LA
PREMIERE ENCYCLIQUE DE BENOIT XVI - Deus
Caritas est
La
première encyclique de Benoît XVI sera publiée le 25 janvier
prochain.
Dans
l’histoire récente de la papauté, la première encyclique des papes
est toujours apparue comme programmatique du pontificat. Elle a été
publiée, selon les Souverains Pontifes, dans un délai plus ou moins long
après l’élection pontificale :
-
le bienheureux Pie IX, élu le 21 juin 1846, a publié sa première
encyclique le 9 novembre suivant, soit quatre mois et demi après son
élection ;
-
Léon XIII, élu le 20 février 1878, a publié sa première
encyclique le 21 avril suivant, soit deux mois après son élection ;
-
Saint Pie X, élu le 4 août 1903, a publié sa première
encyclique le 4 octobre suivant, soit deux mois, aussi, après son
élection ;
-
Benoît XV, élu le 3 septembre 1914, publie sa première
encyclique le 1er novembre suivant, soit deux mois, encore,
après son élection ;
-
Pie XI, élu le 6 février 1922, publie sa première encyclique le
23 décembre suivant, soit neuf mois et demi après son élection ;
-
Pie XII, élu le 2 mars 1939, publie sa première encyclique le 20
octobre suivant, soit sept mois et demi après son élection ;
-
Jean XXIII, élu le 28 octobre 1958, publie sa première encyclique
le 29 juin 1959, soit huit mois après son élection ;
-
Paul VI, élu le 21 juin 1963, publie sa première encyclique le 6
août 1964, soit treize mois et demi après son élection ;
-
Jean-Paul II élu le 16 octobre 1978, publie sa première
encyclique le 4 mars 1979, soit près de cinq mois après son élection.
En
publiant sa première encyclique neuf mois après son élection, Benoît
XVI s’est donné un temps de réflexion et de méditation qui n’est
pas particulièrement plus long que celui qu’avaient pris la plupart de
ses prédécesseurs de l’époque contemporaine.
C’est
l’impatience des temps présents qui a fait émettre, au fil des mois,
des supputations erronées. Par exemple, le 14 décembre dernier, le grand
quotidien économique et financier Les Echos, sous la signature de
son supposé correspondant au Vatican, Pierre de Gasquet, annonçait que
le pape avait signé sa première encyclique le 8 décembre. Le
journaliste s’ébaudissait que Benoît XVI y commente le Faust de
Goethe. En réalité, le texte cité par le journal économique était l’homélie
prononcée le 8 décembre au cours d’une Chapelle papale tenue pour le
40e anniversaire du concile Vatican II.
Quelque
temps plus tard, c’est La Croix qui s’étonnait que Benoît XVI
n’ait pas encore publié sa première encyclique. Le journal catholique
s’interrogeait, le 30 décembre, sur ce “ pape du silence ” :
“ le silence de Benoît XVI remplit la place Saint-Pierre ”.
Ce qui est plus qu’exagéré si on considère l’importance de discours
comme celui du 22 décembre consacré à l’interprétation du concile
Vatican II ou les interventions auprès du Chemin catéchuménal pour
rectifier sa liturgie, interventions qui, au contraire, ont provoqué bien
des clameurs.
Plutôt
que de commenter un texte qui n’est pas encore connu intégralement, je
me contenterai de reproduire une dépêche du Bureau de Presse du
Saint-Siège. Elle rapporte l’annonce que Benoît XVI a faite de son
encyclique au cours de l’Audience générale du 18 janvier dernier.
CITE
DU VATICAN, 18 JAN 2006 (VIS). Au cours de l'Audience générale de ce
matin, Benoît XVI a annoncé que le 25 janvier serait publiée sa
première Encyclique, intitulée : Deus Caritas est, dont la
présentation officielle aura lieu près la Salle-de-Presse du
Saint-Siège.
Évoquant
le contenu du document, le Pape a dit: "Aujourd'hui, l'amour
apparaît souvent bien loin de ce qu'enseigne l'Eglise. Or, il s'agit d'un
mouvement unique doté de diverses dimensions".
