Les
affabulations de Golias
La
revue Golias, qui se veut “ l’empêcheur de croire en
rond ”, est une sorte de Canard enchaîné qui serait
bimestriel et qui se prétendrait catholique. Il n’y manque ni les
caricatures et les dessins supposés humoristiques, ni les rumeurs et les
ragots, ni les fausses nouvelles mêlées aux vraies, ni les titres
sensationnalistes, ni l’acharnement sur les mêmes cibles — ici, les
“ traditionalistes ”, les “ évêques conservateurs ”
et, last but not least, le pape Jean-Paul II, vilipendé,
maltraité, de numéro en numéro.
On
pourrait ne prêter aucune attention aux charges à répétition de Golias.
Mais la revue n’est pas sans influence et sans écho. Elle n’est pas
seulement disponible sur abonnement, elle est présente dans la plupart
des librairies catholiques de France et sur certaines tables de presse
paroissiales. Elle se double aussi d’une maison d’éditions qui a
publié plusieurs dizaines d’ouvrages.
La
revue se flatte d’avoir un correspondant au Vatican, qui signe ses
articles du nom de Romano Libero. Il doit s’agir là du pseudonyme non
de quelque monsignore mais sans doute de quelque minutante
désœuvré qui se pique de fournir à la revue française des
informations inédites et des analyses décapantes ou de quelque
séminariste en formation à Rome qui croit voir s’ouvrir pour lui une
longue carrière de délateur masqué.
Le
dernier numéro de Golias (n° 96-97, mai-août 2004) contient deux
articles qui portent sa signature. Tous les deux contiennent des
affabulations qui montrent que M. Romano Libero n’est pas un informateur
fiable.
Un
premier article porte sur la dernière étude doctrinale de la Fraternité
Saint-Pie X, De l’œcuménisme à l’apostasie silencieuse. L’article
est intitulé “ Le nouveau chantage des lefebvristes sur Rome ”. Romano
Libero, qui se croit bien informé, affirme tout uniment : “ Selon
nos sources, ce petit livre aurait été rédigé en totalité ou en
partie par Mgr Brunero Gherardini, 79 ans, ancien professeur d’ecclésiologie,
un vieux théologien aigri et agressif ”.
Un
deuxième article est consacré à “ Walter Kasper : bête
noire des intégristes ”, avec en surtitre : “ Pourquoi
les lefebvristes veulent-ils la peau du patron de l’œcuménisme au
Vatican ? ”. Cette fois, Romano Libero révèle que Mgr
Gherardini — une fois prénommé Brunero puis, quinze lignes plus bas,
il est prénommé Antonio ! —serait “ l’ennemi le plus
déterminé de Walter Kasper ” et qu’on le dit “ collaborateur
de la revue pro-lefebvriste Si,si, No, No, proche de la Fraternité
Saint-Pie X. ”
Toutes
ces informations concernant Mgr Gherardini sont fausses. Non seulement Mgr
Gherardini n’a pas écrit une seule ligne de l’étude de la FSSPX, De
l’œcuménisme à l’apostasie silencieuse, mais il en ignorait
même l’existence jusqu’à ce qu’il apprenne, par un ami français,
que Golias distillait la fausse information qu’il en serait l’auteur.
Pareillement, il n’a jamais écrit une seule ligne pour Si si no no,
le bimensuel antimoderniste qui existe depuis trente ans maintenant.
Mgr
Gherardini, qui nous honore de son amitié, a été professeur de
théologie au séminaire de Prato puis à Rome, au Latran. Il est aujourd’hui
consulteur de la Congrégation de la Cause des Saints, membre de l’Académie
Pontificale de Saint Thomas d’Aquin et directeur de Divinitas,
revue de théologie éditée au Vatican. Il a succédé aussi au regretté
Mgr Piolanti comme postulateur de la cause du bienheureux Pie IX et il
dirige la revue Pio IX.
À
propos de Politica hermetica
La
revue Politica hermetica est une revue, annuelle, qui paraît aux
éditions L’Age d’Homme. Chaque numéro consiste en la publication des
actes d’un colloque international organisé par l’association du même
nom et qui s’est donné pour but d’étudier l’histoire de l’ésotérisme,
notamment dans ses relations avec la politique. L’association Politica
hermetica a été fondée en 1985 par Victor Nguyen, le grand
historien, spécialiste de l’Action Française, aujourd’hui disparu.
Le premier volume de la revue (Métaphysique et politique, Guénon et
Evola) est paru en 1987.
