La lettre Aletheia est désormais publiée directement sur le blog d'Yves Chiron. Vous y retrouverez tous les numéros de Aletheia depuis le premier, les textes de Maurrassiana, et quelques articles de Présent.

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Aletheia n°8 - 13 février 2001 PDF

Sommaire

I. Rome renoue le dialogue avec la Fraternité Saint-Pie X (document).

II. Un nouveau livre d’Alain de Benoist.

III. La disparition de Gustave Thibon (document).


I. Rome renoue le dialogue avec la Fraternité Saint-Pie X

Divers signes, ces derniers mois, laissaient comprendre qu’un nouveau type de relations était en train de s’instaurer entre Rome et la Fraternité Saint-Pie X. Alètheia, au fil de ses numéros, les avait signalés : le dialogue, en profondeur, de l’abbé La Rocque, de la FSPX, avec les prêtres diocésains de France à travers sa Lettre à nos frères prêtres ; les églises et sanctuaires qui, à Rome et en France,  se sont ouverts à la FSPX à l’occasion du Jubile ; l’entretien accordé, cet été, à Trenta Giorni par Mgr Fellay, Supérieur général de la FSPX ; le livre de l’abbé Aulagnier, deuxième assistant général de la FSPX.

Le 22 janvier dernier, Mgr Fellay a publié un “ Communiqué aux membres de la Fraternité et aux Communautés amies ” pour annoncer l’ouverture de négociations entre le Vatican et la FSPX.  Ce communiqué était destiné aux seuls prêtres de la Fraternité qui ne pouvaient en informer leurs fidèles “ de vive voix seulement ”. “ Le texte lui-même ne doit pas être remis aux mains des fidèles jusqu’à nouvel avis. Il est interdit de le publier ” était-il précisé. La FSPX, sans doute, ne voulait pas laisser le dialogue engagé être parasité par des commentaires inconsidérés.

Mais comme la consigne n’a pas été respectée et que le texte du communiqué est disponible sur internet, en voici, à titre documentaire, le texte intégral :

     Communiqué de la Maison généralice, le 22 janvier 2001

Destiné aux membres de la Fraternité et aux Communautés amies

1. Suite à notre pèlerinage à Rome cet été, le cardinal Castrillon Hoyos a eu un premier contact direct avec les évêques de la Fraternité en août.

2. Au mois de novembre, le même Cardinal mandaté par le pape Jean-Paul II a invité le Supérieur Général à venir “ pour préparer une visite au pape ”.

3. Le 29 décembre, le Cardinal Castrillon propose à Mgr Fellay les divers éléments qui pourraient servir à un possible accord entre Rome et la Fraternité, et le Supérieur Général exprime son point de vue, ses méfiances, ses appréhensions. (Bien que  jamais Rome ne soit allé si loin en faveur de la Tradition).

4. Le 30 décembre, pendant quelques instants, le Supérieur Général entrevoit le pape dans sa chapelle privée (aucune parole d’importance n’y est échangée).

5. Le 13 janvier, réunion spéciale du Conseil général, des évêques de la Fraternité et du délégué de Mgr Rangel où sont établis les principes qui nous guident dans la situation présente.

6. Le 16 janvier, nouvelle rencontre avec le cardinal Castrillon, pendant laquelle le Supérieur Général expose la nécessité de garanties de la part de Rome avant d’aller plus avant dans le concret d’éventuelles discussions ou accord :

• Que la messe tridentine soit accordée à tous les prêtres du monde entier.

• Que les censures qui frappent les évêques soient annulées.

Les principes qui nous guident à travers cette situation quelque peu nouvelle sont les suivants :

1. Rome étant l’auteur de la démarche, il est normal que la Fraternité l’examine avec le sérieux  qu’elle mérite.

2. Ayant devant les yeux d’une part l’exemple tout récent de la Fraternité Saint-Pierre, d’autre part la continuité de la ligne post conciliaire constamment réaffirmée par Rome, notre défiance est extrême.

