La
réconciliation de l’Union sacerdotale Saint Jean-Marie Vianney avec
le Saint-Siège
Le
14 janvier dernier, Mgr Roberto Gomes Guimarães, évêque du diocèse de
Campos, au Brésil, et Mgr Licino Rangel, évêque de l’Union
Sacerdotale Saint Jean-Marie Vianney, établie à Campos, ont signé une
“ Déclaration conjointe ”. Cette déclaration annonce que “ notre
Saint-Père, le Pape Jean-Paul II, a signé le document d’accueil dans
la pleine communion ecclésiale des prêtres de Campos, membres de l’Union
sacerdotale Saint Jean-Marie Vianney, ainsi que des fidèles catholiques
assistés par eux. Ils sont de ce fait considérés comme parfaitement
insérés au sein de la sainte Eglise Catholique, Apostolique et Romaine.
”
L’Union
sacerdotale Saint Jean-Marie Vianney avait été fondée par Mgr Antonio
de Castro Mayer, qui dirigea le diocèse de Campos de 1949 à 1981. Son
opposition au Novus Ordo Missae , promulgué en 1969, et à la
doctrine conciliaire sur la liberté religieuse, l’avait conduit à
rejoindre Mgr Lefebvre dans son combat pour la Tradition. En 1988, il
avait participé avec celui-ci à la consécration de quatre évêques
pour la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X : Mgr Bernard Fellay, Mgr
Alfonso de Galaretta, Mgr Bernard Tissier de Mallerais et Mgr Richard
Williamson.
Le
25 avril 1991, Mgr de Castro Meyer décédait. Trois mois plus tard, le 28
juillet, Mgr Tissier de Mallerais, Mgr de Galaretta et Mgr Williamson se
rendaient à Campos pour consacrer évêque Mgr Licino Rangel, de l’Union
sacerdotale fondée par Mgr de Castro Meyer.
Aujourd’hui
cette Union sacerdotale et son évêque se retrouvent à nouveau en
communion avec le Saint-Siège. La cérémonie officielle de
réconciliation a eu lieu le vendredi 18 janvier, dans la cathédrale de
Campos, sous la présidence du cardinal Castrillon Hoyos, préfet de la
Congrégation pour le clergé et président de la Commission pontificale
“Ecclesia Dei ”, chargée des relations avec les communautés
traditionalistes.
Ce
même jour, un décret de la Congrégation des évêques érigeait l’Union
Saint Jean-Marie Vianney en Administration apostolique personnelle et
nommait Mgr Rangel à sa tête. Ce statut canonique accordé par le
Saint-Siège pour intégrer Mgr Rangel et les 26 prêtres de l’Union
sacerdotale est très généreux. Le Code de droit canonique le définit
ainsi : “ L’administration apostolique est une portion déterminée du
peuple de Dieu qui, pour des raisons tout à fait spéciales et graves, n’est
pas érigée en diocèse par le Pontife Suprême, et dont la charge
pastorale est confiée à un Administrateur apostolique qui la gouverne au
nom du Pontife Suprême ” (can. 371, § 2).
Parallèlement,
Mgr Rangel et les prêtres de la nouvelle Administration apostolique ont
fait une déclaration que je cite intégralement dans la langue originale
(pour n’en pas trahir les intentions) :
-
Reconheemos o Santo Padre, o Papa João Paulo II, com todess os seus
poderes e prerrogativas, prometendo-lhe nossa obediência filial e
offereendo nossa oração por ele.
-
Reconheemos o Concilio Vaticano II como um dos Concilios Ecumênicos da
Igreja Catôlica, accitando-o à luz da Sagrada Tradição.
-
Reconheemos a validade do Novus Ordo Missae, promulgado pelo Papa
Paulo VI, sempre que celebrado corretamente e com a intençao de ofereer
o verdadeiro Sacrificio da Santa Missa.
-
Empenhamo-nos em aprofundar todas as questões ainda abertas, levando em
consideração o cãnon 212 do Codigo de Direito Canônicoe com um
sincero esperito de humilidade e de caridade fraterna para com todos. In
principiis unitas, indubiis libertas, in omnibus charitas (S.
Agostinho).
Cette
Déclaration est très proche de la “ Déclaration doctrinale ” qu’avait
signée Mgr Lefebvre en mai 1988 et qui constituait la première partie d’un
protocole d’accord avec le cardinal Ratzinger ; accord qui n’a pas
abouti comme chacun le sait.
Les
réactions à l’accord de Campos
•
Quelques jours avant la Déclaration conjointe de l’évêque de Campos
et de Mgr Rangel, la revue Le Sel de la terre (Couvent de la
Haye-aux-Bonhommes, 49240 Avrillé - n° 39, p. 194-197), revue des
religieux dominicains proches de la Fraternité Saint-Pie X, publiait une
“ Lettre ouverte aux prêtres de Campos ” par Dom Lourenço Fleichman,
bénédictin brésilien. Dans cette lettre, le père Fleichman,
traditionaliste, jusque là proche de Mgr Rangel, dit son hostilité à un
accord avec Rome qui serait une “ trahison ”. Il dit écrire cette
lettre “ sur le conseil et avec l’approbation de Mgr Fellay lui-même
”. Cet accord, écrit-il, se fera “ contre les conseils et les avis
des évêques de la Fraternité [Saint-Pie-X] ”.