Politica
Hermetica est régulièrement la
cible de certains milieux catholiques. Par exemple, Christian Lagrave,
dans le n° 324 (février 2004) de Lecture et Tradition ou le
rédacteur anonyme de l’article “ Gnose et complot (suite) ”
dans le dernier numéro du Sel de la Terre (n° 49, été 2004).
Après
avoir cité les noms de certains membres du comité de rédaction et du
comité scientifique (sont nommés Emile Poulat, Jean-Pierre Laurant, Jean
Baubérot, Jean Borella, Pierre Chevallier, Antoine Faivre, Pierre-André
Taguieff, Michel Maffesoli, Michel Michel), Christian Lagrave
écrit : “ tout ce monde est, d’une part plus ou moins
influencé par les idées de Julius Evola ou de René Guénon, et d’autre
part souvent lié à la franc-maçonnerie ”… Christian Lagrave a
l’art de passer, en une seule phrase, de l’amalgame (“ Tout ce
monde ”) à l’approximation (“ plus ou moins ”, “ souvent ”).
On
ne niera pas l’appartenance de certains des chercheurs cités à la
franc-maçonnerie, mais l’appartenance à la franc-maçonnerie d’Emile
Poulat ou de Jean Borella est une de ces fariboles qu’il est indigne de
laisser croire. Curieusement, un autre membre du Comité scientifique n’est
jamais cité dans ces mises en accusation : il s’agit de René Rancœur,
parfait érudit, grand bibliographe, personnalité incontestée du monde
savant catholique. Croit-on que René Rancœur aurait accepté de faire
partie du comité scientifique d’une association et d’une revue qui
auraient eu des visées ésotériques et antichrétiennes ?
Des
numéros de la revue ont été consacrés, par exemple, à la
franc-maçonnerie et à l’antimaçonnisme, au théosophisme, au
prophétisme politique, à la théorie du complot ou à “ Esotérisme
et socialisme ”. Ces thèmes font l’objet d’études
historiques, dont certaines affirmations ou analyses peuvent être
discutées. Mais il est stupide de voir dans ces études successives une
sorte de noir complot.
On
ajoutera à ces remarques ce qu’Emile Poulat nous écrit du but et du
fonctionnement de la revue et des colloques :
Il
y a une fixation curieuse sur Politica hermetica, et même
fantasmatique. La revue a été fondée par Victor Nguyen, dont j’ai
pris le relais, parce que je connaissais bien Victor, et aussi parce que
je connaissais le cardinal Pitra et son souci de retrouver la pensée
symbolique des Pères contre le positivisme historique de Mgr Duchesne. Au
début, les colloques ont attiré des fous et des fanatiques : il a
fallu faire le ménage sans éclats. Il n’y a plus maintenant que des scholars.
Revue
des revues
.
La Documentation catholique,
publie une édition spéciale intitulée “ Jean-Paul II à
Lourdes ”[1]. On y
trouve le texte intégral des allocutions, méditations et prières
prononcées par Jean-Paul lors de son pèlerinage à Lourdes les 14 et 15
août derniers. On y trouve aussi un reportage photographique en couleurs
de 16 pages sur l’événement. Enfin, puisque l’occasion de ce
pèlerinage papal était le 150e anniversaire de la proclamation du dogme
de l’Immaculée conception, on pourra lire la reproduction intégrale de
la Constitution apostolique Ineffabilis Deus, datée du 8 décembre
1854, par laquelle le bienheureux pape Pie IX a défini et proclamé ce
dogme. L’édition reproduite est celle publiée en 1953, aux éditions
de la Bonne Presse, avec des notes doctrinales et historiques rédigées
par l’abbé Alphonse David.
.
“ L’affaire de Bordeaux ” et l’exclusion de la FSSPX des
abbés Laguérie et Héry ont fait couler beaucoup d’encre depuis la fin
du mois d’août. La “ grande ” presse (Le Figaro, Le
Monde, Libération, La Croix) lui a consacré des articles, sans
comprendre d’ailleurs les enjeux et les véritables raisons d’une
affaire qui semblait ne devoir intéresser, au départ, que le microcosme
traditionaliste.
Des
sites internet se sont même créés qui reproduisent la plus grande
partie des déclarations et articles sur le sujet et un certain nombre de
documents ; les deux principaux sites étant www.les.infos.free.fr
et crisefraternite.com.
L’exposé
le plus complet et le plus objectif (bien qu’émanant d’une des
parties prenantes dans l’affaire) me semble être le dossier de huit
pages que publie le n° 100 de DICI, daté du 10 septembre 2004[2].