3. La Fraternité n’a aucunement l’intention de modifier ses principes et sa ligne de conduite. Les fruits si abondants de grâces d’une part, le désastre conciliaire d’autre part ne font que renforcer sa détermination à conserver la Tradition catholique.

4. Si accord il y avait, il ne serait à envisager que dans la perspective de redonner à la Tradition son droit de cité, même si le triomphe final ne s’obtiendra que graduellement.

5. Les prières demandées aux membres de la Fraternité pendant un mois ne signifient pas du tout notre attente que tout soit réglé durant cette période ou dans une quelconque précipitation. Il s’agit d’un temps de prière où nous demandons plus intensément à Notre Dame qu’elle ouvre les Coeurs des responsables romains et des évêques, qu’elle nous fasse éviter tout piège et qu’elle fasse triompher dans l’Eglise les droits de son divin Fils.

Menzingen, 22 janvier 2001

+Bernard Fellay

On remarque, dans ce communiqué, la “ défiance extrême ” de la FSPX à l’égard des discussions engagées et , aussi, la froideur avec laquelle est évoquée la rencontre avec Jean-Paul II. On remarque aussi, a contrario, le caractère non-excessif des “ garanties ” demandées par la FSPX.

Sans évoquer la teneur des propositions, généreuses, faites par le Saint-Siège, on peut signaler que Mgr Fellay est venu exposer le 1er février dernier, aux prêtres de la FSPX de France (les plus nombreux dans la Fraternité), l’état actuel des discussions avec Rome.

Il semble que la grande majorité des prêtres de la FSPX voit favorablement  l’ouverture de ces négociations. Il n’en va pas de même des Dominicains d’Avrillé. Nul doute que si un accord avec Rome intervenait, certains prêtres de la FSPX, peu nombreux, le refuseraient, par principe. Déjà, il y a quelques mois, un prêtre qui avait quitté la FSPX, l’abbé Xavier Grossin, dénonçait les compromissions de Mgr Fellay avec Rome : “ A chaque visite du Supérieur Général au Vatican, un de ses prêtres fidèle au dogme de l’infaillibilité fait les frais de ces politesses en se faisant renvoyer. Il faut bien leur montrer de la bonne volonté en excluant les durs ” (Le Bastion de Saint-Maurice, 35360 Montauban-de-Bretagne, octobre 2000).

Ce même abbé Grossin, avec l’esprit de finesse qui le caractérise , dénonçait, dans une lettre, publiée sans signature dans la revue des Dominicains d’Avrillé (Sel de la terre, n° 31, hiver 1999-2000, Couvent de la Haye-aux-Bonhommes, 49240 Avrillé), “ les hérésies gnostiques avec leur cortège d’immoralité ” de “ monsieur Chiron ” et  disait prier pour sa “ véritable conversion ”...


II. Un livre d’Alain de Benoist

Alain de Benoist passe, à gauche, pour un dangereux homme d’extrême-droite qui arbore le masque d’une “ Nouvelle Droite ” improbable. Dans beaucoup de milieux de droite, il passe pour un dangereux “ païen ” dont la pensée se réduirait à l’anti-christianisme. Il est vrai que jadis Alain de Benoist a édité Celse et Louis Rougier et qu’il les a réédités récemment. Il y a quelques mois, il faisait publier un ouvrage de Ram Swarup (1920-1998) qui fut un des principaux théoriciens du fondamentalisme hindou.  Cet ouvrage, Foi et intolérance  (éditions du Labyrinthe, 70 rue Compans, 75019 Paris, 233 pages, 129 F), est une analyse critique du christianisme et de l’islam sous “ un regard hindou ”.

