur Immaculé de Marie que
le pape Jean-Paul II fit à Rome le 25 mars 1984, devant la statue de la
Vierge vénérée dans la petite chapelle des Apparitions à Cova d’Iria,
à Fatima. Cet acte, aux côtés de tant d’autres, aurait, selon sœur
Lucie, converti également les dirigeants de la Russie communiste.
(Zenit.org,
2 juin 2006)
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