LA
FRATERNITÉ SAINT-PIE X ET LA NOUVELLE MESSE (III)
I.
Réactions à l’étude de la FSPX
II.
Quatre questions à M. l’abbé Sulmont (document)
III.
Les études précédentes sur le N.O.M.
A
la lecture de la présentation faite du Problème de la réforme
liturgique (éditions Clovis), un prêtre de la FSPX, vivant en
Suisse, m’a intimé un ordre : “ vous n’êtes pas théologien.
Alors taisez-vous ” (sic). Il juge aussi que je suis “ un homme
dangereux ” (re-sic). En la circonstance, il semblerait que ce prêtre
péremptoire ne soit pas le porte-parole d’autorités nettement
supérieures à la sienne mais rien de plus que l’écho de lui-même.
Je
continuerai donc, en toute liberté, la présentation de quelques faits ou
événements de l’actualité religieuse, sans crainte de déplaire ni
souci de plaire. Cette voie d’indépendance n’est pas sans intérêt,
si j’en crois ceux qui m’encouragent et/ou contribuent à la diffusion
de cette petite lettre libre. Alètheia ne prétend à aucun
magistère, elle ne se veut qu’un service de la vérité.
I.
Réactions à l’étude de la FSSPX
Ce
que je redoutais dans le précédent numéro d’Alètheia, le 27
mars dernier, s’est produit. Le même jour, la Croix publiait ce
qui semblait être l’extrait d’une lettre adressée par le cardinal
Eyt à la Croix. “ Voici ce que nous écrit l’archevêque de
Bordeaux ...” disait le journal en citant des extraits d’un texte dont
il n’indiquait ni la nature ni la date. En fait, par la Documentation
catholique datée du 15 avril, où on peut lire le texte intégral du
document, on constate qu’il s’agit d’un communiqué officiel, daté
du 25 mars.
L’archevêque
de Bordeaux est présenté souvent comme la “ tête théologique de l’épiscopat
”. Sa réaction était attendue. Elle est décevante et, pour tout dire,
n’est pas vraiment à la hauteur et du problème posé et des demandes
faites.
On
ne sait de quoi s’indigner davantage :
.
Le cardinal-archevêque de Bordeaux commence ainsi : “ D’après des
informations parvenues en France assez mystérieusement, le Saint-Siège
et le Saint Père en personne ont manifesté depuis de longs mois déjà,
le désir de développer des contacts avec la Fraternité Saint-Pie X. ”
Manière détournée pour dire et s’indigner que l’épiscopat
français n’en ait pas été informé, à l’origine.
.
Le Supérieur général de la FSSPX, Mgr Fellay, est désigné avec un
mépris désolant : “ Selon l’homme [sic] qui semble guider la
discussion, Mgr Fellay... ”
.
Puis, le cardinal Eyt se réjouit qu’à la date où il écrit les
discussions soient interrompues : “ je me félicite que la cause de la
dite suspension vienne “du côté de Rome” ”.
.
Le fond du problème n’est pas vraiment abordé. Les questions
abordées dans le livre ne sont pas traitées : la théologie du “
mystère pascal ” est-elle nouvelle, est-elle au coeur de la nouvelle
messe et a-t-elle été introduite une doctrine qui est “ un danger pour
la foi ” ? Le cardinal-archevêque de Bordeaux se contente de
qualifier l’étude des “ théologiens lefebvristes ” (sic) d’ “
attristante caricature de la théologie catholique de l’Eucharistie ”.
.
Le communique du cardinal Eyt se termine par une mise en garde qui semble
s’adresser à Rome et qui est clairement indiquée comme l’opinion d’une
partie importante de l’épiscopat français : “ nous sommes nombreux
à voir sur cette route [les discussions entre Rome et la FSPX] davantage
d’obstacles que d’ouvertures. ”
Quelques
jours plus tard, le 2 avril, la Croix publiait un article de
Bruno Chenu intitulé “ Pourquoi Vatican II a “corrigé” Trente ”,
tout entier consacré à “ riposter ” au livre de la FSSPX. Le
théologien assomptionniste - mais à le lire et à le voir, en
veste-cravate, le lecteur qui ne le saurait pas, ignorera que Bruno Chenu
est un religieux des Augustins de l’Assomption et un spécialiste de la
théologie africaine -, lui aussi, traite le livre par le mépris. Il
parle de “ la littérature ” de la FSSPX, de “ prétendus
théologiens ” et, finalement, d’ “ imposture intellectuelle ”.
