PIE
XII, REVISIONNISTE ?
Citer
le seul nom de Robert Faurisson, si on ne l’accompagne pas d’épithètes
accablantes, paraît devoir disqualifier pour toujours celui qui s’y
risque. Robert Faurisson semble s’être discrédité à jamais aux yeux,
non seulement des médias mais aussi de la communauté des historiens, par
sa négation, argumentée à travers des milliers de pages, de l’existence
de chambres à gaz homicides dans les camps de concentration allemands
durant la Seconde Guerre mondiale.
Je
n’entrerai pas ici dans cette controverse historique. En revanche,
puisque Robert Faurisson publie un ouvrage intitulé Le révisionnisme
de Pie XII[1] (121 pages,
15 ¤), je le présente ici, en toute liberté, assuré de n’être
imité en France que par un nombre réduit de confrères, dont le nombre
se comptera sans doute sur les doigts d’une seule main.
Robert
Faurisson part d’un constat. Alors que la Seconde guerre mondiale venait
de se terminer en Europe, Pie XII, dans une célèbre allocution devant le
Sacré-Collège, le 2 juin 1945, s’est montré impitoyable envers Hitler
et le régime nazi. Il a flétri “ les méthodes les plus
raffinées pour torturer ou supprimer des personnes souvent
innocentes ” mais, remarque Robert Faurisson, “ il n’a
pas un mot pour un processus d’extermination physique des Juifs ou pour
l’emploi de chambres à gaz d’exécution ”. Faurisson
ajoute : “ Sur le sujet, il se taira jusqu’à sa mort, en
1958. ”
Selon
Robert Faurisson, si Pie XII n’a jamais dénoncé pendant la guerre,
après la guerre et jusqu’à sa mort, les chambres à gaz, c’est qu’il
ne croyait pas à leur existence historique. Certes, pendant la guerre, il
a déploré vivement le sort fait aux Juifs, et à d’autres victimes,
mais jamais sans les nommer directement ni sans entrer dans le détail des
moyens de persécution employés contre eux. La veille de Noël 1942, dans
un radio-message, il évoque les “ centaines de milliers de
personnes qui, sans aucune faute de leur part, quelquefois seulement pour
raison de nationalité ou de race, sont vouées à la mort ou à dépérissement
progressif. [2]” Le
2 juin 1943, dans une allocution au Sacré-Collège cette fois, le Pape
déplorera les “ contraintes exterminatrices ” auxquelles
sont voués “ parfois ” ceux qui sont “ tourmentés
en raison de leur nationalité ou de leur race ”.
Robert
Faurisson entend montrer – et il cite, à ce propos, un rapport
diplomatique américain intéressant – que si Pie XII, pendant la
guerre, n’a pas dénoncé les chambres à gaz homicides, ce n’est pas
“ parce qu’il ne savait pas ”, mais parce qu’il n’y
“ croyait ” pas. Et après-guerre, le Pape n’aurait
toujours pas été davantage persuadé de l’emploi de ce moyen d’extermination
par les Allemands et de l’existence d’une politique génocidaire de
Hitler.
Les
textes et documents que cite Robert Faurisson éclairent bien le sujet.
Quiconque étudie l’attitude de l’Eglise pendant la Seconde Guerre
mondiale lira avec profit cette étude. Mais Robert Faurisson ne peut
produire aucun document (discours ou autre), même les trois textes
cités, où Pie XII aurait nié ce qu’il n’a pas affirmé. La nuance
est de taille. Qui plus est, un pape n’avait sans doute pas à entrer
dans ce genre de controverse historique. Pie XII s’était-il seulement
fait une conviction sur le sujet, dans un sens ou dans l’autre ?
Peut-être pas.
En
tout cas, et Robert Faurisson ne le nie pas, il l’affirme même, Pie XII
fut “ profondément hostile à l’antisémitisme ” (p.
32) et “ efficace dans son aide aux Juifs ” (p. 38).
Robert
Faurisson établit aussi un lien entre le “ révisionnisme ”
de Pie XII et la campagne contre son prétendu “ silence ”
qui ne cesse d’être relancée. Robert Faurisson estime : “ Pie
XII a, jusqu’au bout, résisté à la pression des organisations juives.
