L’“ insolence ”
de l’abbé Pierre
Le
dernier livre de l’abbé Pierre, en librairie le 27 octobre dernier,
a déchaîné, avant même sa parution, une nouvelle campagne médiatique
marquée du signe de la “ christianophobie ”, pour reprendre
l’expression de Michel De Jaeghere.
Pour
ce livre, l’abbé Pierre revendique le droit à l’ “ insolence ”.
Une insolence qui lui fait mêler aveux intimes et “ semences d’interrogation ”
sur plusieurs points de la doctrine catholique.
L’insolence
est aussi celle d’un prêtre qui, pour admirables qu’aient été
certains de ses engagements et son œuvre en faveur des plus démunis,
semble se servir de cette notoriété pour répandre des idées toutes
personnelles en matière doctrinale : “ de la part des
évêques comme de la part du Saint-Siège je n’ai jamais trouvé de
contradiction ” fanfaronne-t-il.
On
laissera de côté les confidences intimes sur le “ désir
sexuel ” : “il m’est arrivé d’y céder de manière
passagère. Mais je n’ai jamais eu de liaison régulière car je n’ai
pas laissé le désir sexuel prendre racine. Cela m’aurait conduit à
vivre une relation durable avec une femme, ce qui était contraire à mon
choix de vie” (page 26). Comme l’a dit Mgr Simon, archevêque de
Clermont : “ Depuis l’épisode évangélique dit ”de la
femme adultère”, nous sommes, et heureusement pour nous, délivrés d’avoir
à jeter la première pierre. ” L’aveu n’aurait pas dû sortir
du confessionnal et de la direction spirituelle.
On
passera aussi sur des spéculations plus qu’hasardeuses : “ Je
ne serais pas étonné qu’au cours de son pontificat Benoît XVI prenne
deux mesures jugées libérales : permettre aux divorcés remariés
de communier, et ordonner prêtre des ”anciens”, des hommes mariés
qui ont déjà élevé leurs enfants… ” (p. 35).
En
revanche, on peut bien interpeller l’abbé Pierre, et Frédéric Lenoir
qui a recueilli et mis en forme ses propos, le poussant, reconnaît-il,
“ dans ses retranchements ” :
•
l’abbé Pierre se déclare favorable à la reconnaissance légale (et
religieuse ?) des “ couples homosexuels ”, préférant
cependant le mot “ alliance ” à celui de mariage (p.
38) ;
•
il milite pour l’ordination sacerdotale des femmes ; estimant, avec
un bel aplomb, que Jean-Paul II et le cardinal Ratzinger “ n’ont
jamais avancé un seul argument théologique décisif qui démontre que l’accès
des femmes au sacerdoce serait contraire à la foi ” (p. 42).
L’abbé
Pierre, et son interlocuteur Frédéric Lenoir, ne se souviennent-ils pas
de la Lettre apostolique Sur l’ordination sacerdotale exclusivement
réservée aux hommes, signée par Jean-Paul II le 22 mai
1994 ? Ce rappel doctrinal était d’autant plus important qu’il
comportait, au jugement de beaucoup de théologiens, une note d’infaillibilité,
le pape affirmant : “ afin qu’il ne subsiste aucun doute sur
une question de grande importance qui concerne la constitution divine
elle-même de l’Eglise, je déclare, en vertu de ma mission de confirmer
mes frères (cf. Lc 22, 32), que l’Eglise n’a en aucune
manière le pouvoir de conférer l’ordination sacerdotale à des femmes
et que cette position doit être définitivement tenue par tous les
fidèles de l’Eglise. ” ;
•
dans une veine qui se rattache aux plus mauvais romans
ésotérico-religieux à la mode (Da Vinci Code), l’abbé Pierre
répond à la question : “ Jésus avait-il une relation
charnelle avec Marie-Madeleine ? ”. Il y répond, cette fois
encore, avec le mélange de candeur et de suffisance qui marque nombre des
pages de son livre : “ je ne vois aucun argument théologique
majeur qui interdirait à Jésus, le Verbe incarné, de connaître une
expérience sexuelle ” (p. 51) ;
•
deux pages plus loin, reprenant les arguments du P. Cerbelaud (sans le
citer), il s’inquiète de “ l’accumulation récente des dogmes
concernant Marie ” (p. 53). Il se refuse “ à croire tel
quel au péché originel ” et repousse les deux derniers dogmes
mariaux proclamés par l’Eglise : l’Immaculée Conception (1854)
et l’Assomption (1950).
