LE
DEBAT SUR LA GNOSE
L’ouvrage
de Paul Sernine, La Paille et le Sycomore. À propos de la “ gnose ”
[1], déjà présenté ici,
commence à susciter un débat. Les revues favorables aux thèses d’Etienne
Couvert (Sous la Bannière, Lectures Françaises, Le Sel de la Terre)
ont publié ou vont publier des réponses à Paul Sernine. Les Editions de
Chiré, où Etienne Couvert a publié tous ses ouvrages, souvent à compte
d’auteur, vont intervenir dans le débat, sans doute par un numéro de
leur revue Lecture et Tradition.
La
Fraternité Saint-Pie X n’a pas pris de position officielle sur la
controverse, mais deux de ses prêtres y sont partie prenante : l’abbé
de Tanoüarn, éditeur de l’ouvrage, et l’abbé Celier, principal
diffuseur de l’ouvrage par le catalogue France Livres Clovis.
Un
autre prêtre de cette Fraternité, l’abbé Christophe Beaublat, a
publié dans son bulletin, Le Bachais, une violente charge contre l’ouvrage
et son éditeur[2]. Sous
le titre “ Subversion ”, il a mis en cause “ un
méchant petit livre ”, l’estimant “ rempli de calomnies
odieuses pour des personnes tout à fait estimables ”. Il
dénonçait aussi “ des traditionalistes en peau de lapin ”
et les “ gnostiques infiltrés dans nos rangs” (sans les
nommer, il visait ainsi ses confrères les abbés de Tanoüarn et Celier).
Cette
charge se terminait par un appel aux autorités de la FSSPX : “ Implorons
du Ciel la lumière et la force […] pour les autorités de la Tradition,
qui auront sans aucun doute des décisions pénibles à prendre. Que leur
bras ne tremble pas ! ”.
D’après
nos informations, l’abbé Beaublat a été blâmé par les autorités de
la FSSPX pour avoir mis en cause certains de ses confrères et pour avoir
apostrophé ses supérieurs.
Mais
ce blâme adressé ne signifie pas que les autorités de la FSSPX aient
pris une position publique dans le débat. Selon nos sources, les
autorités de la FSSPX considèrent les démonstrations de Paul Sernine
comme fondées sur une argumentation sérieuse et solide mais aussi que le
sujet du livre – existe-t-il ou non une “ gnose ” immuable
à travers toutes les erreurs de l’Histoire ? – appartient au
domaine de l’opinion librement discutable entre catholiques.
L’abbé
de Tanoüarn, dans l’ “ Avertissement ” au livre de
Paul Sernine, estimait que “ d’autres études sont nécessaires
pour compléter [ce] travail bien circonscrit ”. Parmi les sujets
qui, selon lui, restent à étudier, il y a celui-ci : “ Existe-t-il
un état d’esprit récurrent, au cours de l’Histoire, que l’on
pourrait qualifier de “gnostique“ en ce qu’il rechercherait un salut
par la connaissance ? ” (p. 11).
J’avais
cité, dans un précédent numéro d’Aletheia, les interrogations
du théologien autrichien Michael Waldstein sur le “ retour du
gnosticisme ” dans la théologie contemporaine.
On
y ajoutera, un article d’André Paul, dans le dernier numéro de Catholica[3].
L’auteur, exégète et historien de la Bible, fait une lecture critique
du dernier livre du cardinal Lustiger, La Promesse. Il considère
cet essai du cardinal archevêque de Paris comme “ une réduction
désincarnatrice de la doctrine chrétienne ” et y voit la
résurgence d’une “ gnose judéo-chrétienne ”. André
Paul écrit : “ La première et grave omission dans le
système religieux du cardinal Lustiger a pour objet la chair, plus
largement tout ce qui relève des sens. Le champ sémantique du sôma,
“corps“ en grec, est absent de l’ensemble du livre. Et dès lors, le
fondement doctrinal du message chrétien, et en conséquence du
christianisme comme société et comme culture, est tout naturellement
omis. ” Et encore : “ Le message de Mgr Lustiger ne
manque pas d’accents gnostiques. Il est volontiers manichéen,
ségrégatif et pessimiste. ”
Venant
d’un spécialiste du judaïsme ancien comme André Paul, éloigné des
milieux traditionalistes, ce jugement mérite d’être relevé.
