LA
FRATERNITE SACERDOTALE SAINT-PIE X ET L’ŒCUMENISME
Il
y a un an, la FSSPX rendait publique une étude critique consacrée à “ l’œcuménisme,
initié officiellement par Vatican II et promu par Jean-Paul II ”[1].
Cette étude s’inscrivait dans une suite de publications où la FSSPX,
de manière collective et officielle, entend exposer ses critiques des réformes
et des enseignements de l’Eglise depuis le concile Vatican II. Cette série
d’exposés doctrinaux a commencé en mars 2001 avec Le Problème de
la réforme liturgique. La messe de Vatican II et de Paul VI. Ont
suivi les symposiums et publications sur le concile Vatican II.
Par
cette série d’études doctrinales, on peut estimer que la FSSPX entend
montrer qu’elle n’est pas disposée à trouver seulement un accord
pratique avec les autorités du Saint-Siège pour “ régulariser ”
sa situation dans l’Eglise. Elle souhaite aussi obtenir du Saint-Siège
des “ clarifications doctrinales ”.Avec Le problème
de la réforme liturgique, la FSSPX réclamait la “ modification ”
ou l’ “ abrogation ” de l’Ordo Missæ
de 1969 (op. cit., p. 7) ; avec De l’œcuménisme à
l’apostasie silencieuse, la FSSPX réclame que le Saint-Siège “ renonce
clairement à cette utopie [l’œcuménisme] ” (p. 4).
Les
fidèles qui ont lu, ou qui liront, la dernière étude doctrinale de la
FSSPX, se doivent de lire la réponse, en plus de cent pages, que lui ont
faite un Père bénédictin du Barroux et un prêtre de la Fraternité
Sacerdotale Saint-Pierre[2].
Le
P. Basile Valuet met en cause la méthode d’argumentation de la FSSPX.
Premièrement, “ la FSPX amalgame des réalités différentes, ce
qui lui fait élaborer des pseudo-syllogismes, où le moyen terme change
de sens d’une prémisse à l’autre, ce qui interdit de conclure ”.
Deuxièmement, dans sa remise en cause doctrinale de l’œcuménisme du
Saint-Siège, la FSSPX cite comme ayant la même valeur et la même
autorité l’enseignement du Magistère (sans distinguer les “ divers
niveaux d’engagement ”) et les conceptions d’auteurs privés
(articles ou conférences de cardinaux).
Le
P. Basile Valuet relève aussi des citations sorties de leur contexte et
des contresens. Par exemple, sur l’ “ ignorance invincible ”
et la bonne foi tels que les entendait Pie IX (op. cit., p. 30-31).
L’abbé Lugmayr, lui, attire l’attention sur l’emploi de citations
tronquées ou encore sur l’absence de toute référence à
l’importante déclaration Dominus Iesus (6 août 2000) sur
l’unicité et l’universalité salvifique de Jésus-Christ et de
l’Eglise.
Hormis
ces critiques méthodologiques, la critique de fond faite par le P. Basile
Valuet consiste à démontrer qu’en matière d’œcuménisme le magistère
de Vatican II ne contredit pas le magistère antérieur, “ il en précise
la pensée et l’expression ” (op. cit., p. 28). Pour ce faire,
plutôt que de critiquer pas à pas le document de la FSSPX, le P. Basile
Valuet relit les enseignements du Magistère, depuis Boniface VIII, sur le
salut par l’appartenance à l’Eglise. Et, en parallèle, il cite et
critique les analyses qu’en a fait la FSSPX dans son étude.
On
ne résumera pas ici, plus avant, les démonstrations du P. Basile Valuet
ni celles de l’abbé Lugmayr. Le lecteur de bonne foi devra lire et
l’acte d’accusation de la FSSPX et l’acte de défense du P. Basile
Valuet et de l’abbé Lugmayr.
