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Un nouveau livre autobiographique du Pape.
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Saint Josémaria Escriva.
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Revue des revues.
“ Levez-vous !
Allons ! ”
Après
Ma vocation, don et mystère (1996), publié à l’occasion du 50e
anniversaire de son ordination sacerdotale, Jean-Paul II publie un nouveau
livre autobiographique consacré, cette fois, à son ministère épiscopal[1].
Il y a du pathétique autant que de l’admirable dans ce Pape dont la
santé semble, certains jours, tenir à un fil et qui, pourtant, trouve
encore la force non seulement d’accomplir l’essentiel de sa mission
pontificale mais aussi de livrer longuement son témoignage sur ses
années épiscopales (1958-1978).
Si
l’on compare la biographie la plus volumineuse parue à ce jour sur le
Pape[2] et le dernier livre
publié par Jean-Paul II, on trouve dans celui-ci bien des choses
nouvelles et éclairantes, et pas seulement sur les années évoquées.
Ainsi sur le sens à donner au premier grand voyage pontifical, au
Mexique, en janvier 1979. Ce ne fut pas seulement pour s’opposer à la
“ théologie de la Libération ”, mais aussi pour ouvrir d’autres
portes : “ Je me rappelle que j’ai interprété ce voyage au
Mexique comme une sorte de “laissez-passer“ qui pouvait m’ouvrir la
route au pèlerinage en Pologne. J’ai pensé en effet que les
communistes de Pologne ne pouvaient me refuser l’autorisation de
retourner dans ma patrie après que j’eus été reçu dans un pays à
Constitution totalement laïque comme le Mexique d’alors. Je voulais me
rendre en Pologne et cela a pu se réaliser au mois de juin de la même
année ” (p. 58-59).
Le
livre nous apprend aussi ou nous confirme les influences intellectuelles,
spirituelles ou pastorales qui ont marqué le futur pape.
Sur
le plan intellectuel, il y a eu, fait bien connu, l’influence du
personnalisme : “ j’ai beaucoup été aidé par le
personnalisme, que j’ai approfondi durant mes études de
philosophie ” (p. 69). Il y a aussi l’affirmation suivante :
“ Ma position philosophique personnelle se situe, pour ainsi dire,
entre deux pôles : le thomisme aristotélicien et la
phénoménologie ”[3].
Sur
le plan spirituel, il y a eu l’influence de Mgr Pelczar, grande figure d’évêque
peu connue encore en France (bien que Jean-Paul II l’ait béatifié puis
canonisé). De l’œuvre principale de Mgr Pelczar, L’ascèse
sacerdotale, Jean-Paul II écrit : “ Ce livre est le fruit
de sa riche vie spirituelle, et il a exercé une profonde influence sur
des générations entières de prêtres polonais, spécialement de mon
temps. Mon sacerdoce aussi a été modelé d’une certaine façon par
cette œuvre ascétique ” (p. 118).
Sur
le plan pastoral, Jean-Paul II indique que les Journées Mondiales de la
Jeunesse – qui seront un des héritages les plus spectaculaires du
pontificat – “ en un sens, sont nées ” du “ Mouvement
des oasis ” fondé en Pologne par l’abbé Franciszek Blachniki
dans la Pologne communiste. “ J’ai été beaucoup lié à ce
mouvement et j’ai essayé de l’aider de toutes manières ”
écrit le Pape. On ajoutera que Franciszek Blachniki, qui était d’un an
le cadet du pape, est mort en 1987 et dès 1995 son procès de
béatification a été ouvert.
On
pourrait relever encore l’attention portée à “ la pastorale des
familles ” dès les premiers temps du ministère épiscopal ou
encore, fait bien connu celui-là, la chapelle non seulement comme lieu de
prière et de méditation mais aussi comme lieu de réflexion
intellectuelle (dans la chapelle privée de l’archevêché de Cracovie,
“ non seulement, écrit le Pape, je priais mais je restais aussi
assis et j’écrivais. C’est là que j’ai écrit mes livres, entre
autres la monographie Personne et Acte ”, p. 133).