Plus
largement, l’abbé Pierre se refuse à rendre un culte à la Vierge
Marie : “ je ne peux concevoir qu’on lui voue un véritable
culte, lequel finit chez certains par prendre plus de place que l’adoration
envers le Créateur ” (p. 55) ;
•
plus loin encore, il dénie tout “ caractère historique ”
aux premiers chapitres de la Genèse et n’y voit qu’un “ récit
mythique ” (p. 67) ;
•
sur l’Eucharistie, il dit vouloir tenir “ une voie médiane ” en
refusant tout à la fois la doctrine de la transsubstantiation et la
réduction de l’Eucharistie à un symbole (p. 76) ;
•
autre affirmation péremptoire : “ rien ne permet d’affirmer
que l’enfer existe, ou bien, ce qui revient au même, qu’il y ait un
seul damné dedans ” (p. 95). C’est un article du Credo que
l’abbé Pierre récuse.
•
enfin, dernière opinion toute personnelle de l’abbé Pierre : “ Pour
un chrétien, il y a donc nécessairement deux Révélations. Une
Révélation visible, explicite, celle de la Bible et de
Jésus-Christ ” et une “ révélation invisible – celle de
l’Esprit Saint ? – [qui] a inspiré les autres religions et le cœur
des hommes sans religion ” (p. 98-99). On en arrive, ici, à la
vulgarisation la plus simplificatrice, et plus qu’erronée, d’une
certaine théologie des religions qui s’est développée ces dernières
années.
L’abbé
Pierre instrumentalisé
D.I.C.I.,
le bulletin d’informations de la FSSPX, souvent bien informé, affirme
dans son numéro du 12 novembre que “ face aux déclarations
contraires à la foi catholique ” de l’abbé Pierre, “ l’épiscopat
français n’a émis aucune protestation solennelle. […] Seul le
supérieur du district de France de la Fraternité Saint-Pie X, l’abbé
Régis de Cacqueray, a émis une protestation énergique sur le site
officiel du district, La Porte Latine ”.
Cette
affirmation est fausse. Les réactions épiscopales n’ont pas
tardé.
Le
livre était disponible en librairie le 27 octobre. Le 1er
novembre, interrogé sur la radio Europe 1, Mgr Lalanne, porte-parole de l’épiscopat
a estimé : “ J’ai un peu peur qu’on l’ait
instrumentalisé et qu’on se soit servi de lui pour faire avancer
certaines thèses ”.