Sur
le fond, les arguments du père Chenu, plus développés que ceux mis en
avant par le cardinal Eyt, ne répondent pas, me semble-t-il, aux
critiques exposées par les auteurs du Problème de la réforme
liturgique. La doctrine de la messe comme sacrifice propitiatoire, le
père Chenu la renvoie aux calendes grecques : “ les catholiques de plus
de 50 ans, écrit-il, se rappellent peut-être le catéchisme de 1947 ...
”. Cette doctrine, explique-t-il, était l’héritière du concile de
Trente.
Mais
le concile de Trente, explique-t-il encore, est daté, il “ ne peut
être compris que dans son contexte ”. L’argument est
stupéfiant sous la plume d’un théologien. Que fait-il de la valeur
permanente des formules dogmatiques ? En estimant une formulation
dogmatique dépassée, on verse dans l’historicisation des dogmes, le
relativisme doctrinal. Le père Chenu affirme aussi qu’avant
Luther “ l’expression “le sacrifice de la messe” était
pratiquement inconnue en Occident ”. Ce genre d’argument a déjà
été avancé pour le port de l’habit ecclésiastique : c’est à
partir du concile de Trente que le port de la soutane aurait été
introduit dans la discipline du clergé. Cette dernière affirmation peut
être contredite, aisément, par l’histoire. Je ne doute pas qu’il ne
puisse en être de même pour la notion de sacrifice.
Enfin,
comme l’indique le titre de son article, le père Chenu est persuadé
que le concile Vatican II a “ corrigé ” le concile de Trente. Un
concile pastoral aurait corrigé un concile dogmatique ? Et, ce, sous la
motion du Saint -Esprit (qui est, bien sûr, le “ grand oublié de la
théologie lefebvriste ” affirme le P. Chenu) ?
Ni
le cardinal Eyt, par son communiqué, ni le théologien Chenu, par son
article, n’ont répondu aux critiques et requêtes des auteurs du Problème
de la réforme liturgique. On peut ne pas être entièrement persuadé
par la démonstration de ceux-ci, mais il y a d’autres manières de
répondre qu’en jetant des pierres ( “ attristante caricature ” dit
le cardinal Eyt, “ imposture intellectuelle ” dit le père Chenu).
Pour
être juste, il faut dire aussi que la Croix, ensuite, le 11 avril,
a laissé, dans sa tribune des lecteurs, l’abbé de La Rocque, un des
auteurs du livre en question, exposer longuement sa
position.
II.
Quatre questions à M. l’abbé Sulmont (document)
Le
Bulletin paroissial de Domqueur (80620 Domqueur), que vous dirigez,
fête cette année son 30e anniversaire. Pensez-vous qu’en trente ans la
situation de l’Eglise s’est aggravée ou, du moins sur certains
points, améliorée ?
Pensez-vous
que si la liberté de dire la messe traditionnelle était universellement
rétablie, et sans conditions, de nombreux prêtres de paroisse la
célébreraient à nouveau ?
Les
jeunes prêtres de votre diocèse vous semblent-ils plus traditionnels,
moins “ idéologisés ”, que leurs aînés (les 40/65 ans) ?
Pensez-vous
qu’une réforme du missel de Paul VI soit possible ou sera-t-il
nécessaire d’en venir à son abrogation ?
III.
Les études précédentes sur le N.O.M.
Par
la voix de son président, Loïc Mérian, le CIEL (Centre International d’Etudes
Liturgiques), proche de la Fraternité Saint-Pierre, a réagi au livre sur
la nouvelle messe publié par la Fraternité Saint-Pie X. Intitulée “
Enfin ! ”, sa chronique, publiée dans la Nef , estime : “
Après plus de 30 années de combat contre le rite de la messe instituée
par le pape Paul VI, la Fraternité Saint-Pie X vient enfin de sortir une
étude consacrée au “ problème de la réforme liturgique”. (...) En
30 années rien d’autre que quelques conférences de l’été “chaud”
1976, diverses plaquettes écrites par des laïcs, un seul ouvrage celui
de Louis Salleron mais qui était surtout une réaction d’époque et c’est
tout ! ” Seraient venus ensuite les travaux de Mgr Gamber, des
bénédictins du Barroux, des dominicains de Chémeré-le-Roi et du CIEL,
tous travaux, écrit Loïc Mérian, qui seuls constituent “ un
véritable corpus de réflexion sur ces questions liturgiques qui
soit sérieux... mais qui émane de la mouvance Ecclesia Dei. ”
Cette
rétrospective caricaturale et injuste de trente années de combat pour la
messe catholique traditionnelle, latine et grégorienne a valu à son
auteur une réponse, ou plutôt une volée de bois vert, de Jean Madiran.