On y trouve trois textes : “ Les faits reprochés ” par
l’abbé Lorans, “ Les ouvertures faites à M. l’abbé Philippe
Laguérie par les Supérieurs de la Fraternité ” par l’abbé de
Cacqueray, Supérieur du district de France, et “ Réponses à des
rumeurs sur la Fraternité Saint-Pie X ” par l’abbé Celier.
Certaines
informations ou appréciations contenues dans ce numéro de DICI
sont des allusions à décrypter. On remarquera aussi, dans ce dossier de DICI,
le silence fait sur certaines personnes et sur certains points
(publics ou non) de l’affaire.
Quoi
qu’il en soit, la querelle “ affaire des séminaires ”
devenue “ l’affaire de M. l’abbé Philippe Laguérie à
Bordeaux ” – la formule est de DICI –, n’aura
pas ébranlé la FSSPX. Un des protagonistes de l’affaire, à ses
débuts, estimait que c’était là “ la plus grave crise qu’ait
connue la Fraternité depuis ses origines ”. Il semble que l’évolution
de la situation démente ce pronostic. Certes à Bordeaux comme à Paris
(autour de Saint-Nicolas-du-Chardonnet), certains des fidèles attachés
à la FSSPX ont pris bruyamment la défense des abbés sanctionnés et
exclus mais, comme lorsque l’abbé Aulagnier a quitté la FSSPX, il n’y
a pas eu de division publique au sein de la Fraternité fondée par Mgr
Lefebvre. Dans les prieurés, comme dans les écoles, les prêtres
continuent leur apostolat et portent des jugements divers sur l’affaire.
.
Le site électronique suisse “ Religioscope ” (www.religion.com),
dirigé par Jean-François Mayer, spécialiste des mouvements religieux
contemporains, publie un long entretien avec Emile Poulat. L’entretien–
quatorze pages en version papier – porte sur le dernier livre de
celui-ci, Notre laïcité publique.
Émile
Poulat expose les principes thèses et analyses de son livre, mais avec
une liberté de ton et de style qui offre des formulations différentes et
parfois clarificatrices.
Émile
Poulat demande de “ bien distinguer la laïcité institutionnelle,
la laïcité qui nous gouverne, par opposition à l’idée que chacun
peut s’en faire, qui est du domaine privé. ” Il estime qu’en
1905, il n’y a pas eu “ séparation ” de l’Eglise et de
l’Etat. Il fait remarquer à juste titre : “ …on constate
que le mot séparation qui figure dans les discours, ne figure pas dans le
texte de la loi. Il figure dans le titre, sans aucune valeur légale. On s’aperçoit
que, dans la réalité, il s’agit de tout autre chose. Autrement dit, la
loi de 1905 que personne n’a lue, ou très peu, est largement mythique
aujourd’hui. Je peux même dire que je ne connais aucun professeur de
droit qui soit capable de la commenter exhaustivement à ses étudiants.
Il y a des mots que nous ne comprenons plus, des articles qui nous
laissent pantois. Autrement dit, il faudrait aujourd’hui une sorte d’édition
critique de la loi de 1905 avec des commentaires, des gloses, un peu à la
manière des exégètes dans leurs commentaires de l’Evangile. ”
Émile
Poulat n’est pas loin de croire, semble-t-il, à une laïcité pacifiée
aujourd’hui. Sans méconnaître qu’il existe “ une culture
laïque qui est, en somme, libre exaministe et critique ”, et donc
anticléricale, il pense qu’au fil du temps, ce sont les partisans d’ “ une
loi de pacification ” qui l’ont emporté.
Tout
en reconnaissant l’importance et le grand intérêt du travail de
clarification mené par Emile Poulat dans son dernier livre, Notre
laïcité publique, on restera moins optimiste sur les intentions de
ceux qui, aujourd’hui, veulent faire respecter la laïcité et cherchent
à l’inscrire encore davantage dans la loi, donc dans la société
française. Jean Madiran, dans Présent de ce jour, met en lumière
“ La force souterraine du principe de laïcité ”[3].
Il attire l’attention sur l’intention affichée du législateur comme
du Président de la République, Jacques Chirac, dans la récente loi sur
la laïcité : faire en sorte que “ les consciences des
enfants soient protégées des influences religieuses ”.
La
laïcité “ à la française ” n’est plus une guerre
ouverte contre l’Eglise, elle s’accommode de l’Eglise catholique,
comme des autres forces religieuses ou culturelles, elle ne discrimine
pas, mais elle entend que l’Eglise catholique ne remette pas en cause
les principes qui la fondent : “ Non à une loi morale qui
primerait la loi civile ! ” selon la formule désormais
célèbre de Jacques Chirac[4]. |