Une
controverse sur le scoutisme
L’Ange
gardien (Prieuré Sainte-Croix, 50 rue de la Gare, 59170 Croix), qui
est le bulletin d’un prieuré de la Fraternité Saint-Pie X, a consacré
tout son numéro, celui de mai dernier, à mettre en garde contre le
scoutisme. Sous le titre “ Baden-Powell modèle pour nos petits
catholiques ? ”, est lancée une charge contre “ les
principes philosophiques infusés par Lord Baden-Powell lui-même,
principes qui guident le Scoutisme ”. Avant d’examiner cet
article, et de le mettre en perspective historique, précisons que cette
position d’un bulletin de la FSPX n’est en rien représentative d’une
appréciation sur le scoutisme qui serait celle de la FSPX en général.
Plusieurs écoles et prieurés de la FSPX acceptent, en leur sein, la
présence de troupes scoutes et des prêtres de la FSPX sont aumôniers de
troupes scoutes ou encadrent des camps scouts.
L’article
en question met en cause une supposée appartenance maçonnique du
fondateur du scoutisme, dénonce le “ libéralisme pratique ”,
le “ naturalisme ”, l’ “ œcuménisme ” du
scoutisme et nie qu’il y ait une “ spiritualité scoute ”.
Évoquant les fondateurs du scoutisme catholique en France (les pères
Sevin et Doncœur et le chanoine Cornette), l’auteur de cet article
estime que ce “ baptême ” n’a été qu’un “ plaquage ”
et juge que le scoutisme attend encore d’être subordonné “ aux
principes doctrinaux catholiques ”. Quand cette subordination sera
accomplie alors, estime le même auteur, “ le scoutisme ne sera
peut-être plus Scout, mais il sera Catholique ”.
Rémi
Fontaine, ancien scout et qui a consacré plusieurs ouvrages au scoutisme,
a répondu à cette dénonciation dans un article paru dans Présent,
le 11 juin, sous le titre “ Une ridicule mise en garde ”. À
l’accusation d’accointance entre le scoutisme et la franc-maçonnerie,
il répond : “ Qu’il y ait des “relents“ de
franc-maçonnerie dans le scoutisme, même catholique, cela est bien
possible mais ne touche pas l’essentiel, seulement le folklore par
nature contingent et sans importance décisive. Ces relents éventuels
sont en outre largement dissipés par le parfum de christianisme qui
émane intrinsèquement du scoutisme. ”
La
question n’est pas nouvelle. Daniel Ligou, franc-maçon lui-même,
auteur d’un Dictionnaire de la franc-maçonnerie (P.U.F.) qui
fait référence, écrit de Baden-Powell qu’il ne fut pas franc-maçon
“ contrairement à une légende solidement établie ”. Louis
Fontaine, qui a rassemblé dans La Mémoire du scoutisme. Dictionnaire
des hommes, des thèmes et des idées (Publications L.F., 1999) une
documentation de premier ordre et de nombreuses pièces d’archives,
consacre au thème “ Franc-maçonnerie et scoutisme ” dix
grandes colonnes qui passent en revue, de manière très
détaillée, différents moments et acteurs de l’accusation,
depuis les années 1910.
On
renverra encore au récent livre de Philippe Maxence, Baden-Powell.
1857-1941. Éclaireur de légende et fondateur du scoutisme (Editions
Perrin, 395 pages, 22,50 ¤). C’est la biographie la complète qui
existe en français sur le fondateur du scoutisme. Philippe Maxence y
examine la question de l’appartenance de Baden-Powell à la
franc-maçonnerie et conclut par la négative. Il examine aussi, à deux
reprises, de manière objective (pages 53-54 et page 96), une autre
accusation portée contre Baden-Powell : sa supposée homosexualité.
Alors
même que paraissait le numéro polémique de L’Ange Gardien,
Rémi Fontaine publiait L’âme du scoutisme (Editions de
Paris, BP 30107, 75327 Paris cedex 07, 90 pages, 15¤). Il y montre qu’il
existe une “ spiritualité scoute ”. Elle remonte aux
fondateurs du scoutisme catholique en France. Le chanoine Cornette
écrivait de la loi scoute qu’elle est l’ “ expression
concrète des pures maximes de l’Evangile, traduction en formules
brèves et claires, ad mentem adolescentium, des principes posés
par le Décalogue et le Sermon sur la Montagne. ” Il y a eu
christianisation d’une méthode et d’un esprit. Rémi Fontaine, qui
juge que la plus grande partie du mouvement scout a été infidèle à sa
mission en se sécularisant à partir des années 60, voit le scoutisme
catholique traditionnel comme “ un retour en chrétienté ”,
comme “ un tiers-ordre éducatif opérant en tant que
chrétien pour mieux former et envoyer ses membres agir en
chrétiens dans le monde. Il réalise en somme une micro-chrétienté
dans ce monde sécularisé, une communauté de vie chrétienne, un pôle
de civilisation d’où se répandent lumière et pureté. ”
PIE
XI ET LE SCOUTISME
La
controverse relancée par L’Ange gardien donne l’occasion de
rappeler l’origine des accusations portées contre le scoutisme
catholique en France, à ses débuts, et la façon dont elle s’éteignit,
à cette époque, suite à l’intervention du pape Pie XI, qu’on ne
peut suspecter de “ libéralisme ”, de “ naturalisme ”
et d’ “ œcuménisme ” !
