Trois
réactions à l'encyclique
Ecclesia de Eucharistia
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Le père Paul De Clerck, théologien, professeur à l’Institut
catholique de Paris, interrogé par la
Croix le 18 avril 2003, commente la récente
encyclique sur l’Eucharistie (cf. Alétheia n° 41). Il le fait
sur un ton qui aurait été inimaginable il y a quarante ans. Il estime :
« Les idées neuves sont entravées par le recours à la théologie
eucharistique du Moyen Age occidental dont on connaît aujourd'hui les
limites », « l’encyclique oublie de se situer dans une
perspective historique », « elle semble se réduire à la
théologie occidentale classique qui n'a qu'un seul propos : le sacrifice
et le rôle sacerdotal du prêtre », « les deux mises en garde
majeures concernent la dimension sacrificielle de l'Eucharistie, fortement
soulignée, et la "nécessité du sacerdoce ministériel". On
peut parler ici de crispation. »
Cette
réaction d’une autorité enseignante, relayée par le seul quotidien
catholique quasiment officiel en France, montre, a contrario, la
nécessité de cette encyclique de clarification doctrinale.
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Christophe Geffroy, dans le numéro de mai de La
Nef, avant d’en proposer une lecture pas à pas,
présente ainsi l’encyclique : « Texte à vocation
essentiellement doctrinale, il s’intéresse à l’Eucharistie dans ses
aspects théologiques, non à la liturgie — c’est-à-dire à la façon
concrète dont l’Eucharistie est célébrée —, sauf de façon
incidente ici ou là. En effet, la situation pratique de la liturgie dans
les paroisses est rarement abordée, de même que les questions rituelles
qui sont totalement absentes. » Il signale aussi que « le
cardinal Ratzinger a largement collaboré » à la rédaction de
cette encyclique.
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Jean Madiran, le 30 avril, dans le quotidien Présent,
reconnaît que l’encyclique « rappelle avec force le miraculeux
changement » de la transsubstantiation, et qu’elle « s’en
prend surtout aux causes doctrinales de la décomposition
liturgique ». Il estime aussi que le Saint-Siège finira par rendre
aux catholiques « la messe » — dans sa forme traditionnelle
— ; « c’est inévitable ».
L’abbé
Berto
Dans
son numéro 43, comme je l'ai ici déjà signalé, la revue trimestrielle Le
Sel de la Terre, des Dominicains d’Avrillé (Couvent de la
Haye-aux-Bonshommes, 49240 Avrillé, 14 ¤ le numéro), publiait,
pages 17 à 55, des « Lettres du Concile » de l’abbé
Victor-Alain Berto (1900-1968). Jean Madiran, aussitôt, dans une pleine
page de Présent (1er/2/2003), relevait plusieurs
« anomalies » inexpliquées dans cette publication.
Jean
Madiran — à la différence des Dominicains d’Avrillé dont aucun n’a
connu celui dont ils ont publié les lettres — avait bien connu l’abbé
Berto, à partir de 1955. Jean Madiran avait publié dix-huit de ses
articles dans Itinéraires, et pouvait, à juste titre, l’appeler
« notre ami vénéré » (cf. les 174 pages qui lui furent
consacrées, après sa mort, dans le n° 132 d’Itinéraires,
avril 1969).
Les
Dominicaines du Saint-Esprit, de Pontcalec, fondées par l’abbé Berto,
dirigées par lui jusqu’à sa mort et héritière de ses écrits comme
de sa pensée, ont réagi aussi à cette publication intempestive des
religieux d’Avrillé. Elles avaient été, il y quarante ans, les
destinataires de ces lettres, publiées aujourd’hui sans leur accord.
Ces
religieuses, qui se consacrent, dans la discrétion, à une œuvre
admirable d’éducation envers les « chers petits pauvres »,
publient, en douze pages, une Réponse à la revue Le Sel de la
terre n° 43 (brochure, hors commerce, disponible,
contre une offrande puis-je me permettre d’ajouter, à l’Institut des
Dominicaines du Saint-Esprit, Pontcalec, 56240 Berné).
La
religieuse dominicaine, modestement anonyme, qui a signé ces pages,
précise d’emblée, selon les normes du droit français, et
particulièrement du droit qui régit la propriété littéraire, que la
correspondance de l’abbé Berto « est presque tout entière la propriété
exclusive de l’Institut des Dominicaines du Saint-Esprit ». L’autorisation
de procéder à cette publication n’a pas été demandée par les
Dominicains d’Avrillé et, précise la rédactrice, « elle aurait
été formellement refusée pour plusieurs raisons ».
