LA
FRATERNITÉ SAINT-PIE X ET LA NOUVELLE MESSE
La
Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X vient de faire paraître un
ouvrage sur la réforme liturgique. D’après nos informations, l’ouvrage
était en préparation avant l’ouverture des discussions avec Rome, mais
celles-ci lui donnent un relief particulier. Aussi, cette étude
est-elle précédée d’une Adresse au Saint Père, en date du 2
février, rédigée par Mgr Fellay. L’ouvrage, avant d’être rendu
public, a été envoyé, au milieu du mois de février, au pape Jean-Paul
II, et aux cardinaux Ratzinger, préfet de la Congrégation pour la
doctrine de la Foi, Medina, préfet de la Congrégation pour le culte
divin et Castrillon Hoyos, préfet de la Congrégation pour le clergé et
président de la Commission pontificale Ecclesia Dei..
C’est
dire si, pour la Fraternité Saint-Pie X, il ne s’agit là pas seulement
d’une étude de plus sur la nouvelle messe mais aussi d’une prise de
position solennelle, en forme de manifeste et de revendication. L’ouvrage,
imprimé depuis un certain temps, n’a pas été diffusé de suite dans
le public, pour ne pas paraître une provocation au moment où les
discussions avec Rome se poursuivaient. Puis, finalement, et alors que ces
discussions continuent, l’ouvrage est livré au public. Il sera envoyé
aussi à 22.000 prêtres de France, par l’intermédiaire de la Lettre
à nos frères prêtres de l’abbé de La Rocque.
Intitulé
Le Problème de la réforme liturgique (éditions Clovis, B.P. 88,
91152 Etampes cedex, 125 pages, 69 F), l’ouvrage n’est pas signé mais
on croit reconnaître, entre autres, la méthode argumentaire qu’avait
employée l’abbé Grégoire Celier dans son essai, La Dimension
oecuménique de la réforme liturgique (Fideliter, 1987); et
parmi les autres auteurs de cet ouvrage collectif, il y a aussi, sans
doute, M. l’abbé de La Rocque, qui travaillait depuis longtemps à une
étude de la nouvelle messe.
L’ouvrage
se présente comme une “ étude théologique et liturgique ” du nouvel
ordo. Sans se référer aux nombreuses études critiques déjà
existantes, les auteurs font référence uniquement aux textes officiels
de l’Eglise sur la réforme liturgique (notamment l’Institutio
generalis Missalis romani, 1969) et aux nombreux théologiens et
liturgistes qui ont inspiré ou collaboré à la réforme liturgique.
Dans
son “ Adresse au Saint Père ”, Mgr Fellay demande, à propos de la
Nouvelle messe, “ des clarifications doctrinales et liturgiques de la
part de l’Autorité suprême ” (p. 7) et “ sa modification ou son
abrogation ” (p. 7). Il demande aussi - ce fut, on le sait, une des deux
exigences posées lors de l’ouverture des négociations avec Rome - que
faculté soit donnée à “ tout prêtre de célébrer selon l’intègre
et fécond missel romain révisé par saint Pie V, trésor précieux si
profondément enraciné dans la tradition millénaire de l’Eglise Mère
et Maîtresse. ”
L’étude
s’articule ensuite en trois parties et en 122 paragraphes numérotés.
Une
première partie tend à démontrer que “ pour désigner les
différences entre le missel traditionnel et le nouveau missel le terme de
rupture liturgique est plus juste que celui de réforme liturgique
” (p. 16).
Une
deuxième partie veut montrer que “ les nombreuses et substantielles
différences entre le missel traditionnel et le nouveau missel ”
trouvent leur “ principe unificateur ” - et leur inspiration - dans la
doctrine, nouvelle, de “ mystère pascal ” (p. 49). En une quarantaine
de pages, les auteurs s’emploient à démontrer qu’appliquée à la
liturgie cette “ nouvelle théologie ” - qui nierait “ la valeur
expiatoire de la mort du Christ comme essentielle à l’oeuvre
rédemptrice ” (p. 64) - aboutit à gommer ou à réduire la dimension
sacrificielle de la messe.
La
dernière partie, la plus brève, entend prouver que la nouvelle messe a
introduit une “ rupture dogmatique ” et que “ le nouveau missel ne
propage plus la lex credendi de l’Eglise, mais une doctrine à
saveur hétérodoxe ” (p. 115).
Quelques
remarques d’un fidèle du dernier rang
N’étant
pas théologien, et simple fidèle du dernier rang (à la messe dans l’un
ou l’autre rite), je me permettrai seulement de faire trois remarques.
•
Cette étude, qui cite de très nombreux actes du Magistère, de
différentes époques, et de très nombreux théologiens et liturgistes,
ne fait pas une seule référence aux actes du Magistère qui, depuis le
concile Vatican II, ont réaffirmé avec solennité la doctrine
traditionnelle sur la Sainte Eucharistie. Entre autres, l’encyclique Mysterium
fidei (1965) de Paul VI toute entière consacrée à mettre en
garde, à propos du “ mystère très saint ” de l’Eucharistie,
contre “ certaines opinions qui troublent les esprits des fidèles ”.
Et du même pape, la Profession de foi (1968), qui réaffirmait,
notamment, que la messe “ est le sacrifice du calvaire rendu
sacramentellement présent sur nos autels ”.
•
Quand les auteurs du Problème de la réforme liturgique font
référence aux définitions du Catéchisme de l’Eglise Catholique
(1992), ils le font, me semble-t-il, de manière partiale et
minimalisante. Le CEC ne définit pas seulement la messe comme un “
mémorial sacrificiel ” mais définit bien l’Eucharistie comme “ un
sacrifice ” (1365) et rappelle longuement les définitions du
concile de Trente (1366 et 1367).
•
Enfin, à propos de la la théologie du “ mystère pascal ”, que les
auteurs contestent, on remarquera que l’ouvrage le plus important sur le
sujet, celui du père Louis Bouyer, Le Mystère pascal, Cerf, 1945,
n’est pas cité. Or, dans cet ouvrage, le père Bouyer, par exemple,
faisait une vigoureuse mise en garde contre une conception erronée de l’offertoire
et du sacrifice (p. 460, de la 5e édition revue et augmentée, 1957).
Cette page rejoint exactement ce que disent les auteurs (p.19-21).
Ceci
dit, on lira avec intérêt ce livre accessible à un grand public. On
sera d’accord avec Mgr Fellay quand il demande à l’Autorité suprême
“ modification ou abrogation ” de la nouvelle messe. Mais entre l’une
ou l’autre décision, il y a une différence de taille et on voit mal
comment pourrait disparaître une nouvelle liturgie dorénavant
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