Dans Présent , le 7 avril, Jean Madiran a rappelé, à juste
titre, que l’abbé de Nantes, dans la Contre-Réforme catholique,
de très nombreux auteurs dans Itinéraires, ont argumenté sur le
sujet, produit des analyses qui ne furent pas “ rien ”. Jean Madiran
fait remarquer : “ Les écrits de l’abbé Georges de Nantes, sur la
messe comme sur quelques autres sujets, font partie de l’état de la
question, c’est simple justice de le reconnaître. On trouve que l’omettre
est plus facile que le réfuter.” Il y a eu, rappelle encore Jean
Madiran, deux ouvrages de Louis Salleron : La nouvelle messe
(Nouvelles Editions Latines) et Dix dialogues sur la crise de l’Eglise
(Dominique Martin Morin).
Loïc
Mérian, après qu’il ait cité les travaux “ de la mouvance Ecclesia
Dei ”, écrit : “ Du côté de la Fraternité Saint-Pie X
rien ”. C’est méconnaître les six ouvrages publiés par la
dite-Fraternité avant Le Problème de la réforme liturgique
:
-
abbé Paul Aulagnier, La Raison de notre combat, la messe catholique,
Editions Saint-Gabriel, 1977. Texte d’une longue, et très claire,
conférence donnée par M. l’abbé Aulagnier en 1977 à Paris.
-
abbé Didier Bonneterre, Le Mouvement liturgique, Editions
Fideliter, 1980. Histoire
du
“ mouvement liturgique ” qui a traversé tout le XXe siècle et qui
est à l’origine de la réforme liturgique de l’après-concile.
-
abbé Grégoire Celier, La Dimension oecuménique de la réforme
liturgique, Editions Fideliter, 1987.
-
dom Edouard Guillou, Le Canon romain et la liturgie nouvelle,
Editions Fideliter, 1989. Ce n’est pas un écrit de circonstance mais un
commentaire, ligne à ligne, du canon romain, comparé aux textes de la
nouvelle liturgie.
-
La Messe traditionnelle, trésor de l’Eglise, Editions Fideliter,
1992. L’ouvrage se voulait une réponse à La Réforme liturgique en
question de Mgr Gamber. Après un texte, polémique, de l’abbé
Laguérie, on trouvait réédition de trois textes : une conférence de
Mgr Lefebvre consacrée à ce qu’il appelait “ la messe de Luther ”,
donnée à Florence en 1975 ; la conférence, déjà citée, de l’abbé
Aulagnier et le Bref examen critique du Nouvel Ordo Missae
qui fut présenté en 1969 par les cardinaux Ottaviani et Bacci.
-
La Raison de notre combat : la messe catholique, éditions Clovis,
1999. Le livre est la réédition des quatre ouvrages précédents (hormis
le chapitre polémique de l’abbé Laguérie), augmentés de deux textes
parus à l’origine dans Itinéraires : l’un du Père Calmel, en
1970, qui était une “ Déclaration ” où il exprimait les raisons de
son refus du N.O.M. ; l’autre de l’abbé Raymond Dulac, en 1972, “
La bulle de saint Pie V promulguant le missel romain restauré ”.
En
publiant Le Problème de la réforme liturgique, la Fraternité
Saint-Pie X n’a donc pas “ enfin ” apporté sa pierre à la critique
du N.O.M., on devra dire plutôt qu’elle l’a fait avec une
argumentation nouvelle. C’est cette argumentation qu’il s’agit de
discuter. A ce jour, ni le cardinal Eyt, ni le théologien Chenu, ni le
directeur du CIEL n’ont apporté des réponses à la hauteur des
analyses contenues dans le livre.
Sur
le N.O.M., je ferais volontiers miennes les distinctions que m’écrit un
religieux :
“
Le N.O.M. est orthodoxe, c’est-à-dire conforme à la foi. Sinon il n’y
aurait plus d’Eglise. Cela n’est pas contradictoire, hélas ! avec le
fait que son caractère évolutif et de saveur oecuménique
puisse travailler contre la foi. Je dirais la même chose du
nouveau Code de droit canon. Il n’est pas hétérodoxe mais il fait
tomber des remparts. ” |