Le
P. Basile Valuet considère la FSSPX comme composée de “ dissidents ”
(op. cit., p. 90), il souhaite l’ouverture d’un “ dialogue théologique
oral ” avec elle. L’avantage d’un “ dialogue théologique
oral ” peut résider dans l’immédiateté de la confrontation des
arguments. Par son caractère non public, il peut permettre aussi d’éviter
la surenchère, dans un sens ou dans l’autre.
Mais
on doit convenir que si une telle controverse, orale ou écrite, existe,
c’est que l’enseignement magistériel peut prêter à équivoque. Il
n’est pas obvie. On l’a bien vu avec l’anaphore d’Addaï et Mari,
déclarée valide par le Saint-Siège en 2001, bien qu’elle ne contienne
pas les paroles de la consécration. La FSSPX y voit la “ reconnaissance ”
d’un rite d’origine non catholique. Le P. Basile Valuet, lui, estime
qu’une telle reconnaissance est un “ fait dogmatique qui, de soi,
concerne toute l’Eglise, et où par conséquent on serait téméraire de
penser que l’infaillibilité de l’Eglise n’est pas engagée. Tout
doute sur la vérité ainsi déclarée par la décision du Pontife Romain
risquerait donc de s’opposer aux exigences de la foi ” (op. cit.,
p. 89).
Nonobstant
cette appréciation du P. Basile Valuet, on remarquera que cette
acceptation de l’anaphore d’Addaï et de Mari par le Conseil
Pontifical pour l’Unité des chrétiens a donné lieu à une controverse
qui a dépassé les limites du petit monde traditionaliste. C’est au
sein même du Vatican, qu’une revue de théologie prestigieuse, Divinitas,
a consacré, récemment, tout un numéro spécial, près de 300 pages, au
sujet[3]. Sous la direction de
Mgr Gherardini, théologiens, exégètes et historiens ont confronté
leurs points de vue contradictoires, en douze études.
Cette
question de l’anaphore d’Addaï et de Mari renvoie au problème plus général
de l’univocité de nombre des textes magistériels et des décisions
disciplinaires depuis le concile Vatican II ; en matière d’œcuménisme
comme en d’autres domaines. On se ralliera volontiers au jugement de
l’abbé Bernard Lucien : “ La crise de l’Eglise tient sans
doute à un manque d’intervention vigoureuse de l’autorité magistérielle,
et parfois même, de la part de certains membres de l'Eglise enseignante,
à des affirmations ou à des attitudes proprement scandaleuses, voire hétérodoxes…
Mais elle tient aussi, très profondément, au mépris de la vérité
doctrinale, à l’absence d’amour de la vérité, répandus de façon
endémique dans le peuple de Dieu, à tous les échelons. (…) il abonde
tout autant parmi les “traditionalistes“, toutes obédiences
confondues, que chez ceux qui acceptent sans réserves Vatican II ou le Nouvel
Ordo Missæ. Sans nous aveugler sur ce qui se passe alentour,
n’oublions pas aussi de balayer devant note porte ”[4].
Nouveautés
romaines
.
Inter Arma Caritas. L’Ufficio Informazioni Vaticano per i prigionieri di
guerra istituito da Pio XII (1939-1947), Città del Vaticano, Archivio
Segreto Vaticano, 2004, deux volumes, 1.472 pages.
Dès
le début de la Seconde Guerre mondiale, Pie XII décida de créer un
“ Bureau d’informations ” destiné à mettre en
relations, principalement postales, les prisonniers de guerre ou les
internés civils et leur famille. Ce Bureau fut placé sous la dépendance
de la IIe section de la Secrétairerie d’Etat, dirigée par Mgr
Montini (le futur Paul VI). Mgr Evreinoff fut chargé d’organiser et
de diriger ce nouvel organisme pontifical. Au fil des mois et des années,
des millions de demandes de renseignements vont parvenir au Vatican, en
provenance du monde entier. Le Bureau d’informations comptera plus de
800 employés et fonctionnera jusqu’en 1947, c’est dire s’il
s’est encore soucié du sort des prisonniers de guerre et des internés
civils une fois la IIe Guerre mondiale terminée.