Ces
raisons sont exposées avec précision. Il appert que la publication des
lettres faite par les Dominicains d’Avrillé s’est faite non sans
coupures, importantes et graves, notamment les passages où l’abbé
Berto voulait faire saisir à ses correspondantes — les Dominicaines de
Pontcalec — toute sa pitié filiale envers Paul VI. Les Dominicaines de
Pontcalec, fidèles à l’esprit romain de leur fondateur, jugent aussi
que ces lettres qui leur étaient adressées « n’ont été ni
pensées, ni vécues, ni communiquées, dans l’esprit de la Revue
[le Sel de la terre] qui les confisque aux fins de sa
dialectique. »
Sans
reproduire tous les arguments et très utiles éclairages apportés par
cette Réponse, on citera encore ces lignes écrites par l’abbé
Berto, à quelques semaines de sa mort, et qui sonnent comme un testament
spirituel : « Je recommande à tous ceux et à toutes celles
qui se sont trouvés plus spécialement confiés à moi, la fidélité à
Notre Seigneur Jésus-Christ, la piété envers la sainte Vierge Marie, la
fréquentation de l’Eucharistie, l’esprit de prière, l’attachement
et la docilité envers le Souverain Pontife et l’Eglise romaine, l’amour
de la vérité. Ce sont ces sentiments qui ont rempli ma vie. Je souhaite
qu’ils remplissent la leur. »
Tout
lecteur des « Lettres du Concile » parues dans Le Sel de la
terre doit connaître les précisions et rectifications apportées par
les héritières spirituelles et doctrinales de leur rédacteur.
Nouveautés
romaines
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Francesco LEONI, Il Cardinale Alfredo Ottaviani, carabiniere della
Chiesa, Editrice Apes, 31 pages
Le
professeur Leoni, recteur de l’Université libre « S. Pio
V » fondée à Rome par le cardinal Ottaviani consacre une étude à
la pensée et « au rôle politique » de celui qui fut
surnommé « le carabinier de l’Eglise » et qui est mort en
1979. On trouvera là des renseignements intéressants et de longs
extraits de textes ou de documents, notamment le texte intégral de l’entretien
accordé en 1969 à la revue Relazioni. Le cardinal y expliquait
dans quel contexte sont intervenues les deux condamnations du communisme
prononcées par le Saint-Office, en 1949 (sous Pie XII) et en 1959 (sous
le bienheureux Jean XXIII).
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Burkhardt SCHNEIDER, Pio XII, San Paolo, 148 pages.
Burkhardt
Schneider (1917-1976), jésuite d’origine allemande, docteur en
théologie et docteur en histoire ecclésiastique, professeur d’histoire
de l’Eglise à l’Université Pontificale Grégorienne pendant plus de
vingt ans, fut le fondateur, en 1963, de la revue annuelle Archivum
Historiæ Pontificiæ, qui reste une des principales revues d’histoire
ecclésiastique. Il fut aussi le co-directeur et co-éditeur du célèbre,
mais peu lu, recueil documentaire : Actes et documents du
Saint-Siège relatifs à la seconde guerre mondiale (Libreria Editrice
Vaticane, douze volumes publiés de 1965 à 1981).La collation et l’édition
de ces actes et documents lui avaient donné une exceptionnelle
connaissance du pontificat et de la personne de Pie XII. De cette
familiarité historique avec le Pastor Angelicus, il avait tiré un
livre, publié en 1968 en allemand : Pius XII. Friede, das Werk
der Gerechtigkeit. Ce livre est aujourd’hui traduit en italien,
augmenté d’une présentation par le P. Blet s.j., un des quatre
responsables de l’édition des A.D.S.S., d’une « Nota
bibliografica » sur Pie XII par Franco Perini et de trois appendices
très importants : « La Santa Sede e la difesa degli Ebrei
durante la seconda Guerra mondiale » par Robert A. Graham s.j.
(article paru initialement dans La Civiltà cattolica en 1990),
« La Leggenda alla prova degli archivi. Le ricorrenti accuse contro
Pio XII » par Pierre Blet s.j. (article paru initialement dans La
Civiltà cattolica en 1988) et « Pio XII e gli Ebrei » par
le rabbin David G. Dalin (article paru initialement dans The Weekly
Standard le 26.2.2001).
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PONTIFICIO CONSIGLIO PER LA FAMIGLIA, Lexicon. Termini ambigui e
discussi su famiglia, vita e questione etiche, Edizioni
Dehoniane Bologna, relié, 867 pages.
S’il
est un domaine où la continuité du Magistère est indéniable, de Pie XI
à Jean-Paul II, c’est bien celui qui concerne la famille, les droits à
la vie et les questions éthiques. Le Conseil pontifical pour la famille a
décidé, en 1999, de présenter cet enseignement en un volume
synthétique et analytique à la fois : 78 thèmes ont été retenus
et ont été confiés à des spécialistes de différents pays
(théologiens, psychologues, scientifiques, clercs ou laïcs). Ils ont
œuvré dans un souci de synthèse, claire et suffisamment ample pour
répondre aux questions et objections, et aussi dans un esprit de
fidélité à l’enseignement de l’Eglise sur ces questions.
