L’Eglise
catholique et le Téléthon
Comme
chaque année, pour la 20e fois, l’AFM (Association
française contre la myopathie) organise les 8 et 9 décembre prochains un
Téléthon, grande manifestation de charity business à l’américaine
où la télévision va relayer d’innombrables initiatives locales pour
récolter de l’argent en faveur des enfants myopathes et de la recherche
sur la myopathie.
L’Eglise
s’est souvent associée, dans le passé et aujourd’hui encore, à ces
manifestations, prêtant des églises pour des concerts, des locaux
paroissiaux pour d’autres initiatives, incitant ses fidèles à faire un
don au Téléthon ou à devenir bénévoles d’un jour pour cette
« grande cause ».
Cette
année pourtant, plusieurs évêques ont exprimé leurs inquiétudes ou
leur désaccord avec certaines méthodes et certaines finalités de la
recherche médicale menée avec l’argent du Téléthon. Mgr
Vingt-Trois, archevêque de Paris, a dit que les « catholiques ne
pouvaient pas donner un chèque en blanc » au Téléthon.
En
2004, la Cour des Comptes avait publié un rapport qui épinglait les
frais de fonctionnement trop élevés de l’AFM. Mais au-delà des
questions financières, ce sont des objections morales et doctrinales qui
doivent être faites. C’est la question de l’embryon qui est au cœur
de la controverse actuelle et aussi la question de la place de l’Eglise
dans la Cité.
Je
reproduis ici quatre documents qui, chacun à leur manière, éclairent la
question.
Une
interview du cardinal Barbarin
Le
samedi 2 décembre, le cardinal Barbarin était interrogé, en direct, sur
Europe 1 sur le récent voyage de Benoît XVI en Turquie puis sur les
objections de l’Eglise au Téléthon. Après avoir rappelé que l’origine
du Téléthon a été la mobilisation des familles d’enfants
myopathes, et tout en faisant l’éloge des élans de générosité et de
solidarité qui se manifeste en ces journées de collecte financière, l’archevêque
de Lyon a dénoncé les dérives de certaines recherches financées par l’argent
du Téléthon.
Il
a aussi fortement réaffirmé le droit pour l’Eglise de faire entendre
sa voix. Le président du Comité National d’Ethique, Didier Sicard,
avait affirmé la veille : « Elle [l’Eglise] a pleinement le
droit, tout à fait respectable, de considérer l’embryon humain comme
sacré. Mais elle n’a pas le droit d’en faire une manifestation
publique. » (Le Monde, 1er décembre 2006).
Je
reproduis ici, sans retouches, les propos tenus l’archevêque de
Lyon à ce sujet :
La
recherche sur les embryons… Arrêtez ces choses-là. Ce n’est pas
parce qu’elles sont légales qu’elles sont bonnes. « On a la
loi pour nous » dit-on. Nous, on dit : « Non ».
Les catholiques disent cela depuis toujours. Ce n’est pas parce que c’est
légal que c’est moral. Pour nous, l’embryon humain n’est pas une
chose. Un embryon, on ne peut pas le produire, on ne peut pas le
détruire, on ne peut pas l’utiliser, on ne peut pas le trier. Non,
non et non. Même si la loi le permet, il faut arrêter de faire çà.
Il y a beaucoup de donateurs qui le pensent. Cela met beaucoup de
donateurs dans une situation intérieure difficile.
Je
dis très haut et très fort que je veux soutenir les familles. À l’origine
du Téléthon, il y a quand même les familles qui se sont mobilisées
contre ce qu’il ne faut pas considérer comme une fatalité. Ils
veulent que leurs enfants vivent. Nous, on veut les soigner, les
guérir. Se battre pour le soin et se battre pour la guérison, ce n’est
pas tout à fait pareil que se mettre à trier les embryons, à les
utiliser et à les détruire comme si c’étaient des choses.
Un
communiqué du Dr Jean-Pierre Dickès, président
de l'Association Catholique des Infirmières et Médecins
Le
30 novembre 2006, l’A.C.I.M. (Association Catholique des Infirmières et
Médecins), qui entend être fidèle à l’enseignement de l’Eglise en
matière de morale, a publié un communiqué qui attire d’autant plus l’attention
que son président, le Dr Dickès, parle, sur ce sujet, non seulement en
tant que médecin et en tant que catholique, mais aussi comme père et
grand-père d’enfants myopathes.
J'écris
à la fois en tant que médecin et père d'un enfant myopathe décédé
maintenant il y a 8 ans à l'âge de 18 ans et grand-père d'un petit
myopathe. Lors de la découverte de la maladie de notre fils, il me fut
déclaré que par génie génétique un traitement allait être trouvé
dans les deux ans. 25 ans plus tard cet objectif n'a pas été réalisé.