Le
lendemain, 2 novembre, dans une tribune libre parue dans Le Monde,
Mgr Simon, archevêque de Clermont, se disait scandalisé que l’abbé
Pierre et son livre aient servi de “ caution à l’exhibitionnisme
et au voyeurisme médiatiques ”. Et il dénonçait aussi l’alibi
du débat : “ on habille ces révélations d’un prétendu
débat autour de l’ordination d’hommes mariés ou de femmes. Mais, s’il
s’agissait vraiment de ces débats, ils pouvaient être menés pour
eux-mêmes. Et je n’aurais pas été scandalisé par le fait qu’un
journaliste sollicite et utilise les idées bien connues de l’abbé
Pierre sur ces points. Après tout, c’est de bonne guerre et l’on
aurait pu, en effet, en discuter. Pour ma part je ne refuse pas d’en
parler, mais sur le fond. Simplement, je croirais davantage à la bonne
foi de ceux qui prétendent en débattre s’ils prenaient la peine de
signaler un point de vue différent du leur. Je constate qu’il est
impossible de faire entendre un avis divergent. Alors qu’on ne vienne
pas me dire que les prétendues ”révélations” de l’abbé Pierre
sont là pour faire avancer le dossier. ”
Deux
jours plus tard, Mgr Ricard, archevêque de Bordeaux et président de la
Conférence des évêques de France, intervenait solennellement. Le 4
novembre, en ouvrant l'Assemblée plénière de l'épiscopat qui se tenait
à Lourdes, Mgr Ricard prononçait un éloquent plaidoyer en faveur du
célibat sacerdotal : “ Une Eglise qui se sent appelée, comme
chez nous en France, à devenir de plus en plus une Eglise de la première
évangélisation, implique tout particulièrement cette forme de
disponibilité et de consécration totale à la mission qui reproduit le
mode d'existence du Christ lui-même pour l'annonce du règne de Dieu. Il
est important de promouvoir et de défendre ce choix du célibat
sacerdotal. ”
Ce
choix – cet engagement – se heurte, a poursuivi Mgr Ricard, à “ un
environnement qui lui est hostile, y compris dans certains secteurs de
notre Eglise ”. Faisant référence au récent ouvrage de l’abbé
Pierre et à son “ exploitation médiatique ”, Mgr Ricard a
clairement dénoncé une manœuvre : “ Son propos est
instrumentalisé pour alimenter le procès contre l'Eglise et en faire une
arme de plus contre le célibat des prêtres. Tout est bon pour nourrir un
tel combat, que ce soit un scandale, des cas de pédophilie, des prêtres
qui ont des enfants ou qui se marient. ”
Le
milieu culturel et médiatique dominant – héritier de mai 68 et de la
“ libération sexuelle ” – ne supporte pas la
consécration totale, y compris physique, à Dieu. Mgr Ricard relève
justement que si le célibat ecclésiastique est tant brocardé et
critiqué, c'est parce qu' “ il vient dire qu'il n'y a pas
seulement l'usage du sexe dans la vie et que l'homme est appelé à savoir
maîtriser ses propres pulsions. Or, il y a là une interpellation que
notre société aujourd'hui a du mal à entendre et à accepter. ”
L’abbé
Pierre est donc, finalement, victime de sa propre “ insolence ”
revendiquée.
Diffusion
Ouvrages
de Jean Madiran
-
La
Trahison des commissaires, Consep, 2004, 65 pages, 10
euros.
-
Maurras
toujours là, Consep, 2004, 104 pages, 15 euros.
-
La
Laïcité dans l’Eglise, Consep, 2005, 153 pages, 18 euros.
Ouvrages
d’Yves Chiron
-
Pie
IX, pape moderne, Clovis, 1995, 524 pages, 18 euros.
-
Pie
IX et la franc-maçonnerie, Editions BCM, 2000, 22 pages, 4 euros.
-
Saint
Pie X, pape réformateur, Publications du Courrier de Rome, 1999,
365 pages, 18 euros.
-
Pie
XI, Perrin, 2004, 416 pages, 22 euros.
-
Le
Vatican et la question juive en 1941. Publication du rapport
Bérard, Editions Nivoit, 2000, 25 pages, 5 euros.
-
Padre
Pio le stigmatisé, Perrin, 2002 (3e édition
augmentée et mise à jour), 346 pages, 19 euros.
-
Veilleur
avant l’aube. Le Père Eugène de Villeurbanne, Clovis, 1997,
510 pages, 19 euros.
-
Enquête
sur les miracles de Lourdes, Perrin, 2000, 215 pages, 17 euros.
-
La
véritable histoire de sainte Rita, Perrin, 2003, 248 pages, 15
euros.
-
“ Diviniser
l’humanité ”. Anthologie sur la communion fréquente,
Préface du cardinal Medina Estevez, Editions de La Nef, 2005, 135
pages, 13 euros.
Commandes,
franco de port, à adresser à :
ALETHEIA - 16, rue du Berry - F36250 NIHERNE
Paiement à l’ordre de l’
“ Association Nivoit ” |