Encore
une fois, la gnose dont il est question ici est celle du salut par la
connaissance et non, comme chez Etienne Couvert, d’un système complet d’erreurs,
reproductible à l’infini de génération en génération, auquel il
faudrait rattacher toutes les doctrines et systèmes non-catholiques.
UN
SCOUTISME CATHOLIQUE EST-IL POSSIBLE ?
L’AFFAIRE
JEOFFROID-SEVIN (1924)
Il
y a quelques mois, la controverse sur le scoutisme était relancée dans
les milieux traditionalistes (cf. Aletheia n° 44, 10/08/2003). J’avais
rappelé que les accusations de “ libéralisme pratique ”,
de “ naturalisme ” et d’ “ œcuménisme ”
portées contre le scoutisme n’étaient pas nouvelles et avaient déjà
été lancées dans les années 1920 par certaines publications
anti-libérales. Le P. Sevin, fondateur du scoutisme catholique en France,
avait dû aller se défendre à Rome et Pie XI avait tranché en sa
faveur, non sans recommander des affirmations plus claires.
Une
étude est parue il y a quelques mois qui vient apporter des lumières
nouvelles sur cette affaire[4].
Christophe Carichon a exploré différents fonds d’archives. Il montre
que l’attaque contre les dangers du scoutisme trouve son origine dans
une étude très documentée rédigée par le P. Henri Jeoffroid, Frère
de Saint-Vincent-de-Paul. Le P. Jeoffroid est un intransigeant,
antilibéral ; c’est aussi, écrit Christophe Carichon, “ un
éducateur et un homme de terrain, fervent défenseur du patronage ”.
À Rome, il a été pendant sept ans l’aumônier des Prati di
Castello, célèbre patronage.
C’est
donc en défenseur de la jeunesse chrétienne qu’il intervient. Le
mémoire qu’il rédige – une centaine de pages – est résumé ainsi
par C. Carichon : “ La théosophie est mauvaise, elle a été
condamnée par l’Eglise. Il y a des relents de théosophie dans le
scoutisme que l’on sait déjà imprégné de protestantisme et de
franc-maçonnerie. Le scoutisme catholique, en vertu de la fraternité
scoute, a des contacts avec les neutres et les protestants : donc, à
l’intérieur, comme à l’extérieur, il existe de sérieux risques de
contamination et de nombreux dangers pour le scoutisme même catholicisé.
Tôt ou tard, il devra faire des concessions et risquera de se
compromettre d’autant plus facilement que développant un
anti-intellectualisme de fait, il n’est pas armé pour le combat. Il
faut donc ne pas accepter le scoutisme catholique pour le salut des âmes
des enfants… ”.
Le
mémoire Jeoffroid commença à circuler à Rome en 1923. Mgr Benigni, l’ancien
animateur de la Sapinière, le communiqua en France à la Revue
Internationale des Sociétés Secrètes, qui fit, dans son numéro 19,
le 13 mai 1924, “ Le procès du scoutisme ”.
Le
P. Sevin ira alors à Rome, avec le général de Salins, défendre la
cause du scoutisme catholique. Il obtiendra d’être reçu en audience
par Pie XI, pour se justifier et s’expliquer. De ce séjour à Rome, le
P. Sevin tirera des résolutions : Les leçons de notre séjour à
Rome. Sans entrer dans le détail de cet examen de conscience et des
décisions prises, on peut dire qu’il y a la volonté de marquer
davantage la spécificité du scoutisme catholique par rapport aux autres
organisations scoutes et de l’ancrer parmi les autres œuvres
catholiques.
L’année
suivante, 10.000 scouts catholiques de différents pays défileront devant
Pie XI qui, en la circonstance, prononcera une longue allocution, premier
enseignement pontifical sur la nature, la spécificité et la vocation du
scoutisme catholique.
Cette
étude de Christophe Carichon éclaire très utilement la controverse de
cette époque. Mais l’auteur est trop sévère quand il juge que le P.