Il s'est fait rapidement une dérive dans le cadre du Généthon
(alimenté par le Téléthon), dont le but est de tamiser les embryons par
le diagnostic pré-implantatoire (DPI), et d'affûter des armes pour le
diagnostic préalable in utero (DPN) afin de pratiquer des avortements
parfois même la veille de l'accouchement de l'enfant.
Si
bien qu'en pratique nos malheureux enfants servent de canard d'appel pour
obtenir de l'argent servant à éliminer d'autres myopathes.
Par
ailleurs le Généthon s'échine à trouver des moyens de traitement par
les cellules souches embryonnaires qui à ce jour n'ont jamais guéri
personne, ne donneront des résultats que dans 10 ou 20 ans, s'ils en
donnent. Pendant ce temps, nos enfants meurent. Or parallèlement "en
aval" des succès thérapeutiques nombreux ont été obtenus. Le plus
récent est du 15 novembre dernier (Le Figaro du 17 nov.). Une
équipe de Milan a guéri des chiens myopathes avec des cellules souches
dites adultes récupérées sur le chien même (allogreffe) ou sur d'autre
chiens (hétérogreffes).
Une
fois de plus l'AFM se trompe de chemin et trompe l'opinion publique.
Ajoutons
que Le Dr Dickès vient de faire
paraître avec sa fille, Godeleine Lafargue, docteur en philosophie, un
livre intitulé : L’Homme artificiel. Essai sur le
moralement correct (Editions de Paris, 304 pages, 29 euros). Ou
comment l’évolution des mœurs, des idées et des lois about
it
à un renversement qui est une transgression : « un enfant
quand je veux » (contraception), « un enfant si je
veux » (avortement), « un enfant comme je
veux » (sélection eugéniste). Une partie de la recherche
financée par le Téléthon relève de l’eugénisme.
Une
dépêche de l’agence Zénit
[L’Institut
de Bioéthique européen, installé à Bruxelles, confirme ce que dit le
Dr Dickès : la recherche sur les embryons n’a jamais débouché
sur une application thérapeutique. D’autres voies sont possibles.]
ROME,
Lundi 27 novembre 2006 (ZENIT.org) – Contrairement aux idées reçues,
il apparaît que les cellules souches adultes présentent un énorme
potentiel thérapeutique, ce qui ne semble pas le cas des cellules souches
embryonnaires, souligne le centre de Bioéthique européen, à Bruxelles (http://www.ieb-eib.org).
Dans
son principe, rappelle la même source, la thérapie régénératrice
repose sur l’utilisation de cellules souches, mères de tous les types
cellulaires de l’organisme. Tandis que le potentiel thérapeutique des
cellules souches embryonnaires apparaît toujours plus incertain, en
raison d’insurmontables obstacles biologiques, les cellules souches
adultes commencent à montrer des capacités étonnantes de réparation
des tissus malades, à la fois dans les modèles animaux et les premiers
essais cliniques.
C’est
pourquoi l’Institut affirme : « Il est d’autant plus important de
tenir compte des résultats récents obtenus dans ce domaine que, début
décembre, le 7eme programme cadre de recherche européen doit être
adopté définitivement en seconde lecture. Il est souhaitable qu’une
politique publique de financement de la recherche biomédicale tienne
compte des données actuelles de la science ».
Ainsi,
ajoute l’Institut de Bruxelles, le Parlement européen et le Conseil des
ministres ont l’opportunité de « promouvoir le développement d’une
recherche évitant toute transgression sur le plan éthique, tout en
offrant des perspectives réalistes sur le plan médical ».
Malgré
les sommes colossales investies, la recherche sur les cellules souches
embryonnaires n’a débouché sur aucune application thérapeutique,
constate l’Institut qui explique la raison de ce résultat : l’obstacle
majeur à toute application clinique réside dans l’effet tumorigène
des cellules souches embryonnaires injectées.
Les
cellules souches adultes, en revanche, affirme l’Institut européen de
bioéthique, ne présentent pas cet inconvénient : « Elles peuvent être
directement prélevées à partir du tissu adipeux du patient, de sa
moelle osseuse ou provenir d’une banque de sang de cordon ombilical.
Actuellement, des thérapies régénératrices utilisent ce type de
cellules avec succès. Le recours à cette technique a déjà permis de
"réparer" des lésions cardiaques, des foies atteints de
cirrhose ou de soigner des lésions graves de la moelle osseuse ».
ZF06112708
Abus
de confiance ?
[Article
paru dans l’hebdomadaire France Catholique, n°3045, le 3 novembre 2006.]
