Mgr
Rey : “ On ne peut être catholique et franc-maçon ”
Après
la claire intervention de Mgr Brincard, évêque du Puy, en 2002[1],
un nouvel évêque français, Mgr Rey, évêque de Fréjus-Toulon,
rappelle la position traditionnelle de l’Eglise sur la franc-maçonnerie
et explique pourquoi l’appartenance à la franc-maçonnerie est
interdite aux catholiques. Il le fait dans un long entretien à la revue La
Nef, en conclusion d’un important dossier qu’il avait suggéré
lui-même à la revue de réaliser.
Mgr
Rey explicite trois raisons principales qui rendent condamnable la
franc-maçonnerie au regard de la doctrine catholique :
-
Elle diffuse un enseignement de type gnostique : “ Elle
prétend donner à ses adeptes une formation ésotérique, enseignement
secret qui révèlerait le sens caché de l’univers. Tous les rituels
font miroiter aux yeux des initiés l’acquisition d’une soi-disant “ Tradition
primordiale ”, et d’une “ Lumière ”
qui, au mieux, est celle de l’intelligence humaine, mais en aucun cas
celle de la Transfiguration en Christ ”.
-
“ Le maçon soutient le primat et l’autonomie de la raison par
rapport à toute vérité révélée ”.
-
“ Elle rejette tout dogme. Elle prône le relativisme, au prétexte
de la tolérance absolue. Relativisme religieux qui met toutes les
religions sur le même plan, les considérant comme des tentatives
concurrentes pour exprimer la vérité sur Dieu qui, en soi, est
inatteignable. […] D’autre part, la franc-maçonnerie prône le
relativisme moral. Aucune règle morale n’est pour elle d’essence
divine, donc intangible. La morale doit évoluer au gré du consensus des
sociétés ”.
Dans
son entretien avec Christophe Geffroy, Mgr Rey ne s’en tient pas à l’analyse
doctrinale et à la mise en lumière des principes erronés et dangereux
de la franc-maçonnerie. Il est lucide sur l’influence de la
franc-maçonnerie dans la société française : “ Par l’entremise
de cercles de pensées et de réseaux d’influence, bien des projets de
lois votés par le Parlement ont été préparés dans le silence du
temple. ”
D’autres
points de cet entretien de trois pages mériteraient d’être relevés,
notamment quand, parmi les “ réponses pastorales pertinentes ”
à la franc-maçonnerie, l’évêque de Fréjus-Toulon invite les
catholiques “ à investir le vaste champ politique, comme le
rappelle si souvent le pape Jean-Paul II, à inventer de nouveaux modes d’apostolat
sur des terrains autrefois occupés par les mouvements de type Action
catholique, mais qui sont aujourd’hui déserts. ”
Le
constat sur le “ désert ” et les nécessaires “ nouveaux
modes d’apostolat ” ouvre la perspective sur la mission des
laïcs. Vaste question où Mgr Rey, là aussi, fait preuve d’une
lucidité réconfortante qui tranche avec les discours convenus de l’épiscopat
français.
Le
dossier de 12 pages sur la franc-maçonnerie comprend les articles
suivants [2] :
.
Michel Toda, La franc-maçonnerie hier et aujourd’hui.
.
Yves Chiron, Les rituels francs-maçons.
.
Paul Airiau, L’Eglise et la franc-maçonnerie.
.
Michel Toda, Les chimères du Père Riquet.
.
Entretien avec Mgr Dominique Rey : “ On ne peut être
catholique et franc-maçon ”.
Pour
l’honneur de Jean Borella et d’Emile Poulat
Plusieurs
revues, relayées ou inspirées par des folliculaires internautiques,
répandent la rumeur qu’Emile Poulat aurait des accointances avec la
franc-maçonnerie. C’est sa direction de la revue Politica Hermetica
et son dernier livre, Notre laïcité publique (Berg International,
2003), qui ont suscité cette campagne où l’amalgame rivalise avec l’approximation.
Comme je l’ai déjà relevé[3],
d’autres collaborateurs de Politica Hermetica ont eux
aussi été mis en cause, leur point commun serait d’être “ souvent
lié à la franc-maçonnerie ” (on appréciera l’imprécision !),
et parmi eux, Jean Borella, collaborateur éphémère de P.H.
Le
bon et sérieux dossier de La Nef sur la franc-maçonnerie est l’occasion
de prendre à nouveau la défense de ces deux auteurs qui sont aussi des
lecteurs bienveillants et attentifs d’Aletheia. Une rumeur non
démentie ou une insinuation répétée deviennent des fausses vérités
que l’on croit établies.
Jean
Borella, philosophe et chrétien, a été un lecteur attentif et critique
de René Guénon. Sa recherche spéculative l’a amené à produire des
ouvrages importants sur le symbolisme, l’ésotérisme et le surnaturel.
On peut contester certains aspects de sa pensée[4].