Il a refusé de cautionner aussi bien la religion naissante de l’“Holocauste“
(une imposture) que la création de l’Etat d’Israël (une autre
imposture, directement liée à la première). Il allait payer cher son
audace, mais à titre posthume. ”
Dans
l’annexe 3 de son livre (l’annexe 2 étant mal venue dans ce volume,
me semble-t-il), Robert Faurisson souhaiterait ouvrir un autre
dossier : sainte Thérèse Bénédicte de la Croix (Edith Stein dans le
siècle) est-elle morte gazée à Auschwitz en 1942 ? N’aurait-elle
pas été victime de l’épidémie de typhus qui ravageait alors le
camp ? Robert Faurisson, après avoir relevé différentes
imprécisions et contradictions, estime : “ Des diverses
publications que j’ai consultées, il ressort qu’en réalité on ne
sait ni où, ni quand, ni comment sont disparues E. Stein et sa sœur ”
(p. 103, souligné dans le texte).
Robert
Faurisson cite six ouvrages ou articles consacrés à Edith Stein. Je lui
conseillerais de s’adresser au Postulateur général de l’Ordre des
carmes déchaux, le P. Simeone della Sacra Famiglia, et de consulter les
nombreux volumes de la cause de canonisation, notamment la “ Positio
super Virtutibus et super Martyrio ” présentée devant la
Congrégation pour la Cause des saints le 2 avril 1986. Peut-être y
trouvera-t-il réponse à ses questions ?
Nouveautés
romaines
.
Domenico Del Rio, Karol il Grande.
Storia di Giovanni Paolo II, Paoline, 312 pages, 18 ¤.
Les
biographies de Jean-Paul II sont déjà innombrables et la bibliographie
sur Jean-Paul II constituerait à elle seule un volume. Ce nouvel ouvrage
se signale par diverses particularités. L’auteur, décédé quelques
mois avant la parution de son livre, avait été jadis religieux
franciscain avant d’obtenir, en 1975, sa réduction à l’état laïc
et de se marier. Il était devenu alors devenu journaliste au quotidien la
Repubblica et un “ vaticaniste ” estimé. Il a publié
rien moins que six livres consacrés à Jean-Paul II. Du premier (Wojtyla
il nuovo Mosè, écrit en collaboration avec Luigi Accattoli et
publié chez Mondadori en 1988) à celui-ci (Karol il Grande), on
voit que l’auteur n’hésitait pas à user de l’hyperbole. Il se
justifie, cette fois, en se référant au Time de New York, qui, en
1994, avait désigné Jean-Paul II comme “ l’homme de l’année ”
et avait écrit : “ Ses idées sont très différentes de
celles de la majeure partie des mortels. Elles sont plus grandes. ”
L’Histoire
a accordé l’épithète de “ Grand ” à peu de papes. L’Annuario
pontificio, dans la liste des souverains pontifes qui ouvre, chaque
année, le volume, ne retient pas ce genre d’épithètes. En revanche,
il signale les papes qui ont été béatifiés ou canonisés. C’est un
autre critère. Sur les neuf papes qui ont exercé leur Magistère au XXe
siècle, cinq ont été canonisés, béatifiés ou voient leur cause
introduite. C’est beaucoup.
Pour
en revenir au livre de Domenico Del Rio, on appréciera la chronologie
biographique détaillée de Jean-Paul II qui termine le volume et les
listes, déjà incomplètes, des encycliques et des voyages apostoliques.
On
se doute bien que réaliser en trois cents pages la biographie d’un pape
qui va atteindre les vingt-cinq ans de son pontificat, conduit à faire
des choix. Dans cette biographie, sans notes, sans références ni
bibliographie, on trouvera donc un récit des grands événements, un
récit brillant, agréable, avec des vues originales, plus qu’une
analyse et une mise en perspective historique.
.
Evi Crotti et Andrea Tornielli, Dalla
penna dei Papi, Gribaudi, 103 pages, 7,50 ¤.
Jadis,
Carlo Falconi s’était risqué à dresser le portrait psychanalytique de
certains papes (I Papi sul divano. L’autoanilisi dei pontefici
testimoni di se stessi, SugarCo Edizioni, Milan, 1975, 399 pages). Le
pontificat de saint Pie X fut ainsi caractérisé, selon l’auteur, par
“ le sadisme de l’autorité ”…
Aujourd’hui,
c’est à la lumière de la graphologie qu’Evi Crotti, psychologue,
pédagogue et graphologue, et Andrea Tornielli, vaticaniste du quotidien Il
Giornale, passent en revue les papes du XXe siècle. Les analyses
faites de manière systématique pour chacun d’eux (de Léon XIII à
Jean-Paul II) sont résumées ensuite dans un tableau à sept
entrées : “ humanité ”, “ objectivité ”,
“ détermination ”, “ cohérence avec son propre
credo ”, “ souplesse mentale ”, “ conscience
de soi ”, “ humilité scientifique ”. Chacune de ces
caractéristiques, décelables paraît-il à travers l’écriture, est
évaluée sur une échelle de 0 à 4.