La
charité, a ajouté le Saint-Père, "est l'amour qui renonce à
lui-même pour autrui. L'Eros s'y transforme en Agapé, à la recherche du
bien des autres. Il devient charité s'ouvrant à sa propre famille comme
à la famille humaine toute entière".
Puis
Benoît XVI a dit que son encyclique "tend à montrer que l'acte
d'amour personnel doit s'exprimer dans l'Eglise avec un but fonctionnel.
S'il est vrai que l'Eglise est expression de Dieu, l'amour doit y devenir
un acte ecclésial".
"Providentiellement, ce document sera rendu public le jour de la
clôture de la Semaine de prière pour l'unité. Le 25 janvier, je me
rendrais à la basilique St.Paul-hors-les-murs pour prier avec nos frères
protestants et orthodoxes".
Benoît
XVI a conclu son intervention extra-catéchistique en espérant que cette
nouvelle encyclique éclairera la vie des chrétiens.
La
première condamnation de Benoît XVI
L’abbé
Gotthold Hasenhüttl, théologien allemand, s’est vu retirer le droit d’enseigner
au nom de l’Eglise catholique. Le décret a été signé le 2 janvier
dernier par Mgr Reinhard Marx, évêque de Trèves, après que ce dernier
a été reçu dans les semaines précédentes par Benoît XVI.
Les
faits en cause remontent à 2003. En mai 2003, à Berlin, eut lieu un Kirchentag
œcuménique, un grand rassemblement où se retrouvèrent, pendant cinq
jours, 200.000 catholiques et protestants pour des réunions, des
conférences et des prières. À l’appel du mouvement, contestataire, le
“ Mouvement du peuple de l’Eglise ”, l’abbé Gotthold
Hasenhüttl, professeur émérite de théologie à l’université de
Sarrebruck, accepta de célébrer un “ office œcuménique avec
eucharistie selon le rite catholique ”. Le 23 mai, il célébra un
office religieux dans le temple protestant de Gethsémani à Berlin. Au
cours de la célébration, il avait invité les participants, catholiques
et protestants, “ à participer au repas du Seigneur ”.
Cette pratique d’intercommunion était en infraction avec le Code
de Droit canon qui maintient que “ les ministres catholiques
administrent licitement les sacrements aux seuls fidèles
catholiques ” (Can. 844, § 1).
L’archevêque
de Berlin, le cardinal Sterzinsky, avait alors demandé à l’abbé
Hasenhüttl de venir s’expliquer. Celui-ci, par une lettre en date du 10
juin, avait refusé, tout en multipliant les articles et les entretiens
dans la presse pour justifier son initiative. En conséquence, le 1er
juillet suivant, Mgr Marx, évêque de Trèves, lieu de résidence
habituel de l’abbé Hasenhüttl, lui adressait une longue lettre où,
après avoir exposé les infractions commises contre les normes du droit
canon, il lui demandait de signer une “ Déclaration ” dans
laquelle il aurait dit son regret pour son “ comportement ”
et dans laquelle il aurait promis “ de ne plus enfreindre les
canons cités ”.
Gotthold
Hasenhüttl refusa de signer la Déclaration présentée par Mgr
Marx : “ Votre ultimatum exigeant un repentir inconditionnel
et une obéissance aveugle ne correspond en rien, lui écrivait-il,
aux enjeux pour lesquels j’ai lutté et travaillé dans ma vie de
prêtre et de théologien. ” Gotthold Hasenhüttl s’insurgeait
aussi contre “ des mesures relevant de l’inquisition ”.
Devant
ce refus de soumission, le 17 juillet 2003 Mgr Marx suspendait l’abbé
Hasenhüttl de toutes ses “ fonctions ministérielles ”.
Le
théologien allemand fit appel de la sanction canonique qui le frappait
auprès du Saint-Siège. Un an plus tard, le cardinal Ratzinger, alors
préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la foi, confirmait la
sanction.