Mais laisser croire qu’il est franc-maçon est une calomnie et une
mauvaise action. À la suite de ma précédente évocation de cette
affaire, le Professeur Borella m’avait adressé une lettre dont je crois
utile de reproduire la claire affirmation suivante :
Les
insinuations de Ch. Lagrave concernant mon éventuelle appartenance à la
F.M. sont évidemment fausses. La seule “ organisation ” à
laquelle j’ai appartenu et appartiens toujours, c’est l’Eglise
catholique, apostolique et romaine. Et, s’il plaît à Dieu, je lui
appartiendrai toujours. Je me suis intéressé à la F.M., à son histoire
et un peu à sa symbolique. Mais je n’ai jamais remis en cause
les condamnations de Rome à son encontre.
Émile
Poulat, lui, a protesté, auprès de deux revues qui le mettaient en
cause, par des lettres qui apportent des rectifications et précisions
propres à faire taire les calomnies. On aimerait que les revues en
question publient, par honnêteté intellectuelle, les lettres d’Emile
Poulat. Il écrit, entre autres affirmations claires : “ je n’ai
et je n’ai jamais eu aucun lien, aucune accointance avec la
franc-maçonnerie ”.
Émile
Poulat, dans une de ces lettres, revient aussi sur la question de la
laïcité et de la loi dite de séparation de l’Eglise et de l’Etat du
9 décembre 1905. À l’approche du centenaire de cette loi, il n’est
pas inutile de citer l’état factuel de la question qu’il
dresse en réponse à un de ses contradicteurs[5] :
Cette
loi dite de “ séparation ”, qui l’a lue dans son texte
publié au Journal officiel et aujourd’hui introuvable en
librairie ? A-t-elle été condamnée ? Oui, par Pie X trois
fois, et une fois par Pie XI en 1924. La condamnation a-t-elle été
levée ? Non. L’interdit jeté par Pie X sur les associations
cultuelles a-t-il été levé ? Oui, par Pie XI en 1924, au terme de
longues négociations et sous la forme d’associations diocésaines. La
loi de 1905 est-elle modifiable ? Oui, et déjà une dizaine de fois,
la dernière en 1998. Ces modifications ont-elles été condamnées.
Non : un modus vivendi jugé satisfaisant à Rome et en France
a donc été trouvé dans le cadre d’une loi qui reste condamnée, mais
dont la plus grande partie se trouve désormais sans objet et dont le
reste a été amendé, interprété ou complété. La réalité qui nous
gouverne, c’est le régime issu de cette loi, et d’autres,
régime qui, lui, n’a pas été condamné. Le mot séparation lui-même
ne figure dans aucun texte de loi et n’a aucune valeur légale :
seulement rhétorique.
Sur
cette question de la laïcité, le premier mérite d’Emile Poulat est d’être
allé aux faits. Comme il l’a fait, depuis quarante ans, dans ses
travaux sur le modernisme, sur l’intégrisme et sur l’antilibéralisme
de l’Eglise. Ces travaux sont devenus des ouvrages de référence,
salués aussi bien dans le milieu historique universitaire que dans les
milieux traditionalistes (ou “ intransigeants ” comme disent
les Italiens et Emile Poulat). Pourquoi, aujourd’hui, dans une frange de
ces mêmes milieux traditionalistes, jette-t-on le soupçon voire la
calomnie sur cet auteur ? N’est-ce pas là une preuve de plus
de l’affaissement intellectuel qui touche tous les milieux, y compris
les milieux traditionalistes ?
Mises
au point sur Fatima (suite)
Les
“ Mises au point sur Fatima ” publiées dans un récent
numéro d’Aletheia (n° 65, 21 novembre 2004) ont suscité des
réactions diverses. Philippe Maxence, rédacteur en chef de L’Homme
Nouveau, me précise que le débat sur la question reste ouvert dans
les colonnes de son journal, qui a publié, depuis, des courriers de
lecteurs, contradictoires, sur le sujet[6].
M.
l’abbé Aulagnier, directeur du site item.snoozland.com, rappelle
qu’il avait publié un dossier sur le sujet et il a reproduit mon
article du 21 novembre en le résumant ainsi : “ L’article d’Yves
Chiron se veut apaisant et nous encourage à nous “reposer sur nos deux
oreilles“. […] “Peuples, dormez en paix ! Rien de “ méchant ”
ne se prépare à Fatima “ ”.
Le
cher abbé, outre qu’il invente des expressions d’un langage familier
que je ne permettrais pas d’utiliser dans un écrit, fait un résumé
par trop cavalier de mes analyses.
Un
lecteur belge, lui, m’accuse de vouloir “ cacher ” (sic)
à mes lecteurs un article de Nouvelles de chrétienté (n°
89, septembre-octobre 2004), article de Vincent Garnier “ Les
hindous à Fatima ”[7].
Loin de moi l’idée de cacher quelque article que ce soit sur le sujet.
Mais, je n’ai pas vocation, ici, à établir des bibliographies
exhaustives.
Depuis,
le dossier s’est enrichi d’une nouvelle pièce, une nouvelle “ mise
au point ” publiée par Jeanne Smits dans le quotidien Présent,
le 4 décembre dernier. Cette fois, elle publie le texte d’un
communiqué, important, de Mgr Serafim de Sousa Ferreira, évêque de
Leiria-Fatima, qui sonne comme un “ désaveu ” de ce qui s’est
passé à Fatima le 5 mai dernier.