Une
telle analyse faite sur l’écriture de personnages publics, des
décennies après leur mort et après que leur œuvre ait déjà fait l’objet
d’amples jugements historiques, est forcément conditionnée par ces
jugements. Définir, soi-disant d’après son écriture, le tempérament
de saint Pie X comme “ introverti, rigide et intransigeant, avec
une bonne capacité assimilative et exécutive ”, est-ce de la
graphologie ou la répétition d’une vulgate simpliste qui résume le
pontificat du pape Sarto à la lutte antimoderniste ?
Revue
des revues
.
Le Baptistère (25-27 rue Lecourbe, 75015
Paris, 3 ¤ le numéro) se présente comme un “ Bulletin d’information
et de formation ”. À l’évidence, cette publication, dirigée
par des laïcs, est proche de la Fraternité Saint-Pierre. On y trouve des
informations, des documents et des témoignages sur la vie de l’Eglise.
Par exemple, dans le n° 2, juin-juillet 2003, l’abbé Michel de
Fommervault, de la Fraternité Saint-Pierre, poursuit la publication de
son “ Parcours ”. On trouve aussi, sur deux pleines pages,
un reportage photographique en couleurs sur la messe historique du 24 mai
dernier dans la Basilique Sainte Marie Majeure.
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D.I.C.I. (Etoile du Matin, 57230
Eguelshardt, 2 ¤ le numéro) publie, dans son n° 79, la récente Note de
la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Considérations à propos
des projets de reconnaissance juridique des unions entre personnes
homosexuelles. Le document est publié dans son intégralité mais le
bulletin de la FSSPX le fait précéder d’un avertissement :
“ Nous
livrons ce document qui présente de nombreux éléments positifs. Les
unions contre nature sont clairement condamnées et repoussées jusque
dans les conséquences pratiques. Cependant, un point négatif mérite d’être
souligné. Le numéro 2 énumère les deux fins principales du mariage
(procréation et soutien mutuel) dans l’ordre inverse de celui qui est
donné par toute la tradition, laissant entendre que la seconde serait la
fin primaire, à laquelle la première serait subordonnée. L’on
découvre le germe de cette inversion au Concile lors de la discussion sur
le schéma de l’Eglise dans le monde moderne (Gaudium et spes).
Les cardinaux Brown et Ottaviani luttèrent vigoureusement contre cette
nouveauté, mais il fallut l’intervention expresse de Paul VI pour la
repousser (Cf. Ralph M. Wiltgen, Le Rhin se jette dans le Tibre,
Editions du Cèdre, 4e éd., 1982, p. 267). Cependant le nouveau Code va
consacrer l’inversion des fins du mariage à la suite du concile Vatican
II. Là où le code traditionnel précise que “la fin primaire du
mariage est la procréation et l’éducation des enfants ; la fin
secondaire est l’aide mutuelle et le remède à la concupiscence“
(canon 1013), le nouveau code définit le mariage comme “une communauté
de toute la vie ordonnée, par son caractère naturel, au bien des
conjoints ainsi qu’à la génération et à l’éducation des enfants“
(canon 1055). Nous retrouvons cette inversion dans le Catéchisme de l’Eglise
catholique (cf. §§ 1601, 2201 et 2368) entraînant un flou de mauvais
aloi sur l’attitude que le catholique doit observer vis-à-vis de la
régulation des naissances. ”
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Pacte (23 rue des Bernardins,
75005 Paris, 2,50 ¤ le numéro), publie, dans son n° 76, un entretien
avec l’abbé de Cacqueray, supérieur du district de France de la FSSPX.
L’abbé de Cacqueray reconnaît, au cours de l’entretien : “ sur
la question épineuse entre toutes de la messe traditionnelle, nous
arrivons à certains résultats ”. Il souhaite, à propos du
concile Vatican II, “ accomplir le même genre de travail ”
et il évoque le second symposium sur Vatican II qui se tiendra à Paris
les 5 et 6 octobre prochains. Il précise : “ ce symposium est
conçu comme un canon à quatre coups. Nous nous réunirons tous les ans
jusqu’en 2005, pour fêter à notre manière les quarante ans de la
clôture du Concile. ”
Sur
le concile, on peut aussi signaler l’ouvrage de l’abbé de Tanoüarn, Vatican
II et l’Evangile (Editions Servir, 15 rue d’Estrées, 75007 Paris,
332 pages, 15 ¤). Un ouvrage qui contient des analyses impressionnantes,
mais avec lequel on ne sera pas toujours d’accord. Nous y reviendrons. |