Malgré
cela, Gotthold Hasenhüttl a continué, dans différents écrits, à
soutenir la légitimité canonique de son initiative et à la justifier
théologiquement. En conséquence, le 2 janvier dernier, Mgr Marx a signé
le décret lui retirant le droit d’enseigner au nom de l’Eglise
catholique. “ Tous ses écrits […], dit le décret, ont
clairement démontré qu’il n’y avait de sa part aucun pas de
conciliation, qu’il considérait son attitude comme juste et qu’il ne
voyait aucune raison d’accepter la discipline de l’Eglise. ” Le
décret affirme aussi : “ Puisqu’il se met en dissidence par
rapport à l’autorité de l’Eglise dans des affaires graves et ne se
montre pas prêt à observer les règles de l’Eglise, celle-ci ne peut
lui accorder le droit d’enseigner en son nom. ”
La
désinformation de La Croix
Cette
double condamnation de la pratique de l’intercommunion (ou de la
communion interconfessionnelle) n’étonnera que ceux qui s’imaginent
que la doctrine de l’Eglise sur le sujet a changé ou peut changer. La
Croix, dans son numéro du 20 janvier, consacre un dossier à “ L’œcuménisme
au pays de Benoît XVI ”. La question de l’intercommunion est
longuement évoquée. Or il n’est fait aucune mention des condamnations
qui ont frappé Gotthold Hasenhüttl. N’est-ce pas là une
désinformation manifeste ?
Au
contraire, le journal catholique de référence fait semblant de croire
que, sur cette pratique de l’intercommunion, Benoît XVI pourrait faire
changer la position de l’Eglise : “ Des idées pour Benoît
XVI, catholiques et protestants allemands en ont. Depuis plusieurs
décennies, nombreux sont ceux qui souhaiteraient communier ensemble, tout
particulièrement les couples biconfessionnels qui représentent près de
la moitié des couples mariés. […] Le nouveau pape adressera-t-il un
signal fort à ses compatriotes ? Les théologiens allemands s’accordent
à lui reconnaître une très bonne expertise du dossier œcuménique. ”
À
l’évidence, le Magistère pontifical ne se réduit pas à une “ expertise ”
(au sens de “ compétence ”, si l’on comprend bien le
journal La Croix). La doctrine et la pratique de l’Eglise restent
que les protestants ne peuvent pas être admis à la communion catholique.
La communion de Frère Roger Schutz, fondateur de la communauté œcuménique
de Taizé, lors des obsèques de Jean-Paul II en avril dernier –
communion que lui a donnée le cardinal Ratzinger – a surpris. Pourtant,
elle n’a pas fait exception à la règle et à la doctrine de l’Eglise.
Elle a une autre explication.
Le
droit à la liberté religieuse
Dom
Basile Valuet, moine à l’abbaye bénédictine Sainte-Madeleine du
Barroux, a soutenu, en juin 1995, une thèse de doctorat en théologie
consacrée à “ La liberté religieuse et la Tradition
catholique ”. La thèse, publiée un mois plus tard, en 3 volumes,
avait été beaucoup commentée dans les milieux traditionalistes, mais
peu lue. La 2e version, revue et augmentée, publiée en 3
tomes (six volumes) en 1998, n’a guère été lue au-delà du cercle des
théologiens et des spécialistes.
Il
est heureux, et utile, de disposer désormais d’une édition abrégée
où Dom Basile Valuet a recueilli la substance des démonstrations de sa
thèse. Cette édition lui a permis aussi d’apporter des développements
à certains points.
On
ne prétendra pas résumer ici cet ouvrage de doctrine. L’auteur entend
répondre à la question suivante : “ La doctrine de Dignitatis
humanæ sur le droit à la liberté sociale et civile en matière
religieuse est-elle un développement doctrinal homogène effectué par le
magistère authentique dans la Tradition de l’Eglise ? ”.
Dans sa conclusion générale, il termine ainsi ses analyses
et démonstrations : “ L’Eglise ne fonde pas le
droit à la liberté religieuse sur l’indifférentisme individuel,
social ou étatique, mais sur la dignité de la personne humaine, et sur l’obligation,
le droit et la liberté de chercher la vérité qui en découlent. Et elle
ne fonde pas non plus ce droit sur la sincérité de la conscience du
sujet. Celle-ci est fin et non fondement… ”.
Fr.
Basile, o.s.b. Le droit à la liberté religieuse dans la Tradition de
l’Eglise, Editions Sainte-Madeleine (84330 Le Barroux), 676 pages,
39 euros. |