Un
“ pape dialectique ” ?
Celui
qui signe Joël Prieur, dans le dernier numéro paru de Pacte[4],
estime que ce livre “ ne nous apprendra pas grand chose de plus sur
ce géant spirituel ”. Le jugement est sévère et, au regard des
quelques faits relevés ci-dessus, injuste.
En
revanche, celui qui signe Joël Prieur est plus convaincant quand, après
avoir cité Jean-Paul II (“ les saines traditions favorisent l’audace
commune de l’imagination et de la pensée et une vision ouverte sur l’avenir ”
p. 159), il voit la clef du pontificat dans l’ “ idéal d’une
tradition revisitée par la modernité ou d’une modernité enfin située
dans la Tradition. ”
Tous
les historiens s’accordent à estimer qu’avec Jean-Paul II il y a eu
un “ recentrage ” du discours pontifical et de la pastorale
du Saint-Siège (au sens du Retour au Centre [qui est le Christ] du
théologien Hans Urs von Balthasar). Celui qui signe Joël Prieur
interprète ainsi la politique pontificale : “ Jean-Paul II
est le pape qui, consciemment, choisit de ne pas choisir, parce qu’il
choisit tout, certain qu’une dynamique naîtra de la dialectique qu’il
instaure savamment entre tradition et modernité. ”
Est
frappant aussi le regard optimiste que pose Jean-Paul II sur l’Eglise
dans le monde. C’est sans doute parce que son regard ne s’arrête pas
à l’Europe occidentale déchristianisée mais est ouvert sur l’universalité
que Jean-Paul II a une vision ascendante de l’humanité : “ l’homme
s’ouvre sans cesse à l’incessante irruption de Dieu dans le monde des
hommes ; c’est la marche de l’homme vers Dieu, un Dieu qui, pour
sa part, conduit les hommes les uns vers les autres ” (p. 184).
On
en revient à la double question de celui qui signe Joël Prieur :
“ Peut-on faire confiance aux lois de la dialectique pour que
croisse une tradition vivante ? Peut-on envisager l’histoire de l’Eglise
sur le mode d’une “Eglise qui se fait histoire“ (card. Hamao),
c’est-à-dire qui vit successivement dans son enveloppe terrestre les
phases alternées de la thèse, de l’antithèse et de la
synthèse ? ”.
Saint
Josémaria Escriva
Le
fondateur de l’Opus Dei, canonisé par Jean-Paul II en 2002, connaît
son biographe le plus scrupuleux avec Andrès Vasquez de Prada. C’est
une biographie “ autorisée ”, en ce sens que l’auteur,
membre de l’Opus Dei et qui a connu Mgr Escriva de Balaguer depuis 1942,
a eu accès aux Archives générales de la Prélature, au Summarium
de la Cause de béatification et de canonisation, et à d’autres
documents inédits.
Après
un premier volume paru en 2001, et déjà présenté ici, le second tome,
encore plus volumineux, nous emmène jusqu’en 1946[5].
Un autre tome suivra bientôt qui ira jusqu’à la mort du fondateur
(1975).
Ce
second volume porte sur la décennie 1936-1946, marquée, en Espagne, par
la terrible Guerre civile. C’est une période dramatique pour tous, y
compris pour Josémaria Escriva. Pendant cette période, l’œuvre, dont
le fondateur dira avoir eu la première inspiration à Madrid le 2 octobre
1928, reçut sa première approbation canonique comme “ pieuse
union ” en 1941. Un statut particulier que nécessitait la
situation particulière des membres de l’Opus Dei : ses membres
prêtres n’étaient pas des religieux et ses membres laïcs ne
constituaient point un tiers-ordre mais étaient, par leurs engagements,
beaucoup plus que les membres d’une confrérie.