En
1920, le scoutisme catholique (Scouts de France, SDF) fut fondé par le
père Jacques Sevin (1882-1951), un jésuite dont le procès de
béatification est ouvert depuis 1991. Il avait été encouragé et aidé
à ses débuts par le père Desbuquois, un autre jésuite, fondateur de l’Action
populaire. C’est l’A.P. qui, en 1922, édita et diffusa le livre
du P. Sevin, Le scoutisme, étude documentaire et applications. C’est
encore le P. Desbuquois qui épaula le P. Sevin quand les premières
dénonciations du scoutisme, pour “ naturalisme ” et “ panthéisme ”,
parvinrent à Rome. Elles provenaient, notamment, de la Revue
internationale des sociétés secrètes de Mgr Jouin (cf. RISS,
XIII, 1924, p. 343). Le P. Desbuquois encouragea le P. Sevin à aller à
Rome, défendre lui-même sa cause. Il l’adressa aux relations qu’il
avait là-bas (Mgr Tiberghien, Mgr Vanneufville, le P. Rosa) et qui
pourraient utilement l’orienter. Le P. Sevin réussit à être reçu par
Pie XI, en compagnie du général Guyot de Salins, en mai 1924. Le pape,
qui savait les sentiments que peut inspirer la nature – il fut un grand
alpiniste, jusqu’en 1913 ! –, comprit l’esprit qui animait ce
nouveau mouvement de jeunesse, né hors de l’Eglise mais transformé par
elle. Il demanda néanmoins une modification de l’article 6 de la loi
scoute qui deviendra : “ Le scout voit dans la nature l’œuvre
de Dieu ”.
Cette
rencontre Sevin-Pie XI, qui resta sans doute ignorée de beaucoup, ne fit
pas taire les critiques. Le combatif et antilibéral chanoine Gaudeau,
dans sa revue La Foi catholique (juin et juillet 1925), reprit,
contre le scoutisme, l’argument du naturalisme. D’autres
dénonciations arrivèrent à Rome.
Pie
XI, alors, décida de se réserver la cause. Il détrompa un cardinal
français qui se déclarait inquiet “ d’infiltrations
protestantes et même bouddhistes ” dans le scoutisme. Et surtout,
il favorisa la venue à Rome, le 6 septembre 1925, de 10.000 Esplorati
cattolici, de tous pays. Il célébra, pour eux, une messe solennelle
en la Basilique Saint-Pierre puis il les reçut, pour une audience
exceptionnelle, dans la Cour du Belvédère. Pendant une heure, par
troupes constituées, en uniforme et avec leurs fanions, les scouts
défilèrent devant le trône pontifical puis le Pape leur adressa une
longue allocution. Ce discours, qui n’a pas été traduit dans les Actes
de S.S. Pie XI, mais que l’on trouve dans l’Osservatore romano
(9.9.1925) comme dans le recueil des Discorsi di Pio XI (vol. I,
pp. 431-436), trace, pour la première fois dans un enseignement
pontifical, la nature, la spécificité et la vocation du scoutisme
catholique.
LES
DROITS DE L’HOMME
Sous
l’autorité du Conseil pontifical Justice et Paix, paraît un fort
volume : I diritti dell’uomo nell’insegnamento della Chiesa
(Libreria Editrice Vaticana, 951 pages, 49,60 euros). Il s’agit d’un
recueil systématique des documents pontificaux qui ont traité, ces
quarante dernières années, des “ droits de l’homme ”.
Les
textes publiés, en italien, sont présentés non de manière
chronologique mais de manière thématique. Une première partie présente
l’enseignement magistériel sur la “ dignité humaine ” et
les “ droits de l’homme ” en général. Une seconde partie
publie les documents pontificaux qui ont trait à des droits particuliers.
Le recueil en distingue dix-huit : du “ droit à la vie ”
aux “ droits des nations et des peuples ”, en passant par le
“ droit à la propriété, le “ droit à la liberté de
conscience et de religion ”, et autres droits.
L’intérêt
documentaire d’un tel recueil est évident, en particulier grâce aux
dix index analytiques qui terminent le volume. Le plus utile de ces index,
et le plus abondant, est l’index thématique. Bien que le recueil ne
contienne, face à tant de “ droits ”, aucune section
consacrée aux “ devoirs ” parallèles, l’index
thématique donne quelque 200 références au mot “ Dovere/i “ .
