Un
nouveau livre de Jean Madiran
Jean
Madiran interpelle les évêques de France
Le
titre – La trahison des commissaires – rappelle la célèbre Trahison
des clercs de Julien Benda. Le mot “ commissaires ” peut
sembler renvoyer aux systèmes idéologiques totalitaires et à leur “ police
de la pensée ”, mais il peut aussi être pris à la
lettre, au sens étymologique : “ personne chargée d’une
mission publique ou privée ”. En effet, c’est la Commission
doctrinale de la Conférence des évêques de France que Jean Madiran
interpelle.
Cette
Commission doctrinale est de création récente dans l’histoire de l’Eglise
de France. Elle est une des formes qu’a prises l’exercice collégial
du ministère épiscopal. Jean Madiran fait remarquer d’emblée :
“ L’institution récente de commissaires doctrinaux dans l’Eglise
de France n’avait pas pour but, en tout cas elle n’eut pas pour effet
de rectifier les erreurs et de corriger les dérives ”.
Jean
Madiran en fournit une démonstration, d’une acuité sans pareille, en
examinant, l’une après l’autre, les trois interventions de la
Commission doctrinale au cours des quatre premières années du XXIe
siècle : le communiqué qui a approuvé la nouvelle traduction de la
Bible publiée aux éditions Bayard (août 2001), la note doctrinale sur
le film La Passion de Mel Gibson (mars 2004) et celle qui a
critiqué et approuvé à la fois l’émission télévisée L’origine
du christianisme (mars 2004).
Ce
que la Commission doctrinale enseigne ou valide officiellement par ces
déclarations est une “ nouvelle religion ” estime Jean
Madiran. Une religion chrétienne qui ne se veut plus “ une
vérité révélée par Dieu à son Eglise ” (p. 10).
La
Bible éditée chez Bayard, par ses traductions nouvelles et par ses
annotations critiques, a répandu dans un très vaste public des “ extravagances
hypercritiques et négationnistes ”, notamment celle qui distingue
entre le “ Jésus de l’histoire ” et le “ Jésus de
la foi” .
Jean
Madiran, qui est le contraire d’un esprit manichéen, reconnaît que
deux évêques ont, plusieurs mois après le communiqué de la Commission,
jugé très sévèrement cette Bible : Mgr Guillaume, évêque de
Saint-Dié, dans un article paru au début de l’année 2002[1],
et Mgr Cattenoz, archevêque d’Avignon, dans un message pastoral à ses
diocésains. “ La Bible Bayard est une œuvre littéraire, elle n’est
pas une Bible chrétienne, encore moins catholique ” a dit le
premier, “ Non, cette Bible n’est pas celle de l’Eglise ! ”
a déclaré le second.
Mais
ces deux interventions, isolées, ne furent suivies, remarque Madiran, d’ “ aucune
mise au point rectificatrice ”. La Bible Bayard continue à être
diffusée avec l’affirmation que son appareil hypercritique et
négationniste “ permet d’inscrire cette traduction dans la
tradition vivante de la foi catholique ” (termes employés par la
Commission doctrinale).
La
note doctrinale sur les émissions de Prieur et Mordillat consacrées à L’origine
du christianisme est tout aussi terrible pour les chrétiens. Elle
disserte sur le “ conflit d’interprétations ” (lecture
juive/lecture chrétienne) et affirme : “ Que l’une ait
raison n’entraîne pas que l’autre ait tort ”.
Jean
Madiran s’indigne de cet abandon : “ [La Commission]
abandonne le public au milieu des “difficultés“ qu’elle lui a
retransmises. Elle ne donne aucun repère, allant jusqu’à recommander
“ces émissions“… ”.
À
force de “ questionnement ”, on se demande s’il y a encore
des certitudes chez ceux qui ont rédigé cette Note doctrinale. On nous
dira que la Commission doctrinale n’est pas l’expression unique et
univoque de l’épiscopat français et l’on mettra en contrepoint les
deux déclarations épiscopales citées plus haut. Mais ce que Madiran
appelle “ l’unité de façade ” est maintenu. Il y a
parfois des réactions individuelles, il y a aussi des corrections
subreptices[2], mais il n’y
point de rétractation ou de clarification officielles.
Au-delà
du texte de ces trois documents officiels de la Commission doctrinale de l’épiscopat
français, Jean Madiran pointe avec une acribie sans pareille cette
nouvelle religion qui s’est répandue et se répand : “ Du
rang de vérité révélée, enseignée au nom de Dieu avec une rigueur
dogmatique impliquant des exigences morales inébranlables, la religion
catholique en France, dans ses expressions officielles, est en train de
glisser à celui de mythe fondateur d’une idéologie humanitaire
accompagnant souplement la diversité évolutive des consciences
individuelles. ”
Ce
nouveau livre de Jean Madiran est “ une réclamation qui s’adresse
principalement à la hiérarchie catholique ”. Sera-t-elle
entendue ? Le livre sera-t-il même lu par ceux à qui il s’adresse
en premier ? Depuis longtemps déjà, il y a, dans l’épiscopat, un
mépris, intellectuel et spirituel, à l’égard de Jean Madiran[3].
“ Mépris intellectuel ” parce qu’ils ne perçoivent pas
que cette voix est celle d’un “ beau défenseur de la foi ”
(l’expression fut employée par saint Pie X à propos d’un autre laïc
français, il y a quelque cent ans). “ Mépris spirituel ”
parce qu’ils ne s’imaginent pas que cette voix est d’abord animée
par un grand amour de l’Eglise qui se soucie de la foi des petits, des
humbles. |