Le
Bureau a mis à contribution tout son personnel diplomatique en Europe
et ailleurs (nonces, délégués apostoliques) mais aussi, de manière générale,
les évêques des pays ou des régions concernées, les autorités
locales des ordres religieux, les aumôniers des camps, les grands
organismes caritatifs (notamment la Croix-Rouge), et les gouvernements
eux-mêmes. Ceux-ci, généralement, acceptèrent de répondre aux
demandes de renseignements du Saint-Siège, mais, souvent aussi, le
sollicitèrent pour ses ressortissants.
L’immense
activité de ce Bureau d’informations était déjà connue par
diverses publications, notamment la grande série des Actes et
documents du Saint-Siège relatifs à la Seconde Guerre Mondiale. Mais
il manquait un inventaire systématique des fonds disponibles aux
Archives Secrètes Vaticanes. C’est chose faite avec cette belle
publication réalisée sous la direction de Mgr Sergio Pagano.
Un
premier volume contient l’inventaire complet du fonds conservé :
2.349 références, soit 556 cartons d’archives, 108 registres
et 1.685 grosses enveloppes. Un second volume contient un large choix de
documents ; près de six cents, tous publiés intégralement :
des lettres de prisonniers, des lettres d’officiels (ecclésiastiques
ou civils) demandant ou donnant des renseignements sur des internés,
des rapports émanant des représentants diplomatiques du Saint-Siège
(47 au total, en provenance de tous les pays en guerre et concernant les
différents époques de la guerre). Un index des noms, des personnes et
des lieux, de près de trois cents pages, permet une recherche rapide.
Il
s’agit là d’une documentation exceptionnelle dont on espère
qu’elle sera plus vite connue et utilisée par les historiens que ne
l’ont été les douze volumes des Actes et Documents du Saint-Siège
relatifs à la Seconde Guerre mondiale, publiés à partir de
1965 et aujourd’hui pourtant encore ignorés de certains
d’historiens qui écrivent sur la période.
.
Harold H. Tittmann, Il Vaticano di Pio XII. Uno sguardo
dall’interno, Milan, Casa Editrice Corbaccio, 2005, 231 pages.
Tittmann,
diplomate américain, fut chargé d’affaires auprès du Saint-Siège
pendant la Seconde Guerre mondiale, comme assistant de Myron Taylor,
représentant personnel du président Roosevelt auprès de Pie XII.
L’action et les jugements de Taylor sont connus, à travers sa
correspondance, depuis l’étude d’Ennio Di Nolfo, publiée en 1978.
Voici maintenant, préparée le fils d’Harold Tittmann, l’édition
des souvenirs du chargé d’affaires américain. Un témoignage
important, équilibré, sur le rôle et l’action de Pie XII entre 1939
et 1944.
Anonymat
et bonnes intentions ?
Le
n° 69 d’Aletheia était une mise en perspective historique de la
crise qui secoue la FSSPX. Y était soulevée aussi l’hypothèse d’une
réforme des statuts de la FFSPX qui pourrait avoir lieu lors de son
Chapitre général qui se tiendra en 2006. Ce dernier point était formulé
comme une hypothèse, historique aussi, et non comme un souhait ;
encore moins comme la propagation d’une rumeur. C’est bien ainsi que
l’avaient compris les autorités de la FSSPX en France qui ont reproduit
ce numéro sur leur site internet officiel, la Porte Latine.
Pourtant,
après ce n° 69, et après le n° 70, qui était consacré au congrès
sur la laïcité et à la situation de l’abbé de Tanoüarn, un prêtre
de la Fraternité Saint-Pie X a cru nécessaire de me joindre au téléphone
pour se livrer, “ off the record ” (selon son expression),
à des commentaires sur la crise de la FSSPX. Mon interlocuteur, qui
exerce certaines responsabilités au sein de la FSSPX, me suggérait de
reproduire ses analyses dans cette modeste lettre, sans citer son nom.