Pour
clarifier la controverse, qui a pris une dimension internationale, et qui
porte sur plusieurs points, on peut, je pense présenter les faits en
trois étapes en les plaçant sous leur vrai jour :
-
un congrès interreligieux a bien eu lieu à Fatima en octobre 2003.
Déjà, au moment des faits, la FSSPX avait mobilisé ses prieurés et ses
écoles pour faire prier contre ce “ nouveau scandale d’Assise ”.
L’honnêteté pourtant commande de ne pas assimiler les deux
événements. À Assise, en 1986, il y eut une réunion interreligieuse,
à l’initiative et en présence de Jean-Paul II, pour prier,
séparément. À Fatima, il y a eu un congrès d’études, organisé par
le sanctuaire, en présence de diverses hautes autorités
ecclésiastiques, mais cela ne s’est point fait à l’initiative du
Saint-Siège ni sous son patronage. On doit convenir que plusieurs des
interventions faites au cours de ce congrès étaient en contradiction
flagrante avec la doctrine catholique mais aussi que les déclarations
faites en la circonstance par le P. Guerra, recteur du sanctuaire, ont
été déformées.
-
Un groupe hindou (et non bouddhiste, comme l’écrit par détraction une
des publications citées) est venu en pèlerinage à Fatima le 5 mai
dernier. Des participants ont pu accéder à l’autel de la Chapelle des
Apparitions. Mais, a précisé plus tard le recteur du sanctuaire :
“ Le prêtre [hindou] a chanté une prière pendant quelques
minutes. Il n’a fait aucun geste, n’a effectué aucun rituel sur ou en
dehors de l’autel. ” C’était une prière pour la paix. Même
ramené à cette dimension, l’événement reste choquant (on peut en
voir des images sur le site du mensuel catholique américain Catholic
Family News : www.oltyn.com). Et c’est lui qui,
semble-t-il, a suscité la plus grande réprobation du Saint-Siège[8].
-
La construction d’un nouveau sanctuaire a bien commencé à Fatima. Ni
la chapelle construite sur le lieu des apparitions ni la basilique
actuelle ne seront détruites ou abandonnées, le troisième édifice
cultuel en construction est dédié à la Sainte Trinité. Reste un point
à éclaircir, signalé par Jeanne Smits dès son article du 28 août et
rappelé, à juste titre, par M. l’abbé Aulagnier dans son dernier
article sur le sujet : un autre bâtiment, appelé “ Centre
Paul VI ”, sera construit face à la nouvelle église. Il sera
voué, dit le projet, à la “ documentation interreligieuse ”.
Le mot peut recouvrir des choses très diverses. Si le futur Centre Paul
VI organisait des réunions interreligieuses, et non pas de simples
colloques ou congrès, il y aurait un risque de confusion très
dommageable pour la foi. |
[1]
Mgr Brincard, “ Il faut combattre la franc-maçonnerie ”,
entretien accordé à Radio-RCF-Le Puy, reproduit intégralement dans Aletheia,
n° 28, 16 avril 2002.
[2]
La Nef (B.P. 48, 78810 Feucherolles), n° 155, décembre 2004, le
numéro 6 euros.
[3]
Aletheia, n° 62, 18 septembre 2004, p. 2-3.
[4]
Son premier livre, La Charité profanée, publié en 1979, aux
Editions du Cèdre du regretté abbé Lefèvre, avait fait l’objet de
deux longues recensions louangeuses, et parfois questionnantes, de Louis
Salleron et de Marcel De Corte dans Itinéraires (n° 234, juin
1979, p. 209-218, — photocopie à la disposition des lecteurs qui le
souhaiteraient). Quelques années plus tard, j’ai publié un long
entretien avec Jean Borella sur ce livre, et sur d’autres sujets, dans
la revue L’Age d’Or (n° 5, 1986, p. 16-27, — photocopie à
la disposition des lecteurs qui le souhaiteraient). L’abbé Basilio
Meramo, de la FSSPX, a publié, lui, Les hérésies de la Gnose du
professeur Jean Borella, Editions les Amis de St François de Sales
(C.P. 2016 — 1950 Sion 2, Suisse), 1996, une brochure de 42 pages
préfacée par Mgr Tissier de Mallerais.
[5]
Arnaud de Lassus, “ Emile Poulat et la laïcité ”, Action
Familiale et Scolaire (31 rue Rennequin, 75017 Paris), n° 175,
octobre 2004.
[6]
L’Homme nouveau, 10 rue Rosenwald, 75015 Paris, 4 euros le
numéro.
[7]
Nouvelles de Chrétienté, Etoile du Matin, 57230 Eguelshardt, 3,50
euros le numéro.
[8]
Depuis septembre, la presse portugaise évoque un prochain remplacement du
P. Guerra et de l’évêque de Fatima, remplacements que le Saint-Siège
aurait instamment demandés. |