Présentés par ordre alphabétique, les thèmes traités vont de l’Amore
conjugale à l’idéologie « Pro choice » (Vita e
scelta libera), en passant par le travail des enfants, la
biotechnologie, la contraception, le contrôle des naissances, l’économie
domestique, l’euthanasie, les familles monoparentales, l’idéologie du
« Gender », l’avortement, les mariages mixtes, et des
dizaines d’autres notions ou réalités. Parmi les 69 collaborateurs de
ce Lexicon, on relève le nom de dix français ou
francophones : Tony Anatrella, prêtre et psychanalyste, qui, au
moment des débats français sur le Pacs ou, en d’autres occasions, sur
la drogue, a su exprimer des positions à contre-courant du discours
dominant ; Mgr Jean-Louis Bruguès, évêque d’Angers, qui a
longtemps enseigné la théologie morale à l’Université de Fribourg
(Suisse) ; le père Cottier o.p., théologien de la Maison
pontificale ; le professeur Gérard-François Dumont, démographe
anti-malthusien ; Marie-Thérèse Hermange, député européen ;
le professeur Jean Didier Lecaillon, économiste ; le Dr Jean-Marie
Le Méné, président de la Fondation Jérôme Lejeune ; Jean-Marie
Meyer, philosophe ; le père Michel Schooyans, spécialiste de
démographie politique ; Jacques Suaudeau, docteur.
Revue
des revues
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La revue italienne Si si no no (Via Madonna degli Angeli,
78 I - 00049 Velletri), proche du District italien de
la FSSPX, consacre, dans son numéro du 15 mars 2003, un article à l’entretien
que Sœur Lucie de Fatima, a accordé en 1993 au cardinal Vidal. La revue
s’indigne des propos tenus en cette occasion et conclut qu’ « à
la ‘nouvelle’ Eglise il ne pouvait manquer un ‘nouveau’ Fatima et
une ‘nouvelle’ Sœur Lucie ».
La
revue croit que cet entretien « a été tenu jusqu’ici caché (nascota) ».
Il n’en est rien. Cet entretien, et un autre, ont été édités en
portugais en 1998. J’ai contribué à leur traduction et édition en
français en 1999 (Fatima. Sœur Lucie témoigne, Editions du
Chalet). Les propos de Sœur Lucie avaient été alors fortement
contestés par des publications en français de la FSSPX. Cette
controverse a d’ailleurs été à l’origine de cette modeste Alétheia.
Si
nouveauté il y a aujourd’hui, ce n’est point dans les propos de Sœur
Lucie, connus donc depuis plusieurs années, mais dans le fait que, pour
la première fois, en janvier 2003, l’entretien de 1993 a été diffusé
sur les ondes italiennes. Ceux qui contestaient imprudemment l’authenticité
des propos de Sœur Lucie doivent donc s’incliner. Même s’il est
loisible de chercher des explications aux affirmations de la
voyante : la consécration « a été faite » en 1984, et
la conversion de la Russie « a déjà commencé ».
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StAR (The Saint Austin Review, 296A Brockley Road, London, SE4
2RA, United Kingdom), est une revue, de langue anglaise, proche de la
Fraternité Saint-Pierre. Publication bimensuelle, à la présentation
très élégante, elle consacre dans son numéro de mars-avril un dossier
à la France. On y lit, notamment, des articles sur Mauriac, Bernanos,
Maurras (accompagné d’une brève anthologie).
Dans
cet ensemble intéressant, on trouve un article curieux, signé par Ferdi
McDermott, « The Ball and the Cross. Haunted by the Ghost of
Maurras ». L’auteur y affirme que Mgr Lefebvre est issu d’une
« solide famille d’AF [Action Française] » et qu’il
était « un vrai maurrassien » (a true Maurrassian). C’est
donc logiquement que, la crise de l’Eglise survenant, Mgr Lefebvre
aurait « subordonné » (subservient) sa foi catholique
à ses « quelques grandes idées », maurrassiennes, bien
entendu.
La
réalité est tout autre. De son vivant, Mgr Lefebvre s’était
expliqué, à plusieurs reprises, sur son « maurrassisme »
supposé. Tout lecteur de bonne foi de la biographie que lui a consacrée
Mgr Tissier de Mallerais (Marcel Lefebvre. Une vie, Clovis, 2002,
719 pages), y trouvera aussi une réfutation incontestable de cette
légende. Il est regrettable qu’une revue traditionaliste anglaise la
perpétue encore, et pas à bon escient. |