Andrès
Vasquez de Prada ne cache rien des rumeurs, vraies ou fausses, calomnies
et campagnes de dénigrement qui ont accompagné l’Opus Dei presque dès
ses origines[6]. Josémaria
Escriva était persuadé, en 1941, que dans l’entourage du nonce à
Madrid, Mgr Cicognani, certains voulaient faire condamner à Rome son
livre, Chemin (p. 504).
Il
évoque aussi les grâces extraordinaires dont bénéficiait Josémaria
Escriva : “ les illuminations, les locutions intérieures, le
don des larmes, la capacité de discerner les esprits, le secours de la
Sainte Vierge et des anges gardiens ” (p. 328). Le premier volume
nous avait déjà appris que depuis l’âge de seize ans et pendant dix
ans, jusqu’à la fondation de l’Opus Dei, Josémaria Escriva avait
reçu beaucoup de grâces extraordinaires, “ principalement sous la
forme d’inspirations et d’illuminations ” (t. I, p. 291).
Beaucoup de ces grâces ne seront jamais connues parce que le fondateur,
qui les notait sur un cahier, l’a détruit de peur qu’on ne le prenne
pour un saint.
Dans
les volumes suivants, l’auteur devra évoquer les relations de l’Opus
Dei et du régime franquiste. C’était un des reproches faits
habituellement à Mgr Escriva de Balaguer par ses adversaires. Dans ce
second volume, on relève deux faits qui permettent déjà un premier
éclairage sur le sujet : l’hostilité que la Phalange manifeste,
au début des années 40, à l’égard de l’Opus Dei, considéré comme
une “ société secrète ” d’esprit “ internationaliste ”.
Et, a contrario, l’estime, qu’à cette époque, Franco a pour
Josémaria Escriva puisqu’il lui demande, en 1946, de venir prêcher une
retraite au palais du Pardo, retraite qu’il suit du 7 au 12 avril en
compagnie de son épouse.
REVUE
DES REVUES
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La Revue de l’Association des Ecrivains catholiques de
langue française (82 rue Bonaparte, 75006 Paris), dans son n° 92, de mai
2004, publie deux articles sur le film de Mel Gibson, “ La
Passion ”. Le second, dû à André Blanc, dit en neuf points, bien
argumentés, sa “ déception ”. C’est, dans les milieux
catholiques traditionnels, un des seuls articles parus qui ne se soient
pas joints aux dithyrambes inconditionnels, revers des condamnations et
désapprobations en provenance d’autres milieux.
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Certitudes, dans son n° 15 (23 rue des Bernardins, 75005
Paris, 8 ¤ le numéro), revient sur la “ nouvelle religion ”
de certains évêques qu’ont révélée certains communiqués et
certaines réactions face au film de Mel Gibson comme face à l’exégèse
post-moderne de Mordillat dans Corpus Christi.
Ce
même numéro contient un intéressant article de l’abbé de Tanoüarn
sur Bossuet et les quiétistes.
Signalons
encore que le prochain numéro de la revue, le n° 16, contiendra une
longue réponse argumentée de Paul Sernine aux critiques qu’ont
suscitées son livre, La Paille et le Sycomore. À propos de la “ gnose ”.
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Sedes Sapientiae (Société Saint-Thomas-d’Aquin, 53340
Chémeré-le-Roi, 8 euros le numéro), publie, dans son n° 87, un long
article du P. de Blignières intitulé “ Ecclesia Dei,
quinze ans après : un bilan contrasté ” (p. 3 à 29).
Après
l’évocation des faits marquants de ces dernières années (aussi bien
les accords de Campos que la crise au sein de la Fraternité Saint-Pierre
et, dans la Fraternité Saint-Pie X, le “ brutal renvoi en 2003 de
l’abbé Paul Aulagnier ”), le P. de Blignières relève les faits
positifs survenus dans les fraternités et communautés de la mouvance Ecclesia
Dei : de nouveaux lieux de culte selon le rite traditionnel s’ouvrent
chaque année avec l’accord d’évêques diocésains, “ l’Institut
du Christ-Roi est présent dans onze diocèses, la Fraternité
Saint-Pierre dans plus d’une vingtaine de diocèses ”. Et
encore : “ les camps et pèlerinages trouvent aujourd’hui
dans les églises paroissiales, de la part des desservants et des
sacristains, voire des évêques, un accueil souvent plus ouvert qu’il y
a quelques années. ” Ces faits positifs ne doivent pas masquer les
résistances et les refus, auxquels l’auteur ne fait qu’allusion.
