LA
FRATERNITÉ SAINT-PIE X ET LA NOUVELLE MESSE (suite)
On
a attiré mon attention sur le fait que le dernier numéro d’Alètheia,
consacré à l’ouvrage publié par la Fraternité Saint-Pie X
sous le titre Le Problème de la réforme liturgique, a suscité un
certain émoi dans les sphères dirigeantes de la dite-Fraternité. Ce fut
plus que du mécontentement. Venant de tous autres horizons, d’autres
réactions me sont parvenues. Je voudrais donc revenir sur ce livre
important [1] .
Une
figure éminente du monde éditorial de la Fraternité Saint-Pie X disait,
avec quelque condescendance, qu’Alètheia n’a “ qu’un
intérêt anecdotique ”. Je dirais plus exactement, au risque de
répéter l’avertissement qui figure en tête de chaque numéro, qu’Alètheia
est une lettre libre d’informations religieuses. Ni plus, ni
moins.
1.
Tout ce qui s’y imprime n’engage que moi, et en aucune manière les
publications auxquelles, par ailleurs, je collabore.
2.
Les analyses que cette modeste lettre publie n’entendent pas prendre
parti dans les querelles perpétuelles que certains, dans le monde
traditionaliste, s’évertuent, semble-t-il, à maintenir, pour s’assurer
de leur existence et de leur bonne marche sur la voie qu’ils ont
choisie.
3.
Cette modeste lettre ne vit que de la bienveillance et de la charité de
ses lecteurs, des lecteurs qui s’inscrivent dans une géographie
ecclésiale très diverse, de Paris à Rome, de la Suisse à la Provence.
A défaut de pouvoir être, hélas, un lien d’amitié, elle est un lien
d’informations, au service de la seule vérité.
•
Ce sont les “ quelques remarques d’un fidèle du dernier rang ”, qui
accompagnaient la présentation du livre, qui ont suscité l’émoi
évoqué plus haut. On les juge “ superficielles ”, ce qui ne signifie
pas erronées. Je laisse aux théologiens qualifiés le soin de discuter
plus en profondeur les analyses du livre.
Sur
le plan formel, il est clair que cette étude sur “ la messe de Vatican
II et de Paul VI ” est, de la part de la FSPX, une nouvelle approche de
la question. L’angle d’attaque choisi, si l’on peut dire, est
celui
de la doctrine du mystère pascal, qui serait sous-jacente à toute la
réforme liturgique. Cet angle d’attaque est-il pertinent ? Aux
théologiens et liturgistes de répondre.
En
revanche, on peut saluer l’effort doctrinal que fait, par ce livre, la
FSPX. Elle ne s’en tient plus au Bref examen de la nouvelle messe des
cardinaux Ottaviani et Bacci, qui date de 1969. La FSPX a voulu aller aux
sources elles-mêmes de cette réforme : les liturgistes et théologiens
qui, à travers notamment le Consilium, l’ont inspirée. D’où
une multiplication de références et de citations d’auteurs.
Mais
cette méthode a ses limites. A plusieurs reprises, les auteurs appuient
leurs démonstrations par des citations de théologiens et de liturgistes,
dans leurs oeuvres de différentes époques, et les entremêlent de
citations du Magistère actuel. Cette juxtaposition incessante de
citations vaut-elle démonstration ?
•
Un autre lecteur, figure éminente des catholiques Ecclesia Dei, s’est
demandé si ce livre n’était pas une provocation, lancée dans le
public au moment où la FSPX négociait à Rome, pour torpiller les
dites-négociations.
S’il
y a eu, comme je l’ai dit, interrogation, de la part des autorités de
la FSPX, sur l’opportunité de publier une tel livre en ce moment, il n’y
pas eu volonté de provocation. Cette étude sur la réforme liturgique
était en préparation avant que des négociations s’ouvrent avec
Rome.
Elle
s’inscrit, plus largement, dans un effort d’approfondissement
doctrinal auquel est décidée la FSPX. Après la réédition des Dubia
sur la liberté religieuse de Mgr Lefebvre, cette étude théologique et
liturgique sur la nouvelle messe est une nouvelle étape de cet effort d’approfondissement
doctrinal. Il se prolongera à l’avenir, semble-t-il, par des études
sur l’oecuménisme, l’ecclésiologie et d’autres sujets.
On
peut même dire que la FSPX, par ces différents ouvrages doctrinaux, veut
contribuer au débat auquel Jean-Paul II a appelé dans le motu proprio Ecclesia
Dei adflicta (2.7.1988), demandant aux théologiens d’approfondir
“ les points doctrinaux qui, peut-être à cause de leur nouveauté, n’ont
pas été compris dans certaines parties de l’Eglise. ”
•
En matière liturgique, parmi ceux qu’on appelle les catholiques Ecclesia
Dei, le C.I.E.L. (Centre International d’Etudes Liturgiques)
présidé par Loïc Mérian, est l’instance qui, avec des théologiens
qualifiés et le soutien de plusieurs cardinaux, a le plus oeuvré, depuis
des années, à cet approfondissement doctrinal. Les colloques réunis
chaque année par le CIEL, et dont les actes sont publiés, témoignent de
cette réflexion approfondie engagée, au service de l’Eglise.
Ne
serait-il pas opportun que le CIEL organise un colloque sur cette doctrine
du “ mystère pascal” que mettent en cause les auteurs du Problème
de la réforme liturgique ?
•
Le cardinal Medina, Préfet de la Congrégation pour le Culte divin et la
Discipline des Sacrements, a déjà adressé une lettre aux supérieurs de
la FSPX relatives à ce livre. On en ignore la teneur. Il serait étonnant
que l’épiscopat français, au moins par le SNOP, ne réagisse
pas à son tour puisque le livre a été envoyé à 22.000 prêtres de
France. Il est simplement à espérer que cette réaction ne prendra pas
la forme d’un communiqué de mise en garde, comme il y en a eu jadis à
l’égard d’autres traditionalistes. L’étude sur la nouvelle messe
produite par la FSPX mérite une réponse appropriée, c’est à dire des
“ clarifications doctrinales et liturgiques ” comme le demande Mgr
Fellay dans l’Adresse au Saint-Père qui ouvre le livre.
•
Pendant longtemps, on a prêché dans certaines chapelles de la FSPX qu’il
valait mieux ne pas assister à la nouvelle messe si on ne pouvait pas
assister à la messe selon le rite traditionnel. Cette position est-elle
encore celle soutenue par la FSPX ? Il le semble, à lire la page
115 de l’ouvrage cité. Cette position n’est pas sans poser des
problèmes théologiques divers. Je laisse aux théologiens le soin d’en
discuter.
•
Enfin, les différents points soulevés dans cette lettre, comme les “
remarques ” faites dans le précédent numéro, n’empêchent pas que
je partage pleinement l’objectif poursuivi par les auteurs du livre :
que des “ clarifications doctrinales et liturgiques ” du N.O.M. soient
apportées par le Magistère. On peut aussi, tout uniment, partager les
demandes de la FSPX : que la liturgie romaine traditionnelle soit
universellement autorisée pour tous les prêtres et qu’il y ait “
modification ou abrogation ” de la nouvelle liturgie. |