•
Les réactions des autorités de la FSSPX à cet accord des
traditionalistes brésiliens avec le Saint-Siège semblent, pourtant,
beaucoup moins hostiles. Au début du mois de janvier, l’abbé Aulagnier,
dans le n° 36 de son très riche bulletin d’informations hebdomadaire (D.I.C.I.,
Péricentre 4 - Bât. B, 149 rue de la Délivrande, 14000 Caen), estime
que le chemin suivi par Mgr Rangel et la solution juridique trouvée “
seront, pour nous, un exemple ”.
Dans
ce même numéro, l’abbé Aulagnier écrivait : “ Je regrette
fortement la publication dans Le Sel de la terre, n° 39, de la
lettre du RP Laurent. Cette lettre est une franche méchanceté. Le Père
Laurent, du Brésil, aurait été bien inspiré de ne pas l’écrire et
les Dominicains de ne pas la publier. (...) Mon ange, un jour, m’a dit :
“Les Dominicains d’Avrillé font beaucoup de lefebvrisme. Avec cela,
ils pourront faire beaucoup de mal et, peut-être, se perdre, eux-mêmes,
un jour”. ”
•
Le 18 janvier, l’agence de presse Fides, qui dépend de la Congrégation
pour la Propagation de la Foi, publiait un communiqué sur la
réconciliation qui avait lieu ce jour-là à Campos. Dans ce communiqué
il était affirmé : “ Mgr Bernard Fellay, Supérieur de la Fraternité
Sacerdotale Saint-Pie X a tenté d’empêcher ce retour, et s’est rendu
personnellement au Brésil pour les convaincre de n’en rien faire. ”
Cette
information mériterait d’être confirmée ou démentie, en tout cas
précisée. Dans un entretien accordé à l’agence de presse APIC, le 9
janvier, Mgr Fellay, a considéré les accords de Campos comme un signe
encourageant, même s’il reste très prudent. Il a déclaré : “ La
façon dont on traitera les traditionalistes de Campos sera un véritable
test. La balle est dans le camp des autorités romaines, qui doivent
montrer quelle place ils entendent donner à la Tradition. ” Et aussi :
“ Comme nous avons la même position doctrinale que Campos, je crois que
les autorités romaines pourraient nous faire la même proposition. ”
•
Le 21 janvier, La Croix, sous la signature d’un de ses
rédacteurs en chef, Michel Kubler, estime que “ la réintégration d’un
groupe lefebvriste brésilien dans le giron catholique romain pose autant
de problèmes qu’elle en résout. ” Il se demande aussi : “ pourquoi
tant d’efforts pour “récupérer” des ouailles qui en font si peu de
leur côté, se prétendant seuls détenteurs de “la” Tradition, quand
d’authentiques catholiques se sentent délaissés, tel le fils aîné de
la parabole du prodigue...”
Cette
réaction face à la réconciliation avec les traditionalistes brésiliens
liés à la FSSPX laisse présager comment serait accueillie, dans
certains milieux catholiques français, une réconciliation avec la FSSPX
elle-même. Dans un entretien accordé au journal allemand Tagesanzeiger,
le 5 janvier dernier, Mgr Fellay, a déclaré : “ So sagte er, die
Versöhnung mit uns sei quasi unmöglich wegen der Opposition der
europäische Bischöfe, namentlich von 65 französischen Bischöfen. ”
Assise,
le syncrétisme et la religion naturelle
Le
24 janvier dernier, une nouvelle rencontre interreligieuse de prière pour
la paix a eu lieu à Assise, renouvelant celle qui avait déjà eu lieu en
1986. Toutes les confessions chrétiennes et des représentants de toutes
les grandes religions du monde étaient présents, rassemblés à l’appel
du pape.
Contrairement
à ce qui s’est dit et s’est écrit, ni en 1986 ni en 2002, il n’y a
eu de prière commune entre chrétiens et non-chrétiens, au sens de
prière unique faite en commun. Il y a eu juxtaposition de prières
propres à la religion de chacun.
On
doit relever aussi les avertissements répétés de la hiérarchie
catholique, avant la rencontre, pour ne pas conclure au syncrétisme. Le 5
janvier 2002, dans un important article paru dans l’Osservatore
romano, le cardinal Kasper, président du Conseil pontifical pour l’unité
des chrétiens, a rappelé que “ c’est seulement en
Jésus-Christ que la vérité est révélée dans sa plénitude ” et que
“ les chrétiens ne peuvent pas prier avec les membres des autres
religions ”. Il ajoutait qu’à Assise : “ tout syncrétisme doit
être exclu. Si les membres des différentes religions veulent collaborer,
cela doit se faire dans des domaines comme celui de la justice, des
valeurs morales, de la paix et de la liberté.”