Dans
cet article intéressant, on relève encore cette remarque avisée sur “ une
tendance croissante des théologiens de la Fraternité Saint-Pie X ” :
“ déceler en toute évolution – même possiblement homogène –
de l’enseignement magistériel, la présence du relativisme ou de l’historicisme
[…] mettre sur un pied d’égalité toutes les parties des documents
magistériels : l’enseignement directement visé sur lequel porte l’assistance,
et les considérants ou les instruments d’expression qui peuvent être
marqués de défaillances ”[7].
Et encore, la tentation de lire “ les textes du magistériel
authentique […] à la lumière de leurs interprétations les plus
discutables émanant de théologiens ou de certains évêques ”.
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Dans la dernière Lettre aux Amis et Bienfaiteurs du District
de France de la FSSPX, n° 66 (B.P. 125, 92154 Suresnes Cedex), le
Supérieur général, Mgr Bernard Fellay, décrit ainsi les relations
actuelles entre la Fraternité sacerdotale fondée par Mgr Lefebvre et le
Saint-Siège : “ Rome insiste pour que nous acceptions la
proposition d’une “juridiction personnelle“. Le problème n’est
pas dans la formule juridique, qui nous semble acceptable dans son
principe, quoique nous ne connaissions pas les éléments concrets et les
implications d’une telle “formule juridique“. Le problème se situe
encore et toujours au niveau de la doctrine, de l’esprit chrétien qui
habite ou n’habite pas — et c’est là toute la question — des
textes ambigus et des réformes désastreuses pour le bien surnaturel des
fidèles. “
Mgr
Fellay reconnaît : “ Nous sentons certes de plus en plus de
sympathie chez certains évêques, aussi à Rome. Il nous semble que nous
avançons, que la Tradition fait des progrès dans le monde
catholique. ” Néanmoins, estime Mgr Fellay, “ cela n’est
pas encore suffisant. Nous avons récemment demandé officiellement le
retrait du décret d’excommunication comme un premier pas concret de la
part de Rome. Cela changerait le climat et nous pourrions mieux voir
comment les choses se développent. ” |
[1]
Jean-Paul II, Levez-vous ! Allons !, Plon/Mame, 2004, 197
pages, 17 euros.
[2]
George Weigel, Jean-Paul II. Témoin de l’espérance, JC
Lattès,1999.
[3]
La phénoménologie, ce fut surtout, chez le futur pape, la lecture d’Husserl,
de Scheler et d’Edith Stein.
[4]
Pacte (23 rue des Bernardins, 75005 Paris), n° 86, 2,50 euros le
numéro.
[5]
Andrés Vazquez de Prada, Le Fondateur de l’Opus Dei. Vie de
Josémaria Escriva, vol. II, Paris, Le Laurier/Montréal, Wilson &
Lafleur, 2003, 804 pages, 28 euros.
[6]
Les rumeurs n’ont pas cessé jusqu’à aujourd’hui. Par exemple, l’ “ Association
pour la famille ” (APF), dont le siège est à Paris et qui a de
nombreuses filiales en province, est réputée, dans plusieurs ouvrages et
sur internet, être un relais de l’Opus Dei. Interrogé sur le sujet, l’Opus
Dei déclare ne pas connaître cette association.
[7]
Le P. de Blignières cite, en note, deux Instructions de la Congrégation
pour la Doctrine de la Foi où il est admis que dans certaines
interventions et initiatives du Magistère il peut y avoir des “ déficiences ”. |