Il serait injuste de réduire Alain de Benoist à  ces caricatures opposées. C’est, avant tout, un homme de réflexion, curieux de tous les domaines du savoir. Son dernier livre est la publication de son journal de l’année 1999 sous le titre : Dernière année. Notes pour conclure le siècle (L’Age d’Homme, 302 pages). A coté de nombreuses considérations sur d’autres sujets non-religieux, il s’y montre quasiment hanté par la figure de saint Paul ;  il rapporte ses recherches sur le (faux) problème des supposés “ frères de Jésus ” ; il  évoque, à deux reprises, ses conversations avec l’abbé de Tanoüarn sur des questions d’exégèse et de patristique.

Certes, la conception des origines du christianisme qu’a Alain de Benoist est erronée ( “ Paul a créé une religion nouvelle, ce que Jésus n’avait jamais eu l’intention de faire. Bel exemple d’hétérotélie ”, p. 83). Mais Alain de Benoist ne fait peur qu’à ceux qui ne le lisent pas et ne le connaissent pas.


III. La disparition de Gustave Thibon

La disparition de Gustave Thibon, le 19 janvier dernier, n’a pas eu, dans les médias, l’écho dont bénéficie la disparition de personnalités qui ont beaucoup moins apporté à la civilisation. L’Action Française 2000 (10 rue Croix-des-Petits-Champs, 75001 Paris), dans son numéro du 1er février, a publié un intéressant hommage au philosophe “ poète-paysan ” avec des articles de Michel Fromentoux, Eric Vatré, Antoine Clapas, Robert Gaud et Stéphane Blanchonnet. Le quotidien Présent  (5 rue d’Amboise, 75002 Paris), dans son supplément littéraire du 3 février, a publié des articles de Danièle Masson, Rémi Fontaine et Olivier Mirande.

Rappelons qu’en 1993, après avoir publié depuis 1934 de nombreux volumes d’essais et d’aphorismes, Gustave Thibon publiait, sous le titre Au soir de ma vie (Plon, 219 pages), un volume de “ mémoires recueillis et présentés par Danièle Masson ”.

Sauf erreur de ma part, le quotidien la Croix n’a consacré aucun article au philosophe chrétien. Mais l’Eglise ne l’a pas oublié. Lors des obsèques de Gustave Thibon, un message de l’évêque du diocèse a été lu. Ce texte n’ayant été publié ni cité dans aucun quotidien ou hebdomadaire, je crois utile de le reproduire ici intégralement :

Message pour les obsèques de Monsieur Gustave Thibon

Le 20 janvier 2001

Je désire me joindre à vous auprès de Monsieur Gustave Thibon.

Vous ses enfants et petits-enfants, vous aussi qui l’avez entouré et accompagné de sollicitude et d’affection. Je vous exprime toute ma sympathie.

Vous les paroissiens de Saint-Marcel d’Ardèche lieu de sa naissance auquel il est toujours resté attaché. Vous perdez un des vôtres dont vous étiez fiers.

Je partage vraiment votre peine. Je regrette profondément de ne pas être physiquement avec vous, cela m’a été impossible, mais je vous suis uni par la prière.

Vous connaissez pour la plupart beaucoup mieux que moi Monsieur Thibon, vous qui lui étiez proches.

Permettez-moi cependant de lui dire en toute vérité mon admiration et mon Merci et ceux de l’Eglise. Il a su dans toute la recherche d’une vie, dans toute sa méditation approfondir le sens de l’homme et de sa vocation indissociablement liés à la foi chrétienne.

Il a su être comme un sillon où se rencontrent une véritable humanité et la grâce de la foi avant de germer ensemble.

Il en a rendu compte par la parole et par ses oeuvres. Ce fut sa façon d’être un témoin. L’Eglise de France lui est reconnaissante.

Deux phrases de lui en correspondance avec ce que nous vivons aujourd’hui :

je porte en moi des morts plus vivants que les vivants. Mon plus haut désir est de les retrouver

mon Dieu, à ma mort prenez-moi tel que vous m’avez fait et tel que je me suis défait, ayez pitié en moi de Votre image

Que le Seigneur de l’espérance exauce cette double prière.

François BLONDEL

Évêque de Viviers