Le
22 janvier, interrogé par Radio-Vatican, le cardinal Kasper est revenu
sur le sujet et a souligné qu’ “ il y a une différence entre
dialogue oecuménique et dialogue interreligieux ”. Ce dernier, a
précisé le cardinal, a “ pour but l’amitié, la compréhension
mutuelle entre les religions, sans qu’il y ait fondement commun de la
foi en Jésus-Christ et dans le baptême ”. Il a répété aussi qu’à
Assise, il n’y aurait pas de prière commune : “ nous pouvons nous
rassembler et prier, mais nous ne pouvons pas prier “ensemble”. Chaque
religion priera dans le lieu qui lui est assigné, mais nous ne prions pas
ensemble au sens propre parce que nous ne voulons pas faire un “mélange”
des religions. ”
Le
lendemain, au cours de l’Angélus, Jean-Paul II avait cru devoir
rappeler lui aussi : “ la journée de prière pour la paix n’entend en
aucune manière conduire au syncrétisme religieux.”
Toutes
ces déclarations des autorités catholiques doivent être prises en
compte lorsqu’on évoque les journées d’Assise.
Après
la rencontre d’Assise, Jean Madiran a publié dans le numéro 5001 de Présent
(5 rue d’Amboise, 75002 Paris), daté du 26 janvier, un article qui
exprime très finement “ Le paradoxe d’Assise ”. “ Il y a l’esprit
et le fait ”, explique-t-il. L’esprit d’Assise, tel que le
définit Jean-Paul II, exclut tout syncrétisme religieux ; “ le fait
est parfaitement contraire : partout la réunion d’Assise est reçue par
les médias et par l’opinion publique, même catholique, comme une
heureuse manifestation de syncrétisme... ” Le paradoxe est aussi que ce
que les religions peuvent avoir en commun - la morale naturelle et la
religion naturelle - “ est absolument contraire à la démocratie
moderne sans Dieu, aux droits de l’homme sans Dieu, qui rejettent toute
légitimité supérieure à leur supposée “volonté générale”. ”
A
travers les revues étrangères
•
Depuis le mois de mars 2001
paraît, en néerlandais, une revue consacrée uniquement aux apparitions
mariales contemporaines : AVÈ. Nieuwsbrief over actuele verschijningen
(Rudo Franken, Markt 7, NL - 6088 BP Roggel). Un de ses principaux
rédacteurs est Mark Waterinckx, excellent connaisseur des apparitions
contemporaines, notamment celles de Medjugorje. La caractéristique de
cette publication est de considérer ces apparitions contemporaines au
regard des critères traditionnels de discernement en la matière et en
tenant compte des jugements de l’Eglise.
•
Depuis le mois de septembre 2001,
paraît une très belle revue mensuelle en langue anglaise, la Saint
Austin Review (296 Brockley Road, London SE4 2RA). Dirigée par Joseph
Pearce et Robert Asch, elle est proche des communautés anglaises qui ont
bénéficié du motu proprio Ecclesia Dei. D’une très grande
qualité esthétique, StAR est une revue culturelle catholique qui
traite d’art, de musique, de littérature, de cinéma et d’histoire.
•
La Tradizione Cattolica
est la revue officielle du District italien de la FSSPX (Priorato Madonna
di Loreto, Via Mavoncello 25, I - 47828 Rimini). Dans le n° 48, l’abbé
Michel Simoulin, supérieur du District italien, qui a été mêlé de
près aux négociations engagées entre le Saint-Siège et la FSSPX,
publie un important dossier intitulé “ Roma e la Fraternità San Pio X
” (p. 48-63). Des précisions utiles et la publication intégrale de
plusieurs documents.
•
L’Institut du Christ Roi
Souverain Prêtre (Villa Martelli, Via di Gricigliano 52, I - 50069
Sieci) publie, en français, une belle revue du même nom. Dans le dernier
numéro, n° 23, on trouve un intéressant dossier sur Fatima. Outre les
documents relatifs au troisième secret de Fatima, on trouve une longue
étude de Mgr Rudolph Schmitz, “ Le message de Fatima et la crise de la
foi aujourd’hui ”, et la publication d’une très intéressante
correspondance échangée entre Mgr Hnilica et le cardinal Ratzinger. Cet
échange porte sur la nature-même des apparitions de la Vierge, le
mystère du Coeur Immaculé de Marie et son triomphe qui reste à venir.
Précision
Dans
le précédent numéro d’Alethéia, j’indiquais qu’à
ma connaissance le bienheureux Mgr Escriva de Balaguer, qui sera canonisé
dans les mois à venir, avait célébré la messe selon le nouveau rite à
partir du moment où il est entré en vigueur. Cette information était
incomplète. Mgr Escriva de Balaguer a bien célébré selon le N.O.M.
à partir de 1969 mais il en “ souffrait spirituellement ”. Par un
intermédiaire, Mgr Del Portillo, permission lui a été accordée de
célébrer à nouveau selon le rite traditionnel, ce qu’il a fait jusqu’à
sa mort. Les correspondants qui m’ont signalé le fait divergent sur l’autorité
qui a accordé cette permission : Paul VI ou le Préfet de la
Congrégation pour le Culte Divin. |