Les
bénévoles qui donneront généreusement de leur temps pour le
Téléthon, les téléspectateurs de France Télévision et les donateurs
de l'AFM ne sont pas conscients des dérives éthiques qui ternissent
l'événement. Mais que peut-on leur dire qui ne produise pas un effet
désastreux sur les consciences ?
Avec
trente heures de direct télévisé pour la première fois, le Téléthon
2006 n'entend pas rater son vingtième anniversaire, les 8 et 9 décembre
prochains. Le marathon emblématique de la générosité cathodique tient,
par-delà les modes, grâce à l'énergie de ses organisateurs.
L'association
française contre la myopathie (AFM) a été lancée par des parents
éprouvés et combatifs dont les enfants étaient frappés par la terrible
maladie. Ils ont importé le Téléthon des Etats-Unis à l'initiative de
Pierre Birambeau. Cette expérience typique de la charité-business
américaine, transposée avec le partenariat de France 2 en 1986, est un
succès immédiat. Les enfants dans leurs fauteuils roulants émeuvent les
téléspectateurs qui ouvrent largement leur cœur… Les
"stars" qui les présentent font le reste : les promesses de don
pleuvent, et grimpent chaque année. 104 millions d'euros ont été
récoltés lors de la dernière édition. Une somme qui fait de l'AFM le
partenaire incontournable de la recherche française. Cette puissance fait
grincer des dents, pas seulement par jalousie.
L'AFM
pèse dans le sens des recherches qu'elle préconise, et certains se
demandent si cette influence est saine. D'autres ont relevé l'étonnant
concept de "bénévole rémunéré" qui conduit la présidente
de l'association à percevoir un salaire mensuel de 5.900 euros.
Interrogée par Le Point en août 2005, Laurence Tiennot-Herment,
justifiait cette rémunération par son travail : "Qui fait les
déplacements dans les ministères, qui assure le lobbying, qui maintient
le dialogue avec le conseil scientifique ?"
Car
l'association ne se contente pas de lever et distribuer des fonds, elle
fait pression sur les décideurs. Lors du vote par le Sénat des
dernières lois bioéthiques, son président faisait parvenir à tous les
parlementaires les résultats de la consultation d'un "panel de
patients". Ce dernier réclamait l'expérimentation sur l'embryon et
le clonage à visée thérapeutique.
L'AFM
plaide pour que soient levées les barrières éthiques qui lui paraissent
entraver les progrès de la science. Elle est devenue un lobby scientiste
performant. Elle héberge depuis deux ans dans son Généthon le
professeur Marc Peschanscki. Ami du professeur Hwang jusqu'à la disgrâce
du fraudeur Coréen du clonage, c'est l'un des chercheurs français les
plus en pointe en matière… de transgression.
Il
a obtenu, en juin 2006, les premières autorisations de recherche sur
l'embryon humain et codirige la première équipe qui tentera d'obtenir
des lignées de cellules embryonnaires en France, légalement.
Comment
expliquer pareille dérive ? Si la souffrance a produit une magnifique
énergie chez les dirigeants de l'AFM, elle semble aussi avoir
anesthésié leur conscience, à moins que l'argent ne leur ait fait
tourner la tête. Depuis plus de dix ans le Téléthon présente comme des
succès de la science ses "bébéthons" issus du diagnostic
préimplantatoire. Sur le site Internet de l'AFM, une mère de famille qui
a perdu ses deux aînés de la maladie parle de la naissance de ses trois
petites filles valides comme d'une "victoire sur la malchance et sur
la mort" sans évoquer le tri embryonnaire dont ont été victimes
les frères ou sœurs écartés. Que répondre ?
Pour
les observateurs conscients que le respect de l'embryon est un enjeu de
civilisation, c'est un crève-cœur de devoir mettre en garde contre le Téléthon
: n'a-t-il pas mobilisé les Français en faveur des personnes
handicapées et amélioré le sort de beaucoup par des aides que personne
n'aurait pu financer ? C'est conscient du gâchis, que l'Alliance pour les
Droits de la Vie a lancé, il y a trois ans un "Comité pour sauver
l'éthique du Téléthon" qui regroupe des personnes malades refusant
les transgressions éthiques à prétexte thérapeutique. De son côté,
la Fondation Jérôme Lejeune continue d'alerter avec précision sur les
dérives de l'AFM. De nombreuses institutions chrétiennes – écoles et
même paroisses – ont cru qu'elles pouvaient s'investir en toute
confiance dans l'événement. Cette année, pour la première fois, un
diocèse, celui du Var, publie une mise en garde radicale :
« il n’est plus possible de participer au Téléthon ». |