La
faiblesse patente d’un tel recueil apparaît dès le titre. Ce recueil
sur “ Les droits de l’homme dans l’enseignement de l’Eglise ”
va Da Giovanni XXIII a Giovanni Paolo II. L’enseignement de l’Eglise
sur ces questions aurait-il commencé en 1963 ? Le Conseil pontifical
Justice et Paix comme la Libreria Editrice Vaticana ne sont pourtant pas
sans ignorer que, depuis Pie VI, l’Eglise s’est prononcée sur les
droits de l’homme, avec une plus grande fréquence à partir de Pie XII,
et même à partir de Pie XI. Ils doivent d’autant moins l’ignorer que
les successeurs de Pie XI et de Pie XII, “ de Jean XXIII à
Jean-Paul II ”, ont fait explicitement référence à leurs
enseignements. Continuité ou simple référence, c’est une autre
question.
Sedes
Sapientiæ (Société Saint-Thomas d’Aquin, 53340
Chémeré-le-Roi, n° 84, été 2003, 8 ¤) publie un article de l’abbé
Bernard Lucien consacré à l’infaillibilité du Magistère. Après
avoir décrit, dans un précédent numéro, le “ gauchissement
doctrinal ” qui consiste à minimaliser le dogme de l’infaillibilité
pontificale, l’abbé Lucien examine le sens des mots “ définir ”
et “ définition ” dans ce même dogme de Vatican I et dans
l’enseignement du Magistère depuis cette époque. Il en arrive à la
conclusion, conforme à l’enseignement actuel du Magistère, qu’il
existe des “ types divers ” d’actes auxquels est attachée
l’infaillibilité pontificale : la définition ex cathedra
(la dernière date de 1950 : le dogme de l’Assomption promulgué
par Pie XII) et la doctrine déclarée comme “ définitive ”
par le Souverain Pontife.
Ce
même numéro comprend un long portrait d’Alban de Villeneuve-Bargemont,
premier des catholiques sociaux, par le père Daniel Zordan, religieux de
Saint-Vincent-de-Paul.
Oremus
(11 avenue Chauchard, 78000 Versailles) a réédité, en un élégant
petit volume relié de 638 pages, un “ missel de voyage ”,
selon la liturgie traditionnelle. Ce Missel des dimanches et fêtes, paru
en 1961, est réédité avec une “ Table du temps et des fêtes
mobiles ” qui va jusqu’en 2025.
Dans
ses “ Notules vacancières ” (Présent,
4 juillet 2003), dont on regrette qu’elles ne soient pas publiées plus
souvent, Jean Madiran évoque une “ nouvelle messe ” à
laquelle il a participé : “ Dimanche de la Trinité. Paroisse
très déchristianisée mais qui a encore un curé. Peu de monde à l’église,
guère d’enfants, pas de garçons, seulement des filles dans le chœur.
Liturgie dite “conciliaire“, largement étrangère aux normes de la
constitution conciliaire sur la liturgie et même à celles de la messe
nouvelle de Paul VI. […] En revanche le sermon est impressionnant. En
termes simples, en peu de paroles, le curé énonce et affirme le mystère
de la Sainte Trinité. Il accomplit l’acte extérieur de la foi. […]
Rien, me semble-t-il, ne permet d’affirmer que la consécration n’ait
pas été valide. L’Eglise militante est malade. Mais, malade, elle est,
elle demeure l’Eglise. ”
Dans
un
article d’une quarantaine de pages consacré à
Christophe Geffroy, à Jean Madiran et au rédacteur de cette plus que
modeste lettre, une revue, à laquelle de hautes autorités me conseillent
de ne plus répondre, me dépeint comme “ un des principaux
représentants laïcs ” d’une imaginaire “ cinquième
colonne libérale ”. Sans répondre donc à ces pages trop longues,
je me contenterai de faire mienne cette position du bienheureux Pie IX à
qui, encore évêque, ses adversaires faisaient une réputation de “ libéral ” :
“ Je déteste et j’abomine jusqu’à la moelle de mes os les
pensées et les actions des libéraux ; mais le fanatisme des
soi-disant papalins ne m’est assurément pas sympathique. Le juste
milieu, ce juste milieu chrétien, et non le diabolique juste milieu qui
est aujourd’hui à la mode, serait la voie que j’aimerais suivre avec
l’aide du Seigneur : mais y réussirai-je ? ”.
Des
lecteurs se sont inquiétés du silence d’Alétheia
depuis le mois de mai. Cette pauvre feuille volante aurait-elle cessé de
paraître ou aurait-elle été victime de quelque ukase ? Il n’en
est rien. Ses lecteurs savent, depuis le numéro 1, qu’il s’agit d’un
“ non-périodique ”. La parution d’Alétheia
dépend non de l’actualité ou d’impératifs contractuels comme le
serait une publication à abonnements mais du temps et des fonds dont
dispose son unique rédacteur et diffuseur. |