Sevin n’a ensuite “ pas été fidèle à ses Leçons
de 1924 ”. Il y aurait eu, “ chez lui un manque évident de
fermeté une fois l’orage passé. Il peut apparaître, alors, comme un
véritable libéral, ou tout au moins un prêtre libéralisant, au
sens catholique que ces termes recouvraient à l’époque. ”
L’auteur
estime aussi qu’aucun mouvement scout, aujourd’hui, “ ne peur
honnêtement se prévaloir des Leçons que le R.P. Jacques Sevin
tirait en 1924 de son séjour à Rome. ” Affirmation pour le moins
aventurée si l’on considère par exemple – entre autres – l’Institut
de la Sainte Croix de Riaumont et les troupes scoutes qui lui sont
rattachées.
Informations
.
Le numéro 1 d’un bulletin intitulé Aletheia est paru, il y
a quelque temps. Cette publication se présente comme la “ Revue de
liaison entre les couronnes de l’œuvre Marie Mère de l’Unité en
France ”. L’Œuvre de Sainte Marie Mère de l’Unité est une
association privée de fidèles fondée par un prêtre équatorien qui a
été reconnue comme telle par l’archevêque de Quito.
Malgré
l’homonymie, notre modeste bulletin n’a aucun rapport avec cette
Œuvre.
.
En 2001, l’anaphore d’Addai et Mari, en usage dans l’Eglise
assyrienne d’Orient (et qui ne comporte pas
le
récit de l’Institution) a été reconnue comme “ valide ”,
pour la célébration de l’Eucharistie, par le Conseil
pontifical pour la promotion de l’Unité des chrétiens.
Si
cette décision a été saluée comme “ une avancée œcuménique
et liturgique ” par La Maison-Dieu, la revue
du C.N.P.L. (Centre National de Pastorale Liturgique), elle a été
vivement critiquée dans les milieux
traditionalistes. Voir, notamment, l’étude du Professeur
Heinz-Lothar Barth “ L’anaphore de Addai
et Mari : Rome permet-elle une messe invalide ? ” in La
Messe en question, Actes du Ve Congrès théologique
de Si Si NoNo, Publications du Courrier de Rome, p. 403-445.
Divinitas,
revue internationale de théologie, dirigée au Vatican par Mgr Gherardini,
prépare un numéro spécial sur
cette controverse.
.
L’abbé Aulagnier, qui se présente toujours comme “ Prêtre de
la FSSPX ”, et qui réside désormais à Vichy,
anime depuis quelques semaines une “ paroisse catholique
virtuelle ”, dédiée à saint Michel (s’inscrire
au mail : abbeaulagnier@hotmail.com).
Dans
chaque livraison internet hebdomadaire, on trouve le sermon du dimanche,
une “ Leçon dogmatique pour
adulte ”, une “ Leçon de morale ” et diverses
informations.
.
Alain de Benoist vient de faire paraître un ouvrage, Au-delà des
droits de l’homme. Pour défendre les libertés,
Editions Krisis (5 rue Carrière-Minguet, 75011 Paris), 150 pages, 19 ¤.
Il en sera rendu compte dans un
prochain numéro.
Une
Association des Amis d’Alain de Benoist s’est constituée, qui anime,
notamment, un site internet où l’on
trouve, en intégralité, des ouvrages de l’auteur, des articles et le
texte d’entretiens récents ou anciens (www.alaindebenoist.com).
Je
remercie les lecteurs qui comprennent que cette lettre d’informations,
aussi modeste soit-elle, ne peut être imprimée et expédiée sans frais
pour son unique rédacteur. Aletheia n’existe encore, pour la
cinquième année, que par la générosité de quelques-uns (toujours les
mêmes esprits de bonne volonté et de vraie charité) dont profitent les
autres.
À
tous les lecteurs, puisqu’il en est encore temps, je présente mes vœux
les meilleurs pour 2004 en reprenant le souhait formulé par le RP Dom
Gérard en 1988 – il y a seize ans, déjà : “ Puissions-nous
ne pas nous épuiser en querelles intestines, en rivalités de clan ou de
juridiction. En sens contraire, que demeurent dans une amitié fraternelle
tous ceux qui combattent pour la Tradition : doctrine, prédication,
messe, sacrements. Qui pourra nous diviser si nous travaillons pour le
Christ-Roi ? ”. |