Ses
commentaires étaient contradictoires, mal informés sur plusieurs points,
et mon interlocuteur portait des jugements par trop dévalorisants sur les
autorités de la FSSPX et sur les deux partis en présence. Aussi je
m’abstiens de reproduire ces propos, comme je m’abstiendrai à
l’avenir d’évoquer à nouveau cette crise de la FSSPX.
L’anonymat
est rarement une nécessité impérative, il est souvent un manque de
courage intellectuel et un moyen commode d’échapper à la critique
voire au procès. Le site www.les.infos.free.fr, le site le plus
riche et le plus complet sur la crise en cours (reproduisant des documents
de l’un et l’autre bord), en fait les frais. Il a publié, par souci
d’information, un texte, anonyme, mettant en cause Bernard Callebat, un
des experts en droit canonique consultés par la FSSPX lors de la crise
bordelaise. La menace de poursuite judiciaire, pour diffamation, a conduit
le responsable des infos.free.fr à suspendre son site.
Depuis
plusieurs mois, pour certains, la vie des catholiques de Tradition semble
se réduire aux commentaires sur la crise interne à la FSSPX. C’est
injuste à l’égard de cette Fraternité Saint-Pie X qui, en France,
veut, tout à la fois, recentrer ses prêtres sur leur vie communautaire
et spirituelle, continuer sa critique doctrinale du Magistère depuis
Vatican II et inciter les laïcs à s’engager dans les combats
temporels.
Hors
de la FSSPX, l’action et la réflexion se poursuivent aussi. En témoigne,
par exemple, la publication d’une nouvelle revue, Oremus, dirigée
par Bruno Nougayrède, de la Nef, et Loïc Mérian, fondateur du
C.I.E.L. (Oremus, 24 avenue Victor Dalbiez, 66000 Perpignan, 4
euros le numéro). Le numéro 2 contient, notamment, un bilan, pour 2004,
du motu proprio Ecclesia Dei. Ce bilan tient compte, pur la première
fois, aussi bien des communautés Ecclesia Dei que de la
FSSPX. Ce qui donne les résultats suivants : 62 % des diocèses français
ont une messe traditionnelle au moins hebdomadaire ; ce chiffre monte
à 84 % si l’on tient compte des messes célébrées “ sans
accord ecclésial ” (i.e. par la FSSPX ou les communautés
religieuses liées à elle).
Avis
.
Je remercie ceux qui, en France et à l’étranger, communautés
religieuses, prêtres, simples fidèles et bibliothèques contribuent, par
un soutien financier, à l’impression et à l’envoi de cette modeste
feuille, quinze fois l’année. La générosité régulière de certains
ne peut faire oublier l’indifférence des autres. Qui plus est, chaque
semaine désormais, de nouveaux lecteurs demandent à recevoir cette
lettre d’informations. La liste des envois semble pouvoir s’allonger
indéfiniment (et donc, les coûts de fabrication et d’envoi croître
sans cesse). Aussi, sans rompre avec le principe de la gratuité qui est
une des conditions de notre liberté, à partir du prochain numéro – n°
72 –, Aletheia ne sera plus envoyée, sauf demande expresse
contraire, aux revues et publications qui, jusque-là, la
recevaient en Service de Presse. Il sera loisible à ces revues et
publications de continuer à consulter, gratuitement, Aletheia sur
le site www.aletheia.free.fr.
.
Les deux derniers ouvrages de Jean Madiran sont toujours disponibles
à nos bureaux :
-
Maurras
toujours là (Consep, 2004, 104 pages, 15 euros franco) ;
-
La
Trahison des commissaires (Consep, 2004, 67 pages, 10 euros
franco).
Association
Nivoit, 5 rue du Berry, 36250 Niherne (France) |